Le Québec, champion de la croissance en 2021

Publié le 07/10/2021 à 00:01

Jean-François Perrault, premier vice-président et économiste en chef, Banque Scotia

L’économie canadienne se situe toujours dans les premières phases d’une reprise économique qui devrait se prolonger, et jusqu’à maintenant, le Québec est en tête du peloton. À court terme, l’impact de la réouverture des économies est un facteur essentiel de ce rebond. Les provinces qui ont réussi à bien gérer la crise sanitaire et qui ont pu rouvrir leur économie avant les autres ont été en mesure de profiter du rebond plus rapidement. Cette réouverture s’est traduite par un regain de l’activité dans les secteurs les plus fortement pénalisés par la pandémie de COVID-19, dont celui de la restauration et de l’hôtellerie. Le Québec est un exemple évident de l’élan que peut donner le déconfinement. Forte d’une croissance exceptionnelle depuis le début de l’année, le Québec sera donc de loin la province dont la croissance sera la plus vigoureuse en 2021.

Or, le rebond post-pandémie n’explique pas à lui seul cette croissance. Tout porte à croire que la demande est vigoureuse. L’épargne est très élevée, la richesse des ménages est à son plus haut, la confiance des entreprises frôle des sommets absolus, les cours des produits de base sont nettement supérieurs aux moyennes à long terme, la croissance de l’emploi est très forte, les États-Unis, notre principal partenaire commercial, connaissent une croissance exceptionnelle et les politiques monétaire et budgétaire restent vraiment très stimulantes. Les fondamentaux de la demande sont si puissants que la quatrième vague se révèle une simple distraction du point de vue économique, malgré ses retentissantes et terrifiantes répercussions sur la santé et sur le réseau de la santé.

À court terme, la vigueur de la demande par rapport à l’offre est le plus grand défi à l’horizon. L’offre est temporairement bloquée dans toutes les grandes puissances économiques, en raison du déficit généralisé de la capacité de production. C’est ce qu’on peut constater à tous les niveaux, qu’il s’agisse du transport des marchandises, des produits de base ou de la main-d’œuvre. Ce déficit a pour conséquence immédiate de hausser l’inflation, mais il a aussi pour effet de ralentir la croissance. En fait, c’est pour cette raison que nous avons révisé à la baisse, il y a environ un mois, nos prévisions pour le Canada. Ces difficultés du côté de l’offre ont des contrecoups directs : la demande est de plus en plus refoulée, les entreprises et les ménages ne pouvant plus se procurer certains biens; les plans de production sont recentrés dans certains secteurs; il y a pénurie de certains biens à vendre; enfin, les entreprises envisagent de hausser leurs prix pour tenir compte de ces difficultés. En outre, du point de vue du marché du travail, même si nous en sommes toujours dans les premières phases de la reprise, les pénuries de travailleurs atteignent des sommets absolus. Rien qu’au Québec, il y a déjà plus de 220 000 postes à pourvoir. C’est presque 100 000 de plus qu’avant la pandémie. Le résultat, c’est que la concurrence pour attirer des travailleurs est appelée à s’intensifier, ce qui compliquera le recrutement et la fidélisation et fera monter les salaires.

Ce qui se produit à l’échelle nationale et internationale se manifeste aussi au Québec, à quelques nuances près. En profitant d’un déconfinement précoce, la province a pris une longueur d’avance. Or, cette avance veut aussi dire que l’économie sera moins survitaminée dans le deuxième semestre de 2021. Nous constatons par exemple que la croissance de l’emploi a ralenti par rapport à l’Ontario depuis que celle-ci s’est déconfinée. Il en va de même de l’indice en temps réel des conditions d’affaires locales de Statistique Canada, qui nous apprend qu’à Montréal, l’activité économique a perdu de la vitesse par rapport à d’autres grandes villes lorsque les restrictions ont été assouplies ailleurs. Étonnamment, même si le Québec donne le ton depuis le début de l’année, l’optimisme des petites et moyennes entreprises semble être à la traîne des autres provinces. Il est vrai que c’est toujours un peu le cas au Québec, mais la présente situation contraste vivement avec les résultats économiques enregistrés dans la province depuis le début de l’année.

Les entreprises ont de très bonnes raisons d’être plus optimistes. Les fondamentaux évoqués ci dessus continueront d’avoir une forte incidence sur la croissance, même s’il sera difficile pour les entreprises de maximiser les perspectives compte tenu des différentes difficultés passagères sur le plan de l’offre. Miser sur la présente conjoncture sera très rentable : si nos prévisions jusqu’en 2023 sont exactes, le Québec connaîtra la plus forte croissance sur trois ans de son histoire, hormis la période de 1998-2000.

 

 

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