Transport aérien: vol en piqué vers les très bas tarifs

Offert par Les Affaires


Édition du 22 Juillet 2017

Transport aérien: vol en piqué vers les très bas tarifs

Offert par Les Affaires


Édition du 22 Juillet 2017

­Richard ­Bartrem, ­vice-président marketing et communications à ­WestJet

Alors que le gouvernement fédéral souhaite voir plus de diversité et une diminution des prix dans le transport aérien au pays, de nombreux joueurs convoitent le marché des vols à très bas tarifs. Ce marché est-il vraiment si juteux?

Depuis son annonce, en 2014, d'un service à très bas tarifs (ULCC), Enerjet se fait régulièrement qualifier de «nouvelle compagnie aérienne». «C'est faux, déplore Darcy Morgan, directeur commercial d'Enerjet. Nous sommes un transporteur certifié depuis 2008 et possédons notre flotte de Boeing 737 et nos équipages. Nous faisons des vols nolisés et, maintenant, nous nous lançons dans un nouveau service.»

D'abord baptisé Jet Naked, puis FlyToo, ce service reposera sur l'utilisation de Boeing 737 pour offrir des vols à l'intérieur du Canada. Pour y arriver, Enerjet doit surmonter son plus grand défi : le financement. Selon Darcy Morgan, pour lancer un tel projet au Canada sans courir trop de risques, un transporteur doit être «surfinancé». Toutefois, il y a peu de capitaux disponibles pour le transport aérien au pays, et la majeure partie est déjà investie dans Air Canada et WestJet.

Enerjet s'est donc tournée vers l'étranger, ce que lui permettent les nouvelles règles annoncées par le ministre des Transports du Canada, Marc Garneau, en novembre 2016. Les transporteurs aériens commerciaux du Canada pourront être détenus à 49 % par des capitaux étrangers, alors que le plafond était auparavant à 25 %. Enerjet et Jetlines, un autre transporteur à bas tarifs, ont une dérogation et peuvent dès maintenant profiter de cet avantage.

Un marché convoité

Le modèle d'affaires d'Enerjet propose notamment d'éviter les grands aéroports canadiens, reconnus pour leurs frais très élevés. L'entreprise se tournera plutôt vers des aéroports secondaires. «Beaucoup de ces aéroports sont sous-développés parce que peu de transporteurs y vont, dit M. Morgan. Nous établirons des partenariats à long terme avec les communautés locales pour les utiliser.»

Enerjet devra aussi affronter de nouveaux joueurs. Basée à Vancouver, Jetlines entend utiliser 6 Boeing 737, puis augmenter sa flotte à 40 avions en huit ans pour offrir des vols au Canada et vers les États-Unis, le Mexique et les Caraïbes. Quant à NewLeaf, c'est un voyagiste qui loue des avions, des équipages et de la maintenance à son partenaire Flair Air, spécialisé dans les vols nolisés. Pour sa part, l'islandaise WOW Air offre des vols à bas prix vers Reykjavik et l'Europe.

Cette véritable ruée vers ce segment de marché laisse certains analystes perplexes. En entrevue, Cameron Doerksen, analyste à la Financière Banque Nationale, admet douter qu'il y ait un si gros marché pour ce type de service au Canada. «Il n'y a pas beaucoup de villes au pays, et les coûts d'opération, notamment les frais d'aéroport et les dépenses liées à l'hiver (dégivrage, etc.), sont très élevés, dit-il. L'axe principal Montréal-Toronto-Calgary-Vancouver est déjà bien desservi par Air Canada, WestJet ou Porter.»

WestJet contre-attaque

Dans la foulée, WestJet a annoncé qu'elle lancera, dans les prochains mois, sa propre compagnie de vols à très bas tarifs, distincte de la marque WestJet. «L'industrie évolue et il y aura de plus en plus de concurrents dans ce segment au cours des prochaines années, alors pourquoi attendre ?» explique Richard Bartrem, vice-président marketing et communications à WestJet.

La compagnie accroîtra la capacité de ses Boeing 737-800, qui passeront de 168 à 189 sièges. Les passagers auront donc un peu moins d'espace. Le prix de base des billets sera peu élevé, mais des frais s'ajouteront pour certains services, comme les bagages, ou pour l'achat d'aliments et de boissons en cabine. «Pour ces raisons, nous souhaitons lancer une marque vraiment distincte de WestJet, précise M. Bartrem. Nous ne voulons pas qu'il y ait de confusion entre les deux services. Nous ferons aussi de la pédagogie pour expliquer aux Canadiens ce qu'ils peuvent s'attendre à obtenir comme services dans un vol à très bas tarif, car cela n'existe pas encore beaucoup au Canada.»

Pour M. Doerksen, il est clair que WestJet réagit à l'arrivée de nouveaux joueurs dans ce segment. «Les vols moins chers au Canada constituent son positionnement traditionnel sur le marché, note l'analyste. Je ne crois pas que cette opération comporte des risques importants, mais se lancer là-dedans tout en augmentant la fréquence de ses vols transatlantiques pourrait s'avérer un peu lourd.»

De son côté, Fadi Chamoun, analyste de BMO Marchés des capitaux, perçoit aussi cette annonce comme un mouvement défensif face aux nouveaux joueurs. «Le risque est modéré, puisque WestJet ne fait qu'augmenter la capacité d'avions qu'elle possède déjà, dit-il. Le risque de cannibaliser sa clientèle actuelle est lui aussi assez faible.»

 

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