Le début d'un temps nouveau?

Offert par Les Affaires


Édition du 13 Mai 2020

Le début d'un temps nouveau?

Offert par Les Affaires


Édition du 13 Mai 2020

Par Ianik Marcil

Nous ne sommes pas à l'aube d'un temps nouveau. La crise nous aura toutefois appris que si nous le souhaitons, il est possible d'en inventer un. (Photo: 123RF)

SIGNAUX FORTS. On comptait, au 31 décembre dernier, 268 797 entreprises au Québec. Combien d'entre elles ne survivront pas à la grave crise économique que nous traversons ? Impossible de le dire pour l'instant, comme de raison. Or, la véritable question que l'on se pose tous est : de celles qui survivront, dans quelle mesure se seront-elles transformées ?

En fait, la question se pose pour l'ensemble de l'économie et de la société, pas uniquement pour les entreprises privées. De quoi aura l'air notre monde dans quelques mois, lorsque nous serons passés à travers cette pandémie, ou, pire, avec laquelle nous devrons vivre pour plusieurs années à venir ?

Sur le plan individuel, plusieurs personnes espèrent que cette crise aura transformé de manière durable les comportements, notamment celui de consommation. On essaie d'acheter local, on réapprend à confectionner du pain et on cuisine à la maison comme jamais on ne l'avait fait. Parce qu'on a du temps libre à combler. Parce que l'anxiété générée par la crise nous pousse à retourner à ce qui nous semble être les «vraies affaires», des valeurs fondamentales et rassurantes. On se surprend à réfléchir à un monde différent, à constater qu'on peut organiser notre vie quotidienne sur un autre mode, même si ce n'est, évidemment, pas facile pour bien des gens.

Que se passera-t-il après la crise ? Mon intuition me dit qu'on retournera à nos habitudes, d'une manière un peu désorganisée, sans doute, et à un rythme différent selon les secteurs d'activité. On constate déjà dans les commerces que le monde n'est plus le même. Postdéconfinement, les détaillants ont été littéralement assaillis dans ma région. Les manières de faire ont changé, mais la soif de consommation, elle, veillait au grain. À un journaliste, un client d'un commerce de Québec, en file depuis des heures, a affirmé avec passion dans la voix qu'il attendait ce moment depuis trop longtemps. Il allait échanger une imprimante chez un détaillant d'une grande chaîne d'électronique... On est loin du changement de paradigme sociétal souhaité par bien des militant(es) de la gauche ou des écologistes.

Revenir à «l'anormalité»?

Nous reviendrons à l'«ancienne» normalité pour une raison très simple, que la sociologie a analysée et documentée depuis longtemps : nos comportements individuels sont en très grande partie conditionnés par la structure culturelle, sociale et économique dans laquelle nous avons grandi. Ma mère m'a habitué à manger une tartine à la confiture de fraises et beurre d'arachide pour déjeuner, parce que sa propre mère le faisait et peut-être parce que la pub de Kraft l'a encouragée à le faire ? Je mange ça le matin. Je caricature à outrance, bien sûr. Le principe est là, toutefois. L'humain, cette créature d'habitude, peut difficilement changer radicalement son mode de vie. Il l'adapte à la marge, tranquillement. Ce serait, à mon sens, étonnant qu'en quelques semaines, même en quelques mois, de confinement, qu'on change profondément notre consommation et que nous modifiions, ce faisant, la structure sociale, économique, voire technologique, de notre organisation collective.

Les relations entre les entreprises se retisseront lentement. Il y aura sans aucun doute des transformations, de nombreuses entreprises ne s'en remettront pas et de nombreuses autres en auront pour des années avant de revenir à leur état d'avant-crise. Dans l'ensemble, cependant, je vois difficilement comment nous pourrions avoir un monde économique radicalement différent de ce qu'il a été. Nos économies avancées sont complexes et fortement intégrées, ce qui se caractérise par une très grande inertie.

Ce qui pourrait changer de manière plus importante, en revanche, ce sont les organisations elles-mêmes. Ce qu'a révélé cette crise, c'est qu'un grand nombre d'entre elles étaient en mesure de transformer leurs structures et leurs manières de faire très rapidement, et probablement plus facilement que ce que leurs gestionnaires croyaient. On a vu au Québec, notamment, des petits producteurs de spiritueux, en à peine quelques jours, se convertir en producteurs de désinfectant à mains, question de combler la pénurie sur le marché. Même des organismes communautaires ont dû faire preuve de grande inventivité pour faire face à la crise. Par exemple, le magazine de rue montréalais L'Itinéraire - où je suis chroniqueur - a dû trouver des solutions pour soutenir nos camelots, puisque du jour au lendemain, ceux-ci n'étaient plus en mesure de vendre le magazine, les rues de la métropole étant désertées et les consignes de distanciation physique les en empêchant de toutes les manières. Des ententes ont été prises avec une chaîne de supermarchés pour leur offrir des cartes d'achat hebdomadaires, et avec La Presse+ pour la diffusion, sur leur plateforme numérique, de notre magazine.

À l'autre bout du spectre, ce qui est probablement la plus grosse machine bureaucratique du pays, l'Agence du revenu du Canada, a mis en place en une dizaine de jours un système ultrasimple et efficace d'inscription et de paiement de la Prestation canadienne d'urgence. Quand on sait à quel point il peut être laborieux de faire affaire avec le fisc, ce n'est rien de moins que spectaculaire.

Nous ne sommes donc pas à l'aube d'un temps nouveau. La crise nous aura toutefois appris que si nous le souhaitons, il est possible d'en inventer un. Cette leçon est déjà en elle-même fondamentale et porteuse d'espoir.

 

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