L’équité et l’égalité sont-ils en danger?

Publié le 04/03/2024 à 14:03

L’équité et l’égalité sont-ils en danger?

Publié le 04/03/2024 à 14:03

Par Louise Champoux-Paillé

Claudine Gay, ancienne présidente de Harvard. (Photo: Getty Images)

EXPERTE INVITÉE. À la fin de 2023, un congédiement a créé toute une commotion aux États-Unis, soit celui de Claudine Gay, présidente de la prestigieuse Université Harvard, en raison d’accusations de plagiat et de critiques concernant son témoignage lors d’une audience au Congrès américain. Elle avait alors été entendue dans le cadre d’une enquête parlementaire initiée par des élus républicains sur l’antisémitisme sur les campus américains après les attaques du Hamas en territoire israélien le 7 octobre 2023. Elle y a été accusée de ne pas être en mesure «d’affirmer définitivement» que prôner le génocide des Juifs violerait la politique de conduite de l’Université.

Selon certains, ce congédiement ne serait pas étranger à une campagne menée par un petit cercle de militants conservateurs américains animé par Christopher Rufo pour éliminer les programmes destinés à promouvoir la diversité, l’équité et l’inclusion («DEI») dans les institutions américaines, incluant les universités et les entreprises. Selon lui, les programmes DEI briment la diversité des opinions sur les campus en excluant les idées conservatrices.

Pour les conservateurs libertaires de la trempe d’Elon Musk, ces programmes sont tout simplement un autre terme pour désigner le racisme. «Honte à tous ceux qui utilisent ces politiques», a-t-il écrit sur X dans la foulée de cette controverse.

Cette contestation a finalement cheminé jusqu’à la Cour suprême des États-Unis qui, dans une décision largement médiatisée, a mis fin au programme d’action positive en vigueur dans les universités, les jugeant contraires à la clause d’égale protection du 14e amendement de la Constitution américaine.

 

Un débat dans toutes les sphères de la société

Ce débat sur la pertinence des programmes DEI n’est pas seulement l’apanage du milieu universitaire. Il s’étend à l’ensemble des entreprises et institutions américaines. Dans les milieux conservateurs américains, certains s’opposent aux programmes DEI parce qu’ils incluent des mesures de discrimination positive, estimant que ces approches peuvent être perçues comme injustes envers des individus ou des groupes. On exprime aussi des inquiétudes quant aux politiques de diversité et d’inclusion, les considérant parfois comme restrictives à la liberté d’expression. Certains mettent également de l’avant l’importance de l’individualisme et estiment que les programmes DEI peuvent empêcher chaque individu de se faire valoir en fonction de ses propres mérites plutôt que de son appartenance à un groupe particulier.

Il est essentiel de noter que ces opinions ne représentent pas nécessairement l’ensemble des perspectives conservatrices, car il existe une vaste diversité d’opinions au sein de tout groupe politique.

Par ailleurs, de nombreuses personnes, indépendamment de leurs affiliations politiques, soutiennent l’idée d’un environnement de travail équitable, respectueux et inclusif.

 

Polarisation sociétale

Doit-on craindre que ces critiques des programmes DEI traversent la frontière et freinent le développement des programmes québécois et canadiens ? Au cours des dernières années, des cas de discrimination positive ont soulevé des débats acrimonieux au Canada et au Québec, dans les milieux politiques et universitaires notamment.

Il est évidemment difficile de prédire l’avenir, mais la disparition des programmes DEI ne semble pas probable à court ou moyen terme. Les initiatives DEI sont devenues de plus en plus importantes dans de nombreuses organisations en raison de la reconnaissance croissante de l’importance de la diversité et de l’inclusion dans le milieu professionnel.

Les programmes DEI visent à créer des environnements de travail équitables, diversifiés et inclusifs, favorisant ainsi l’innovation, la productivité et la satisfaction des employés. De nombreuses entreprises reconnaissent les avantages tangibles de la diversité, tels que des perspectives variées, une meilleure compréhension du marché et une capacité accrue à résoudre des problèmes complexes.

Un rapport des firmes Bain & Co et EcoVadis a établi des liens positifs entre les résultats financiers et la promotion de programmes DEI. De plus, du point de vue de la fidélisation des employés, les programmes de développement durable et DEI procurent aux employés un sentiment d’appartenance et d’évoluer dans un écosystème économique plus global. La diversité des perspectives et des compétences peut conduire à une prise de décision plus informée et à une meilleure résilience face aux défis économiques.

 

Rester vigilant

Le débat sur les programmes DEI est complexe, et la recherche de solutions qui respectent les droits individuels tout en favorisant une société plus équitable demeure un sujet d’actualité.

Il nous faut rester vigilants et continuer à plaider en faveur de l’égalité et de la diversité pour nous assurer que ces principes demeurent au cœur des politiques et des pratiques organisationnelles. Il importe de veiller à ce que tous puissent réaliser leur plein potentiel dans la dignité et l’équité.

 

Sur le même sujet

Chaînes d'approvisionnement durables: comment rallier vos fournisseurs à la cause?

23/04/2024 | Magali Depras

EXPERTE INVITÉE. Les chaînes d’approvisionnement sont plus que jamais sous les feux des projecteurs!

Plaidoyer pour une gouvernance transformationnelle

EXPERTE INVITÉE. Peu d’entreprises ont élaboré une politique distincte en matière des droits de la personne.

À la une

Compétitivité: Biden pourrait aider nos entreprises

26/04/2024 | François Normand

ANALYSE. S'il est réélu, Biden veut porter le taux d'impôt des sociétés de 21 à 28%, alors qu'il est de 15% au Canada.

Et si les Américains changeaient d’avis?

26/04/2024 | John Plassard

EXPERT INVITÉ. Environ 4 électeurs sur 10 âgés de 18 à 34 ans déclarent qu’ils pourraient changer leur vote.

L’inflation rebondit en mars aux États-Unis

Mis à jour le 26/04/2024 | AFP

L’inflation est repartie à la hausse en mars aux États-Unis, à 2,7% sur un an contre 2,5% en février.