Philanthropie: des gens d'ici ont reçu moins que des miettes

Publié le 01/10/2023 à 09:28

Philanthropie: des gens d'ici ont reçu moins que des miettes

Publié le 01/10/2023 à 09:28

(Photo: 123RF)

PHILANTHROPIE. Le milieu philanthropique ne se limite pas aux organismes de bienfaisance enregistrés au Canada. Il regroupe une panoplie d’associations, d’organismes, de collectifs et d’entreprises sociales et sans but lucratif, qui peinent à recevoir du financement, faute de statut d’organisme de bienfaisance. Un assouplissement des règles pourrait changer la donne. 

Les organismes n’ayant pas le statut d’organisme de bienfaisance et de donataire reconnu peuvent crier victoire. Ces acteurs essentiels de la société, qui connaissent intimement leurs communautés, auront désormais accès à beaucoup plus de subventions.

De nouvelles règles intégrées au projet de loi C-19 permettront en effet aux organismes caritatifs de collaborer avec les organismes sans statut de bienfaisance de façon plus égalitaire, sans avoir à les soumettre à « une direction et un contrôle », comme c’était le cas jusqu’à présent. 

Grâce à ces changements, les fondations pourront désormais verser des fonds aux donataires non reconnus, comme les OSBL, pourvu que les activités financées soient à des fins de bienfaisance. « Ça va amener un certain contrôle quand même, puisque le bailleur de fonds doit s’assurer de l’utilisation correcte des subventions, nuance Daniel Lanteigne, président de l’Association des professionnels en philanthropie (AFP) Québec. Ce n’est pas une confiance aveugle, même si ça va aider des organisations qui font un travail extraordinaire au quotidien, mais qui ne remplissent pas tous les critères d’organisme de bienfaisance. » 

« Ces partenariats pourraient donner aux organismes de bienfaisance un accès à un financement plus diversifié et leur permettre de mettre en place des programmes plus ambitieux », se réjouit pour sa part la directrice du PhiLab Québec, Diane Alalouf-Hall.

 

« Un effet discriminatoire »

Le président de la Fondation du Grand Montréal souligne que l’un des plus grands problèmes de la philanthropie au Canada, c’est que « des populations au pays ont reçu moins que des miettes des dollars philanthropiques depuis une dizaine d’années ». Il pense entre autres aux peuples autochtones ainsi qu’aux communautés noires, racisées ou immigrantes. 

Leur plus gros obstacle tient au fait que les organismes qui donnent des services à ces populations n’ont pas de numéro de bienfaisance parce qu’ils sont émergents ou qu’ils sont moins structurés. « Ça a un effet discriminatoire », déplore-t-il.

Pour illustrer son propos, il raconte qu’il discutait récemment avec un leader de la communauté noire à Montréal. « Il me disait qu’il avait donné dix millions de dollars à des organismes et qu’il n’avait pas reçu un seul reçu d’impôt. Ça veut dire que son dix millions lui a coûté dix millions alors que le même don à une communauté blanche ne lui coûterait que cinq millions après retour fiscal. »

La Fondation du Grand Montréal travaille d’ailleurs activement à tisser des liens avec les différentes communautés noires de la métropole. Son président, Karel Mayrand, se rend compte que l’assouplissement des règles facilitera grandement les choses pour verser plus des subventions à ces organismes. Même chose pour les communautés autochtones.

« Historiquement, on parle de moins de 2 % ou 3 % des subventions philanthropiques qui ont été versées à des organismes représentant la diversité. On avait vraiment un problème systémique et cela vient lever une barrière. On voit ce changement d’un très, très bon œil. »

 

Plus d’équité

La modification de ces règles était une demande très forte dans le secteur de la bienfaisance, remarque David Grant-Poitras, coordonnateur du PhiLab Québec. « Elle vient favoriser l’équité dans l’écosystème de financement, d’abord en permettant à une plus grande diversité d’organismes de bénéficier du financement des fondations », dit-il.

Ce dernier donne en exemple deux classes d’organismes visés : ceux qui travaillent pour l’avancement de l’équité chez des groupes marginalisés, et ceux qui sont plus militants et engagés dans les mouvements sociaux. « Un organisme de bienfaisance travaillant pour la protection de l’environnement pourrait collaborer plus facilement avec un OSBL pour mettre en place des programmes innovants et durables », illustre-t-il. 

Karel Mayrand pense également que les groupes habituellement sous-financés pourraient recevoir plus de dons. « Dans le milieu philanthropique, on constate qu’il y a de plus en plus de fondations qui réalisent qu’elles ont trop peu desservi certaines populations. Elles mettent donc les bouchées doubles pour se rattraper. » 

Pour Diane Alalouf-Hall, le fil conducteur de cette réflexion est la conformité aux fins de bienfaisance. « C’est là où il reste encore beaucoup de travail. Il faut définir ce qui est de la bienfaisance à l’heure des grands enjeux climatiques et sociaux. »

 

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En chiffres

Le Canada compte plus de 170 000 organismes sans but lucratif.

Parmi eux, on retrouve 86 000 organismes de bienfaisance enregistrés.

Le secteur représente 8,7 % du PIB du Canada, soit environ 189 G$.

Ce sont 41 % des Canadiens qui donnent de leur temps aux OSBL, soit 13 millions de bénévoles.

 

Ce texte provient de notre édition du 10 mai 2023.

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