Lucie Guillemette, vice-présidente générale et chef des affaires commerciales chez Air Canada
Le ciel n'est jamais au beau fixe dans une industrie aussi complexe que le transport aérien. Voici quatre défis que nos transporteurs devront surmonter pour poursuivre leur élan.
1 La rareté des pilotes
L'aviation commerciale mondiale aura besoin de 255 000 nouveaux pilotes de ligne au cours des dix prochaines années, dont un tiers en Amérique du Nord, selon CAE. Les départs à la retraite et la croissance généreront cette demande. Au Canada, il manquerait 6 000 pilotes d'ici 2036, selon le Conseil canadien de l'aviation et de l'aérospatiale. À lui seul, Air Canada en emploie plus de 3 500.
« C'est une préoccupation réelle, confie Annick Guérard, chef de l'exploitation d'Air Transat. Nous sommes passés de 355 pilotes en 2014 à près de 600 en 2018 et la demande continuera d'augmenter. »
Les transporteurs signent des ententes avec des écoles de pilotage ou de plus petits transporteurs pour combler leurs besoins. Mehran Ebrahimi, professeur à l'UQAM et spécialiste en aéronautique, s'inquiète toutefois de voir les pilotes gravir trop rapidement les échelons en raison de la pénurie. « Le nombre d'heures pour devenir copilote ou même commandant de bord sur de gros porteurs tend à diminuer, avance-t-il. Les pilotes sont moins expérimentés, moins prêts à faire face à des problèmes. »
2 La montée du protectionnisme
Pression contre l'immigration et restrictions sur les visas aux États-Unis, ALÉNA en danger de mort, Brexit au Royaume-Uni... le protectionnisme fera-t-il dérailler la croissance des vols internationaux ? Pour l'instant, nos transporteurs se font rassurants.
« Le transport aérien ne fait pas partie des discussions sur l'ALÉNA puisque les droits de transport aérien font l'objet d'accords bilatéraux distincts et le gouvernement canadien s'est engagé avec le Royaume-Uni à faire en sorte que les droits de transport aérien se poursuivent sans interruption après le Brexit », rappelle Lucie Guillemette, vice-présidente générale et chef des affaires commerciales chez Air Canada.
De son côté, Richard Bartrem, vice-président marketing et communications de WestJet, souligne que « si la montée du protectionnisme nous touche, elle touchera aussi nos concurrents ».
3 Fluctuation du dollar canadien et du prix du carburant
La fluctuation du taux de change et du prix du carburant influe sur les résultats des transporteurs aériens. À l'hiver 2017, elle a fait grimper les charges d'exploitation d'Air Transat de 39 millions de dollars par rapport à l'année précédente.
« Les plus petits transporteurs sont loin d'être épargnés, rappelle de son côté Jimmy Emond, président de Corpo Aviation et de Panorama Aviation. Lorsque nous avons acheté un nouveau Pilatus PC-12, nous avons perdu près de 1 M $ dans le taux de change. C'est la même chose pour les pièces de rechange : nous les payons de 20 % à 30 % de plus que lorsque les deux devises étaient à parité. »
4 Les taxes et les frais
Les loyers réclamés aux aéroports par les sociétés privées à but non lucratif qui les gèrent sont très élevés. Conséquemment, les taxes et les frais imposés aux transporteurs sont parmi les plus hautes du monde. « Elles nuisent à notre compétitivité à l'échelle internationale et nous empêchent d'atteindre notre plein potentiel, croit Mme Guillemette. Nous réclamons depuis longtemps une réduction des coûts de structure pour être en mesure d'être plus compétitifs à l'échelle internationale, notamment face à nos concurrents américains. »
