L’accès des TET à la résidence permanente : une solution mitigée

Publié le 15/04/2016 à 08:20

Bien que l’accès à la résidence permanente gagnerait à être facilité pour certaines catégories de travailleurs étrangers temporaires (TET), il ne faut pas y voir la solution qui éliminera la pénurie de main-d’œuvre dans le secteur agricole primaire au Québec. Voici pourquoi.

Avec le printemps, c’est un fort contingent de TET qui débarqueront à l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau. On parle de près de 9 200 travailleurs, principalement mexicains et guatémaltèques, venus pour la récolte des fruits et des légumes.

Cette main-d’œuvre est particulièrement appréciée des producteurs d’ici. Et ce n’est pas tant une question de salaire (même s’ils sont payés au salaire minimum, les coûts à défrayer sont nombreux) que de constance à l’ouvrage : ces travailleurs sont entièrement dévoués aux récoltes, et ils ont l’endurance requise pour travailler sous la canicule.

Or, chaque année, les producteurs sont tenus dans l’incertitude : les visas seront-ils délivrés à temps ? Les démarches administratives sont plus contraignantes depuis la réforme du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) en 2014, et ce, même si le secteur agricole primaire en est, en principe, exclu.

Dans ce contexte d’incertitude, certains proposent de régler la question en accordant la résidence permanente à tous les travailleurs étrangers temporaires.

« Nous ne croyons pas que ce soit la solution », dit par contre Denis Hamel, directeur général de la Fondation des Entreprises en Recrutement de Main-d’œuvre agricole Étrangère (FERME). Cela tient au caractère saisonnier de la main-d’œuvre recherchée, précise-t-il.

Le facteur saisonnier

C’est qu’au Québec, le recours aux TET se concentre surtout dans le secteur maraîcher, d’où provient 63 % de la demande. Il s’agit d’un secteur où les opérations n’ont pas été mécanisées, comme dans les secteurs laitier, animal et céréalier. À titre d’exemple, les TET réalisent 76 % des heures travaillées dans le secteur des légumes des champs.

« Les producteurs peinent à trouver des travailleurs fiables et disponibles pour la courte période que durent les récoltes, explique Denis Hamel. Or, si les TET bénéficiaient de la résidence permanente et qu’ils vivaient ici à l’année, rien ne garantit qu’ils offriraient la même disponibilité. »

Tout indique en effet qu’ils seraient forcés de trouver un autre emploi pour subvenir à leurs besoins le reste de l’année. « S’ils dénichent un emploi au dépanneur du coin, par exemple, probablement qu’ils désireraient le garder et on ne les reverrait plus dans les champs », illustre le directeur général de FERME.

Un même pays, différentes réalités

Denis Hamel fait toutefois remarquer que la réalité n’est pas la même partout au Canada : « Dans les provinces de l’Ouest, l’agriculture, c’est principalement de l’élevage, qui est une industrie qui fonctionne à l’année. C’est donc intéressant pour eux de faire venir des travailleurs qui s’établiront de manière permanente. »

Certaines provinces facilitent ainsi le passage vers la résidence permanente. Comment ? « En reconnaissant une spécialisation en agriculture, même s’il ne s’agit pas d’un emploi spécialisé comme tel, explique Denis Hamel. C’est la situation au Manitoba. »

Le Québec a pris un chemin différent. « Dans les faits, il demeure très difficile pour un TET de se qualifier pour la résidence permanente, dit le directeur général. C’est principalement dû aux critères de sélection des autorités, qui accordent des points si on possède un diplôme et si on maîtrise le français. »

Réunir les conditions gagnantes

Cela dit, l’organisme FERME est le premier à reconnaître qu’il existe des situations où le parcours d’un travailleur étranger temporaire justifie amplement l’obtention de sa résidence permanente.

« Certains travailleurs investissent des efforts pour se spécialiser, mais aussi pour apprendre la langue. Ils peuvent dès lors occuper des postes de plus haute responsabilité et ils représentent même un potentiel de relève agricole intéressant », dit Denis Hamel.

Le gouvernement gagnerait à ouvrir une voie pour cette catégorie de travailleurs. Cela pourrait passer, comme le propose FERME, par une reconnaissance de leurs années d’expérience dans le secteur agricole.

Le point de vue des travailleurs

Qu’en pensent les travailleurs ? C’est d’eux qu’il est question, après tout. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce n’est pas la motivation première des TET d’obtenir la résidence permanente.

« Cela tient aux critères de sélection, explique Denis Hamel. Les travailleurs mexicains doivent être mariés et avoir une famille. Le travail qu’ils accomplissent ici vise à donner une meilleure qualité de vie à leurs enfants. Ils sont également très attachés à leur pays et, quand l’hiver arrive, ils sont bien contents de retourner à la maison ! »

On comprend, en fin de compte, que les deux catégories de travailleurs (temporaires et permanents) ont leur place et leur utilité. Reste maintenant au gouvernement à le reconnaître pleinement, pour faciliter le parcours des uns et des autres.

À la une

Il faut concentrer les investissements en R-D, dit le Conseil de l’innovation du Québec

24/04/2024 | Emmanuel Martinez

L’État devrait davantage concentrer les investissements en R-D dans certains secteurs, selon le Conseil de l’innovation.

Repreneuriat: des employés au rendez-vous

23/04/2024 | Emmanuel Martinez

REPRENEURIAT. Le taux de survie des coopératives est bien meilleur que celui des entreprises privées.

De nouvelles règles fiscales favorisent le repreneuriat familial

Édition du 10 Avril 2024 | Emmanuel Martinez

REPRENEURIAT. Elles devraient stimuler le transfert d'entreprise à des proches.