Collaborez pour sauver votre approvisionnement

Publié le 31/01/2022 à 17:30

Collaborez pour sauver votre approvisionnement

Publié le 31/01/2022 à 17:30

Par Catherine Charron

Il est primordial qu’une PME sache, si elle figure en haut de la liste de priorités de son fournisseur, surtout s’il est le seul à approvisionner.

À chaque épisode de la balado Se tirer d’affaires, Les Affaires répond en moins de 10 minutes à de vraies questions que se posent des dirigeant.e.s de PME québécoises.

BALADO SE TIRER D’AFFAIRES. Depuis le début de la pandémie, il ne passe pas une semaine sans qu’un nouveau pépin à la chaîne d’approvisionnement mondiale ne fasse les manchettes. Manque de main-d’œuvre, enjeu climatique, blocage d’un canal, port à l’arrêt, ces enjeux sont si grands qu’il semble impossible qu’une PME puisse parvenir à sécuriser son approvisionnement dans une chaîne mondialisée.

La présidente et fondatrice des Collations JustBite, Mélanie Grenier, et son équipe ont dû faire preuve de beaucoup de résilience pour acheminer ses barres santé à ses clients. Elle se demande tout de même comment, à son échelle, elle peut produire comme prévu sa marchandise, sachant qu’elle ne peut stocker des caisses de produits exotiques périssables dans son usine de Saint-Hyacinthe.

Les PME devront donc se fier en partie à leur boule de cristal, croit Sylvain Charlebois, directeur de laboratoire de science analytique en agroalimentaire à l’Université Dalhousie à Halifax. Mais leur réel atout se cache dans la collaboration. 

«La production se fait sur une base hebdomadaire, donc à chaque semaine, donc 52 fois par année, rappelle Mélanie Grenier, à la tête de la PME d’une quinzaine d’employés fondée en 2017. Notre inventaire de collation tombe à 0, littéralement.»

«Donc, tout est à recommencer volontairement parce qu’on n’a aucun agent de conservation dans nos collations, ce qui fait en sorte que dans notre approvisionnement, il y a une sensibilité encore plus dans le juste à temps.» 

Le ralentissement de la chaîne d’approvisionnement lui a causé de nombreux maux de tête pendant la pandémie: «On a vécu avec la COVID différents niveaux de problématiques. La première a été au niveau de l’approvisionnement de l’avoine. On a eu de grands défis en tout début de pandémie, l’augmentation du prix, mais ça s’est stabilisé. Aujourd’hui, notre défi, principalement au niveau de la planification des ingrédients et le coût des marchandises vendues liées à la production de nos collations.»  

Comme de nombreuses autres PME, ses coûts d’approvisionnement ont bondi. «Aux Collations Just Bite, on a un peu plus de 400 recettes de collation qui sont classées par catégories de nutriments. Donc ça me donne beaucoup de flexibilité au niveau des ingrédients. Par contre, concrètement, l’approvisionnement par exemple de fruits tels que les dates, ça a été stable. Les abricots ont augmenté de près de 70 %. Quand on regarde au niveau des figues, 125 %. Donc là je parle encore une fois des coûts de marchandise vendue, mais aussi au niveau des délais de réception, donc dans ces délais de commande, notre partenaire principal, Tootsi, doit lui-même planifier d’avance pour éviter des retards, donc un changement au niveau du menu de production.» 

«Les coûts changent assez rapidement, souvent sans, sans notice, là on fait simplement que changer les prix. Et pour une PME c’est brutal, signale Sylvain Charlebois. On n’a pas le temps de se retourner, de changer de fournisseur ou de renégocier. Tout arrive en même temps, très rapidement. Ça, c’est un défi qui est assez important. L’autre défi, c’est le ralentissement des chaînes d’approvisionnement. Et ça, ce n’est pas juste au Québec, c’est partout.» 

Il est donc primordial qu’une PME sache, si elle figure en haut de la liste de priorités de son fournisseur, surtout s’il est le seul à approvisionner.  

«Si par exemple, il manque un ingrédient, c’est les clients A qui vont passer [en premier]. Souvent, les PME ne sont pas des clients A, ce sont des clients B ou C, rappelle Sylvain Charlebois. Souvent, quand on est une PME, on commence où on est à la merci de fournisseurs. Souvent, ce fournisseur-là, c’est notre seule option. Ce qui est favorable, c’est de penser à long terme sur 12 mois, 2 ans… À savoir, quelles sont nos options pour tel ou tel ingrédient ? Dans 12 mois ou 2 ans, notre offre va ressembler à quoi ? Et cette offre-là change nos façons de faire… Mais qui sont les fournisseurs ? L’autre chose, c’est de se laisser motiver et inspirer parce qui existe et ensuite élaborer un menu ou le design de certains produits qu’on veut offrir à nos clients. Et c’est important d’innover et d’offrir quelque chose de nouveau, quelque chose de différent, mais en même temps, c’est de voir qu’est-ce qui est possible en amont, par rapport à ce qui se passe avec la chaîne d’approvisionnement.»  

 

Jongler avec les recettes

Mélanie Grenier justement a eu à faire une telle révision de sa chaîne d’approvisionnement et de ses recettes afin de jongler avec la pénurie de certains ingrédients.  

«Aujourd’hui, on travaille avec des joueurs québécois au niveau de notre approvisionnement. Par exemple, notre partenaire d’ingrédient principal, Tootsi, dans ces ingrédients biologiques, nous demande maintenant de faire une planification qui va bien au-delà de la planification qu’on a eu à faire jusqu’à aujourd’hui.»  

«C’est difficile pour nous de garder des palettes d’un fruit exotique lorsque notre renouvellement se fait chaque semaine. Donc d’un point de vue flux de trésorerie, la planification est faite définitivement différemment compte tenu de cet avantage-là, de pas avoir de l’agent de conservation dans nos collations. C’est frais, c’est délicieux, mais ça apporte des défis supplémentaires dans l’approvisionnement.»  

«Localement, à Saint-Hyacinthe, on a beaucoup de producteurs, d’ingrédients, donc on arrive tout de même et bien s’approvisionner, par exemple, en miel, en camerise, même le chocolat Barry Callebaut, qu’on utilise beaucoup… Donc on a plusieurs ingrédients à 20-30 km autour du bureau.» 

«On a dû adapter à la fois une partie de notre modèle d’affaires, tant au niveau des canaux de distribution que dans le choix des recettes aussi, que l’on apporte au marché. Donc ayant plusieurs recettes disponibles, ça a facilité le choix de ces ingrédients-là au bon moment. On n’a tout de même un engagement auprès de nos clients, c’est d’apporter une variété, donc c’est certain que si on arrive à s’approvisionner facilement de canneberges du Québec, mais que l’ensemble de nos collations c’est à base de bleuets ou de canneberges, c’est un peu limitatif au niveau de l’offre des services qu’on apporte à nos clients.»  

Sylvain Charlebois rappelle que même si une PME éprouve des difficultés à obtenir les intrants nécessaires, elle ne doit pas perdre de vue les attentes de sa clientèle. «Peu importe ce qui se passe, même si les choses tournent au ralenti, même si on change les ingrédients, même si on change les recettes, on mise toujours sur la réputation et les raisons d’être de l’entreprise. Donc il y a des compromis à faire, c’est sûr, mais on ne remet jamais en question l’image et la raison d’être de l’entreprise. Bien souvent, ce sont des éléments macroéconomiques qui affectent la chaîne d’approvisionnement d’une PME. Si elle travaille en silo, il y a donc bien peu de chances qu’elle parvienne à lui trouver des solutions.» 

 

S'inspirer des grappes

«Je pense que de plus en plus pour rendre les chaînes plus résilientes, j’ai l’impression qu’on va miser de plus en plus sur ces grappes industrielles, inspirées par les «Bombardier» de ce monde, avoue Sylvain Charlebois. En alimentation, quand on a affaire à des problèmes, si on n’a pas d’appui, si on n’a pas de réseau, c’est difficile de régler certains problèmes, alors c’est pour ça que c’est important d’avoir des associations. C’est important aussi d’avoir des alliés. Puis, ce qu’on voit de plus en plus, ce sont des entreprises qui travaillent avec la compétition. Parce que dans le fond, ce qui arrive actuellement pour le secteur alimentaire, c’est qu’on a on fait tous face à des problèmes majeurs : les changements climatiques, les guerres de monnaie, les problèmes de main-d’œuvre, la logistique… Il n’y a pas une seule entreprise qui peut régler tous les problèmes. Nestlé, en Suisse, qui est la plus grosse entreprise agroalimentaire au monde, avoue qu’elle ne peut pas régler les problèmes toute seule. On doit travailler ensemble.»  

C’est d’ailleurs une avenue qu’envisage Mélanie Grenier. «Nous, on a un espace de production qui est immense en ce moment vient d’emménager des nouveaux locaux. On invite à bras grands ouverts des entreprises qui font aussi des collations santé parce qu’on veut partager les achats ensemble, on veut partager le transport ensemble.»  

Sylvain Charlebois n’est pas convaincu que l’autosuffisance du secteur agroalimentaire du Québec soit la seule solution pour sécuriser la chaîne d’approvisionnements. «La réalité du Québec, c’est une économie ouverte. 60 % de la richesse du Québec est basée sur les exportations du Québec. Et au Québec, on n’a que 9 millions d’habitants. Le Québec est très bon pour produire certains produits, mais le Québec n’est pas bon dans tout.» 

 

Ce balado produit par Les Affaires est animé par Catherine Charron et réalisé par Virage Sonore grâce au soutien de la Banque Nationale.

 

Pour écouter les précédents épisodes de la série «Se tirer d'affaires» cliquez ici.

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