La reconnaissance de la pénurie de main-d'oeuvre dans le secteur agricole primaire

Publié le 15/04/2016 à 08:40

Alors que le secteur agricole primaire connaît une pénurie de main-d’œuvre chronique depuis plus de 60 ans, la pérennité de ce secteur passe aujourd’hui par la reconnaissance de ce problème par les différents paliers de gouvernement.

Retour au dossier Main-d'oeuvre étrangère et l'agroalimentaire

En juin 2014, quand le gouvernement fédéral a décidé de resserrer les règles du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET), un secteur de l’économie était explicitement exclu de sa réforme, soit celui de l’agriculture primaire.

Certes, il est vrai qu’aucune des controverses qui ont entraîné la refonte de ce programme n’avaient touché ce secteur d’activité. En effet, les mineurs chinois en Colombie-Britannique, les travailleurs indiens à la Banque Royale et le Programme de travailleurs étrangers temporaires de McDonald’s sont bien loin des champs.

Il y a plus. « Dans la foulée de la réforme, le gouvernement a reconnu noir sur blanc qu’il y avait une grave pénurie de main-d’œuvre dans l’industrie agricole primaire », rappelle Denis Hamel, directeur général de la Fondation des Entreprises en Recrutement de Main-d’œuvre agricole Étrangère (FERME). C’est dire à quel point la situation est critique.

Un problème datant de 60 ans

Au cours des années 1950, le Québec rural a connu le même exode que celui qui a touché la plupart des sociétés industrialisées, perdant ainsi le quart de sa population, principalement au profit des grands centres1.

Autrement dit, nous sommes passés d’une société où, en 1931, 27 % de la population vivait du travail agricole, à un Québec où, en 2006, seulement 1,2 % de la population s’y consacrait2.

« Les gens ont quitté la campagne, résume Denis Hamel. Ils ont été progressivement scolarisés et le travail agricole est devenu de moins en moins attrayant. »

Certaines cultures ont été mécanisées dans la foulée, comme celle des céréales. Toutefois, d’autres, qui s’y prêtaient moins, peinent depuis à trouver de la main-d’œuvre. On pense notamment aux cultures maraîchères (fruits et légumes).

Au fil des ans, toutes sortes de stratégies ont donc été élaborées pour recruter des travailleurs, nous apprend Denis Hamel : « On a ouvert des bureaux de recrutement en région. On a embauché des étudiants. Il y a même eu, pendant un certain temps, des programmes pour faire travailler les prisonniers, accompagnés de gardiens... »

Toutes ces solutions se sont toutefois révélées bancales : les régions ont elles aussi leurs besoins de main-d’œuvre pendant la période touristique, les étudiants ne sont pas disponibles pour les plantations en mai et pour les récoltes tardives en octobre. Et le programme des prisonniers, quant à lui, a été abandonné faute d’intérêt de la part de ces derniers.

Les travailleurs étrangers temporaires : une solution « gagnant-gagnant »

La solution qui s’est finalement imposée est le recours aux travailleurs étrangers temporaires (TET). Des travailleurs venus principalement du Mexique (52 %) et du Guatemala (45 %) pour prêter main-forte pendant quelques mois par année aux fermes du Québec.

« Le premier programme canadien pour faire venir de la main-d’œuvre date de 1966, rappelle Denis Hamel. C’était une entente avec les Antilles. Au Québec, il faut attendre 1974 pour la création d’un premier programme avec le Mexique. »

Après des débuts modestes, le recours aux TET s’est intensifié dans les années 1980 et 1990. D’ailleurs, l’organisme FERME a vu le jour en 1989 pour soutenir les producteurs dans leur démarche.

« Ce type de main-d’œuvre comble un besoin saisonnier, principalement dans le secteur maraîcher, pendant la période intense de la cueillette. Comme les effectifs viennent ici uniquement pour travailler, ils sont disposés à faire de longues heures », explique le directeur général.

Les travailleurs y trouvent leur compte : le salaire qu’ils empochent leur permet d’augmenter leur niveau de vie dans leur pays d’origine. « Cela permettra à bon nombre d’envoyer leurs enfants à l’université », souligne Denis Hamel.

Une pénurie qui déborde du secteur primaire

Dans sa première mouture, la réforme du PTET n’accordait d’exemption qu’au secteur agricole primaire ; tout le secteur de la transformation alimentaire était soumis à la nouvelle réglementation, dont la limite de 10 % de TET par entreprise.

« On trouve pourtant, dit Denis Hamel, la même pénurie de main-d’œuvre dans le secteur de la transformation saisonnière. Les usines de transformation alimentaire de fruits et de légumes ont de fortes demandes de pointe, difficiles à combler avec la main-d’œuvre locale. »

Bonne nouvelle : le gouvernement fédéral vient de suspendre, pour cette année du moins, l’imposition du plafond de 10 % de travailleurs aux entreprises de transformation alimentaire dont les opérations revêtent un caractère saisonnier. Un pas dans la bonne direction, croit le directeur général de FERME.

 

Sources :

1. L’exode rural dans la province de Québec, 1951-1961, Nathan Keyfitz

2. Statistique Canada

À la une

Les scénaristes canadiens disent oui à un mandat de grève

Il y a 40 minutes | Catherine Charron

La Writers Guild of Canada représente près de 2500 scénaristes anglophones au pays

Y'as-tu d'la bière icitte?

EXPERT INVITÉ. La bière est une thématique d’investissement extrêmement forte de plusieurs milliards de dollars.

Gain en capital ou être né pour un petit pain

«L’augmentation de la tranche imposable sur le gain en capital imposée par Ottawa et Québec est une mauvaise idée.»