Succession : comment éviter un conflit entourant le chalet familial

Offert par Les Affaires


Édition du 31 Octobre 2015

Succession : comment éviter un conflit entourant le chalet familial

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Édition du 31 Octobre 2015

Par Véronique Champagne

La mère de Michel Foulon*, Suzanne, est âgée de 70 ans. Son principal actif ? Un chalet qui ne paye pas de mine, mais qui est bâti sur un terrain riverain d'un lac qui a acquis une bonne valeur au fil du temps. Comme elle souhaite partager ce legs équitablement entre ses deux fils, elle a choisi de les désigner par testament copropriétaires du chalet.

Mais déjà, les deux fils ne s'entendent pas. Michel aimerait bien mettre au goût du jour le chalet pour en faire profiter sa petite famille. Son frère, quant à lui, a l'intention de vendre le terrain et d'utiliser l'argent pour acheter sa première maison.

Des actifs substantiels conjugués à une forte valeur émotive : voilà un cocktail parfait pour les chicanes.

Un scénario classique

Les conflits entourant un actif prisé dans une famille sont fréquents, selon Patricia Besner, notaire fiscaliste et planificatrice financière chez Desjardins Gestion de patrimoine.

« Les gens désirent tous transmettre leurs biens de façon équitable à leurs enfants, mais ce souhait, en pratique, se décline de multiples façons, dit Mme Besner. Ce que plusieurs oublient, c'est qu'au-delà de la valeur monétaire, il y a la valeur sentimentale, qui n'a pas le même poids pour tous. Dans certains cas, le poids de certains biens n'a aucune valeur pour l'enfant, et on se retrouve plutôt à léguer un fardeau. »

Afin d'éviter les conflits, la première question que pose Patricia Besner aux familles qu'elle rencontre est la suivante : avez-vous sondé l'intérêt de chacun de vos enfants pour les biens ? « C'est la seule façon d'établir une structure de succession à l'abri des conflits. Après tout, on recherche d'abord à faire plaisir », ajoute Mme Besner.

Pour s'en assurer, c'est simple : il faut parler de ses plans de succession avec les principaux intéressés. Si on redoute la discussion aujourd'hui, il y a fort à parier qu'elle sera loin d'être agréable pour les héritiers après le décès...

Ainsi, il aurait été tout indiqué pour Suzanne d'évaluer l'intérêt de chacun de ses enfants envers son chalet au lieu de s'en tenir à l'égalité mathématique.

Les « papa m'avait promis » entraînent aussi des discussions animées, selon Stéphane Langlois, notaire : « Le deuil est déjà une période chargée émotivement, alors quand on ajoute l'argent et la famille à l'équation, les discussions peuvent vite s'envenimer ».

« Tout devrait être clairement précisé dans le testament, ajoute le notaire. Les héritiers sont ainsi en mesure de comprendre les volontés du défunt, ce qui laisse moins de place à l'interprétation personnelle. »

Comment léguer un bien convoité

Pour léguer un bien convoité par plusieurs, deux grandes solutions existent : la copropriété ou la fiducie testamentaire.

En copropriété, la propriété est partagée, comme dans le cas de Michel et de son frère qui se retrouvent propriétaires à 50/50 du fameux chalet. Simple sur papier. En pratique, peut-être un peu moins...

« Ce n'est pas seulement le bien qui est partagé en copropriété, mais aussi toutes les décisions, résume Patricia Besner. Les deux enfants doivent donc s'entendre sur tout. » Ce « tout » inclut notamment les dépenses d'entretien récurrentes, le coût des rénovations souhaitées par l'un des copropriétaires, la décision de vendre ou non, la répartition des périodes d'utilisation du bien, etc. « Qui profitera du chalet avec sa petite famille autour des fêtes ? Est-ce que le projet d'agrandissement de la cuisine fera l'unanimité ? » donne en exemple Mme Besner.

La solution de rechange pour éviter les conflits : la fiducie. « Si on la crée de son vivant, on parle d'une fiducie familiale et, au décès, d'une fiducie testamentaire, explique Patricia Besner. En somme, le chalet n'appartient pas aux enfants, mais à la fiducie - un patrimoine distinct - qui permet de personnaliser la succession selon ses souhaits et de garder un certain contrôle sur ses actifs. » En un mot, les enfants n'ont plus à « s'arranger » : tout est réglé pour eux.

« Les enfants peuvent bien entendu apparaître dans la liste des fiduciaires afin de participer aux décisions relatives au bien, mais un cofiduciaire indépendant, une personne neutre qui n'a pas d'intérêt dans le chalet, sera présent pour tempérer les discussions », ajoute la fiscaliste.

Me Danielle Beausoleil y voit un autre avantage pour des familles comme celle de Michel : « Par l'intermédiaire d'une fiducie, on peut léguer un bien et son contrôle quotidien à un enfant. Mais on peut aussi mentionner ses autres enfants dans l'acte de fiducie, de sorte qu'ils profiteront d'une portion de sa valeur marchande advenant la vente de l'actif. Le chalet leur appartient, mais on souhaite qu'il profite d'abord à l'enfant qui le veut vraiment ! »

* Pour des motifs de confidentialité, le nom a été modifié.

Consultez nos vidéos sur les enjeux relatifs à la succession sur notre site Web, à lesaffaires.com/dossier/preparer-sa-succession.

Préparer sa succession

Série 4 de 6. Plus de 50 % de la population n'a pas de testament, dont près de 25 % des 55 ans et plus. Ce qui est susceptible d'entraîner certaines complications pour les proches au décès. Dans une série de six reportages, nous explorons les enjeux liés à la transmission du patrimoine lors du décès et des pistes de solution qui peuvent être empruntées.

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