Survivre aux fermetures en série des RPA


Édition du 09 Novembre 2022

Survivre aux fermetures en série des RPA


Édition du 09 Novembre 2022

Par Claudine Hébert

Plus de 23 000 logements principalement situés dans des municipalités en région ont disparu sans être remplacés au sein de leur collectivité. (Photo: 123RF)

RÉSIDENCE POUR AÎNÉS. L’industrie des résidences pour aînés (RPA) de la province vit une hécatombe depuis 2017. En cinq ans, ce sont près de 700 résidences de toute taille qui ont fermé leurs portes. Il s’agit de plus de 23 000 logements principalement situés dans des municipalités en région qui ont disparu sans être remplacés au sein de leur collectivité. L’hémorragie est loin d’être terminée, soutiennent les principaux acteurs de cette industrie.

« La pandémie et les actions gouvernementales sont en voie d’affaiblir une industrie qui plus que jamais a besoin de logements pour ses aînés », soutient Marc Fortin, président-directeur général du Regroupement québécois des résidences pour aînés (RQRA). Il tient à signaler que plus de 25 % de la population du Québec sera âgée de plus de 65 ans d’ici 2031. « Ce qui choque avec cette situation, c’est que la plupart des RPA qui ont fermé en région offraient des soins. Ces fermetures entraînent donc une pression additionnelle sur le gouvernement qui est incapable de compenser l’offre. D’autant plus que les formules gouvernementales en CHSLD coûtent plus de 7 à 11 fois plus cher que dans les RPA qui ont fermé », maintient le PDG du RQRA.

 

Pourquoi autant de fermetures ?

En plus de devoir composer avec une pénurie de main-d’œuvre qui frappe de plein fouet l’industrie, les gestionnaires de petites RPA croulent sous la pression constante de demandes. Ces requêtes qui proviennent du ministère de la Santé et des Services sociaux ainsi que des CISSS/CIUSSS exigent des mises à niveau des infrastructures, notamment l’installation de gicleurs partout dans les établissements, soulève Marc Fortin. Ces gestionnaires doivent également imposer des formations obligatoires à tous les employés de moins de 5000 heures d’expérience. « Ironiquement, les niveaux de certifications exigés dans les RPA, quelle que soit leur taille, sont plus élevés que ceux demandés pour des postes similaires dans les CHSLD et les hébergements par des ressources intermédiaires », déplore-t-il.

Qui sont ces gestionnaires qui ont jeté la serviette depuis cinq ans ? « Ce sont pour la plupart des propriétaires dont les établissements existaient depuis une vingtaine d’années », indique Christian-Pierre Côté, associé de Côté Mercier Service de données. Cette entreprise publie, depuis deux ans, des rapports trimestriels sur l’industrie des RPA de la province. Parmi ses principaux constats, plus des deux tiers des établissements ayant fermé leurs portes n’avaient toujours pas de gicleurs.

 

À bout de force

La résidence Saint-André, à Saint-André-Avellin, en Outaouais, un établissement d’une vingtaine de chambres fondé en 1988, est l’une de celles qui sont tombées au combat au début de l’été 2022. « En plus des multiples certifications exigées qui nuisent à l’embauche de personnel, mon principal allié, mon conjoint, ne peut plus m’aider en raison d’une maladie incurable. Je suis fatiguée, je n’ai pas pris de vacances depuis trois ans, je ferme », raconte Nathalie Brazeau, l’ex-gestionnaire des lieux.

Cette résidence, qui occupait une maison patrimoniale, n’avait toujours pas de gicleurs. Nathalie Brazeau n’en avait pas les moyens. « Il nous en aurait coûté plus de 400 000 $ pour procéder à l’installation de ces équipements. Or, nos conseillers financiers nous ont démontré que cet investissement n’aurait aucune incidence sur la valeur de l’entreprise lors d’une éventuelle revente », souligne-t-elle, épuisée.

 

Très peu d’aide financière des institutions québécoises

Marc Fortin dénonce d’ailleurs que les grands partenaires financiers du Québec se retirent de l’industrie des RPA. « Ni la Caisse de dépôt et placement ni le fonds de solidarité FTQ, ni Investissement Québec n’ont prêté main forte financièrement à des RPA au Québec depuis 2017. Cela n’envoie pas un message positif à l’industrie », regrette le dirigeant du RQRA.

Comme si cette absence n’était déjà pas suffisante, au moins quatre des cinq principaux assureurs ont quitté le bateau depuis deux ans. « Les crises survenues en CHSLD ont incité ces assureurs à fuir le marché des RPA, dont les environnements ne sont pourtant pas comparables », affirme Marc Fortin.

 

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Des solutions pour freiner l’hémorragie

Depuis une dizaine d’années, le RQRA souhaite que la grille tarifaire du Tribunal administratif du logement (TAL) soit modifiée en fonction de la réalité des RPA. « La rigidité du TAL constitue un boulet pour nos gestionnaires », soutient Marc Fortin. L’inflation, poursuit-il, frappe de plein fouet son industrie, qui offre des repas et des soins. Les augmentations en dépenses alimentaires ont dépassé les 10 % à 20 % pour plusieurs aliments. Les salaires ont, quant à eux, grimpé jusqu’à 25 % de plus. « Pourtant, les RPA continuent d’être soumises aux mêmes grilles tarifaires que les gestionnaires d’immeubles à logements, dont les augmentations annuelles ne peuvent dépasser les 2 % », déplore Marc Fortin.

Le dirigeant du RQRA souhaite également la création d’une mutuelle pour ses membres afin de leur venir en aide relativement à l’explosion de leurs primes d’assurance. « Le retrait des sociétés d’assurance qui ne veulent plus assurer nos membres a fait quintupler, voire décupler le coût des primes », note-t-il. Il cite en exemple la prime à payer pour assurer les membres de son conseil d’administration qui a grimpé de 920 % en un an.

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