Pour reprendre le contrôle de l’inflation, faut-il une récession?

Publié le 13/06/2022 à 00:01

Présenté par ADDENDA CAPITAL

Le resserrement des politiques monétaires est bien enclenché. Tant à la Banque du Canada qu’à la Réserve fédérale des États-Unis, les hausses de taux se font à coup de 50 points centésimaux, les banques centrales s’étant résignées à sortir l’artillerie lourde pour ramener l’inflation au taux cible de 2 %. Jusqu’où devront-elles aller pour renverser la tendance? Faut-il nécessairement prévoir une récession? Vue à vol d’oiseau avec Yanick Desnoyers, vice-président et économiste principal chez Addenda Capital.

L’inflation d’ensemble se situait à 6,8 % au Canada en avril et à 8,3 % aux États-Unis. Pour revenir à leur cible de 2 %, les banques centrales doivent-elles nécessairement resserrer leur politique monétaire au point où les hausses de taux déclenchent une récession?

En fait, nous n’avons pas le choix de provoquer une récession : elle pourrait se manifester en 2024 et serait modérée. Compte tenu des mesures mises en place pour amortir le choc de la pandémie, les gouvernements et les banques centrales ont engendré une surchauffe économique. Il faut maintenant renverser la vapeur. La seule façon de refroidir une économie en surchauffe consiste à poser des gestes qui finiront par entraîner une hausse du taux de chômage, ce qui agira directement sur la demande. Autrement dit, tant chez les entreprises que chez les consommateurs, la demande est beaucoup plus forte que ce que l’économie est en mesure de livrer; c’est ce qu’on appelle un écart de production. Pour que l’inflation revienne à 2 %, cette situation va devoir changer.

À quelle vitesse doit-on agir du côté des banques centrales? Peuvent-elles intercaler des pauses entre les hausses de taux afin d’observer leurs effets?

Elles n’ont pas ce luxe. Lorsqu’une banque centrale modifie sa politique monétaire afin de provoquer une récession, elle doit augmenter son taux directeur jusqu’à ce que la création d’emploi arrête et que les hausses salariales se refroidissent. Selon nos prévisions, le taux directeur de la Banque du Canada passera de 1 % actuellement à 4 % vers la mi-2023, alors que la fourchette de taux des fonds fédéraux de la Fed passera de 0,75%-1% à 4,25%-4,5 %.

Pour reprendre le contrôle de la situation, il faut, selon nous, que le taux de politique monétaire dépasse le taux d’inflation d’au moins 150 points centésimaux. Par exemple, si l’inflation est à 3 %, le taux directeur doit grimper à 4,5 %. Évidemment, si une banque centrale va au-delà de ça, la récession qui s’ensuit est plus profonde et l’inflation descend plus rapidement.

Le mot « stagflation », qui fait référence à un phénomène marqué par une inflation soutenue et une faible croissance économique, a également commencé à circuler. Que faut-il penser d’un tel scénario?

La stagflation survient en présence de facteurs exogènes, contrairement à ce que l’on voit présentement où la situation est influencée par des facteurs principalement endogènes.

Une partie de l’inflation va se résorber d’elle-même car nous sommes en présence de facteurs liés à la COVID : tensions dans les chaînes d’approvisionnement, rareté de semi-conducteurs, les mesures de confinement de la politique « zéro COVID » en Chine, etc. Il est peu probable qu’un phénomène de stagflation soit durable dans le contexte actuel. En situation de surchauffe économique, le marché du travail devrait en principe être capable de compenser les hausses d’inflation. Ce serait étonnant de passer de la croissance actuelle à une stagflation en raison du fait que les salaires montent déjà beaucoup.

Alors non seulement l’inflation découle-t-elle présentement de facteurs endogènes, mais ce qu’on prévoit, en fait, est une restauration du pouvoir d’achat du consommateur. Si l’inflation redescend à 5%, 4% ou 3% et qu’il n’y a pas de récession, nous pourrions nous retrouver dans une situation où les salaires grimpent plus vite que l’inflation. Ce n’est certainement pas un état de stagflation, encore moins une récession, car le pouvoir d’achat serait restauré.

À quoi pourraient ressembler les deux prochaines années?

À notre avis, le resserrement de la politique monétaire fera en sorte que l’inflation d’ensemble se situera en moyenne à 1,9% au Canada en 2024 et à 1,8% aux États-Unis.

Cela aura pour effet, toutefois, d’entraîner un recul de 0,7 % du produit intérieur brut canadien, comparativement à une baisse de 0,3 % aux États-Unis. Dans ce contexte, le taux de chômage au Canada grimperait : il passerait de 4,5% au 4e trimestre de 2023 à 7,2 % à la fin de 2024. Aux États-Unis, il augmenterait de 2,7 % à 5,8 %. Essentiellement, cela nous ramènerait à des niveaux observés en 2014 et 2015.

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