Sainte-Agathe-des-Monts: rebâtir son industrie touristique… sans en dépendre


Édition du 13 Avril 2022

Sainte-Agathe-des-Monts: rebâtir son industrie touristique… sans en dépendre


Édition du 13 Avril 2022

Par Claudine Hébert

StoneHaven Le Manoir, qui a ouvert ses portes en 2019, représente le tiers des plus récents investissements touristiques en ville. (Photo:courtoisie)

TOURISME D'AFFAIRES ET D'AGRÉMENT. Avant que Saint-Sauveur, L’Estérel et Mont-Tremblant ne deviennent les principaux pôles d’attraction touristiques des Laurentides, Sainte-Agathe-des-Monts était la reine incontestée de la région. Bien qu’elle n’aspire plus à ce titre, la destination reconstruit son industrie touristique sur des bases solides.

Surnommée la métropole des Laurentides, la Saint-Moritz ou encore la Chamonix du Nord, la plus ancienne station touristique de la région a attiré les foules de 1920 à 1960. Les plus âgés se souviendront que la jeune princesse Elizabeth — aujourd’hui Sa Majesté la reine —, accompagnée du prince Philip, a été de passage à Sainte-Agathe-des-Monts à l’été 1951, l’instant d’une croisière sur le lac des Sables.

Cette glorieuse et faste époque touristique est toutefois révolue. Au cours des quatre dernières décennies, les investissements privés dans le domaine ont profité davantage à d’autres villes laurentiennes. «Ce qui a incité la municipalité à entamer une profonde réflexion sur son avenir et sa nouvelle identité», raconte Simon Lafrenière, directeur général adjoint et directeur du développement économique et de l’urbanisme de Sainte-Agathe-des-Monts.

Au fil de ces discussions, il a été décidé que la pérennité de la ville ne reposerait plus uniquement sur ses activités touristiques, mais plutôt sur un équilibre entre ce secteur et les autres secteurs économiques actifs, tels le commerce de détail et l’industrie.

Une décision qui a donné naissance, en 2017, au projet Destination 2030. Dans le but de créer un milieu de vie capable de mieux répondre aux besoins de sa population, la Ville a mis en place une démarche qui tient compte de son historique, de son environnement concurrentiel, de ses forces et de son potentiel comme levier de développement. «Notre objectif consiste désormais à faire de Sainte-Agathe-des-Monts l’endroit de référence des Laurentides pour y résider, y élever une famille, y travailler, y faire des affaires, sans oublier un lieu pour s’y divertir», énumère Simon Lafrenière.

 

Un nouveau trafic qui ramène les investisseurs touristiques

Avec son hôpital, ses six parcs industriels et ses quelque 160 commerces, Sainte-Agathe-des-Monts est ainsi devenue une ville de services où circulent aujourd’hui plus de 25 000 véhicules par jour, avance le directeur. Comme par enchantement, tout ce trafic qui passe par le centre-ville entraîne un retour des investisseurs touristiques privés. «Ce ne sont pas moins de 60 millions de dollars (M$) qui ont été investis au cours des cinq dernières années en nouvelles infrastructures sur le territoire agathois», signale Simon Lafrenière.

StoneHaven Le Manoir, qui a ouvert ses portes en 2019, mène le bal. À lui seul, l’établissement hôtelier de 34 chambres, qui appartient au promoteur immobilier Georges Coulombe, représente le tiers des plus récents investissements touristiques en ville. L’ancien domaine des Pères oblats, situé en bordure du lac des Sables, fait actuellement l’objet de travaux de construction qui permettront d’ajouter 18 chambres dans un bâtiment attenant au domaine, d’ici la fin du printemps. Ces nouvelles chambres, encore plus spacieuses et modernes que celles du bâtiment principal, conviendront davantage à la clientèle affaires, fait savoir la directrice générale de StoneHaven Le Manoir, Marie-Josée Denis.

Ce domaine, dont la cuisine est assurée par la brigade du chef Éric Gonzalez, est d’ailleurs devenu membre de Relais & Châteaux l’automne dernier. Cette adhésion au prestigieux réseau international permet à ce dernier de renouer avec les Laurentides, après une absence de près de 15 ans. Le défunt hôtel L’Eau à la bouche, fermé en 2013, avait été le premier établissement laurentien membre de Relais & Châteaux. Son adhésion avait toutefois pris fin avant sa fermeture.

La réussite du StoneHaven a motivé l’investisseur Louis Lespérance à investir, lui aussi, dans la région. Ce promoteur, qui est également copropriétaire du manoir Maplewood, à Waterloo, et de l’entreprise Signé Local, a injecté près de 3 M$ pour transformer l’ancien château Belvoir, construit au tournant du 20e siècle, en lieu d’hébergement. Rebaptisé Manoir Davis, le domaine de huit chambres, exclusif aux événements privés tels mariages, rencontres familiales et réunions d’affaires, a ouvert ses portes en décembre dernier, indique Louis Lespérance, qui envisage de créer un réseau de manoirs au Québec et ailleurs dans le monde. 

 

Des investissements pour raviver le centre-ville

Le centre-ville de Sainte-Agathe n’échappe pas à l’attention des investisseurs privés. Sur la rue Saint-Vincent, deux complexes d’appartements réservés à une clientèle Airbnb seront par exemple achevés d’ici le printemps 2023 par les promoteurs Gestion Finstar et Strawberry. Ces deux projets, qui engloberont un total de 68 appartements, représentent un investissement de plus de 15 M$.

D’ailleurs, près de la moitié des appartements seront accessibles dès cet été. «L’avantage de ce projet est d’offrir de l’hébergement touristique au cœur de notre centre-ville, un des rares au Québec à être situés en bordure d’un lac, explique Simon Lafrenière. Une entente avec les deux promoteurs prévoit même une transformation de ces appartements locatifs de courts séjours en résidences permanentes si une crise venait à perturber l’industrie touristique.» 

Dans les coulisses agathoises, on chuchote qu’un autre investissement estimé à 20 M$ pourrait être annoncé sous peu pour la construction d’un nouvel hôtel de 80 à 100 chambres. 

 

Un coup de main des autorités

Encouragée par ces investissements et par l’arrivée de nouveaux résidents — la population de Sainte-Agathe-des-Monts affiche l’une des plus fortes croissances de la province selon les plus récentes statistiques québécoises, avec plus de 10% d’augmentation en 2020 —, l’administration municipale participe elle aussi activement à la refonte de son identité touristique.

Les travaux d’envergure menés au théâtre Le Patriote, qui a rouvert ses portes le 23 mars, en sont un bel exemple. Plus de 7,5 M$ ont été injectés afin de rénover ce bâtiment municipal, inauguré en 1967, et son stationnement. Mentionnons que la COVID-19 a retardé à deux reprises la réouverture de l’établissement fermé depuis l’automne 2019. «Le théâtre attire plus de 40 000 visiteurs annuellement», signale fièrement son directeur général, Alexandre Gélinas. Depuis qu’il est arrivé en poste il y a 11 ans, l’établissement a toujours été rentable. Les profits, dit-il, varient entre 5% et 10% annuellement, et sont réinvestis dans la recherche de nouvelle clientèle. «Plus de 40% de nos spectateurs habitent à plus de 60 minutes de voiture de la ville», tient à préciser le gestionnaire.

Outre le théâtre, la municipalité a investi près de 10 M$ au cours des cinq dernières années pour aménager entre autres la promenade Gaston-Miron, la place Lagny, une piste cyclable de 12 km autour du lac des Sables ainsi qu’un marché public qui ouvrira ses portes cet été. Et ce n’est pas fini, avertit Simon Lafrenière. Un ambitieux projet de réserve naturelle afin de préserver le bassin versant du lac des Sables — le joyau de Sainte-Agathe-des-Monts —, est sur le point de voir le jour.

 

La «Notre-Dame» des Laurentides
Peu importe les saisons, chaque soir, l’église de Sainte-Agathe-des-Monts s’illumine. Ce spectacle est le fruit des efforts d’un citoyen, Yves Lavoie, qui a convaincu la Ville et de généreux donateurs d’investir près de 100 000 $ pour y installer un système d’éclairage extérieur en 2019. L’imposante infrastructure de pierre construite entre 1905 et 1907 ressemble à s’y méprendre à celle de Notre-Dame-de-Paris, car ses architectes, Daoust et Gauthier, se seraient largement inspirés de la cathédrale parisienne. On raconte que l’élite de Sainte-Agathe-des-Monts souhaitait alors accueillir le siège épiscopal du tout nouveau diocèse des Laurentides, un mandat qui a finalement été accordé à Mont-Laurier en 1913.
Du nouveau Chez Girard
Depuis plus de 20 ans, Anick Jérôme et son conjoint Marco Périard dirigent les destinées d’un des plus vieux restaurants du centre-ville, Chez Girard. Ils ont profité des fermetures forcées des deux dernières années pour y investir quelques dizaines de milliers de dollars afin de rénover la cuisine et la terrasse de quelque 80 places. Bien que la clientèle de l’endroit — une maison blanche au toit rouge, située tout près du lac des Sables qui compte également trois chambres à louer — ait déjà été majoritairement touristique, aujourd’hui, elle est composée à 70% d’habitants de Sainte-Agathe et des environs, estime la propriétaire. 
Trois plutôt qu’une
Sainte-Agathe-des-Monts est l’une des rares municipalités du Québec qui dispose de trois plages sur son territoire: les plages Tessier, Sainte-Lucie et Major. Les trois espaces sablonneux accueillent bon an, mal an plus de 50 000 visiteurs. Pendant la pandémie, deux d’entre elles (Tessier et Sainte-Lucie) ont été réservées à l’usage exclusif des Agathois. La Ville songe toutefois à les rouvrir au grand public cet été.
Une microbrasserie «incubée» localement
D’ici quelques semaines, la microbrasserie La Veillée ouvrira ses portes sur la rue Principale. Non seulement s’agit-il d’un nouveau commerce bonifiant le centre-ville agathois, l’établissement, dirigé par Patrick Laurin, est la toute première entreprise issue de l’incubateur-accélérateur La Manufacture, qui a pignon sur rue à Sainte-Agathe-des-Monts depuis 2017. En plus d’y brasser des bières, l’équipe de La Veillée prévoit l’aménagement d’un pub d’une quarantaine de places intérieures et d’une vingtaine d’autres sur la terrasse.
Sur la Route des Belles-Histoires
Sainte-Agathe-des-Monts figure sur la Route des Belles-Histoires. Inauguré en 2016, ce circuit patrimonial, qui s’étend sur plus de 284 km entre Saint-Jérôme et Mont-Laurier, traverse les villes et villages qui ont marqué l’histoire des Laurentides, plus particulièrement celle du curé Antoine Labelle, reconnu pour sa dévotion pour le développement de la région. Bien que ce circuit ne comporte qu’une seule adresse agathoise (le théâtre Le Patriote), la municipalité propose de prolonger la visite en empruntant son propre parcours patrimonial de près de 3 km. Présenté sous forme de «balado découverte», ce circuit guidé par GPS inclut une douzaine d’arrêts, dont le sanatorium et la gare.
Croisières sur le lac des Sables
Depuis sa création en 1944, Croisières Alouette fait découvrir les splendeurs du lac des Sables aux visiteurs. «Avant que ne survienne la COVID-19, nos deux bateaux transportaient près de 17 000 passagers chaque année, dont une forte clientèle internationale à l’automne», signale le capitaine Ghislain Parizeau, cinquième propriétaire de l’entreprise. Puisque celle-ci a été fermée au cours des deux derniers étés, le capitaine en a profité pour investir quelque 80 000 $ afin d’effectuer des rénovations sur ses deux embarcations accueillant respectivement 72 et 47 passagers. Cette année, Croisières Alouette reprendra ses activités à la Saint-Jean-Baptiste, et ce, jusqu’à la fin octobre. 
S’envoyer en l’air en équipe
Le Tyroparc Sainte-Agathe est l’une des attractions les plus populaires en ville depuis son ouverture en 2014. L’an dernier, pas moins de 20 000 personnes ont osé survoler les airs, accrochées à l’une de ses quatre mégatyroliennes. Le propriétaire fondateur, Philippe Cornette, a investi plus 1,5 million de dollars pour bâtir ces infrastructures qui mesurent entre 550 m et 915 m de long. Doté de parcours de «via ferrata» ainsi que d’un pavillon qui peut accueillir jusqu’à 80 personnes à la fois, l’endroit reçoit régulièrement la visite d’entreprises en quête d’une activité de consolidation d’équipe. «Près d’une dizaine de fois par année, des entreprises vont même réserver le parc en entier», signale Philippe Cornette. Actuellement, cette clientèle représente plus de 15% des revenus du Tyroparc. Son président aimerait bien que cette part double d’ici les deux prochaines années.
Paradis du camping
À l’instar des quelques villes de villégiature québécoises situées en bordure d’un lac, Sainte-Agathe-des-Monts offre davantage de sites de camping que d’autres types d’hébergement tels les hôtels et les gîtes. Ainsi, le Grand Sainte-Agathe ne comptait pas moins de 1308 emplacements répartis dans six terrains de camping en 2019 selon les données de MRC des Laurentides. C’est presque 2,5 fois plus que les quelque 600 options d’hébergement proposées par la quinzaine d’hôtels, la dizaine de gîtes et les 175 résidences de tourisme du secteur.

 


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