Prête-moi ton employé

Offert par Les Affaires


Édition du 29 Septembre 2018

Prête-moi ton employé

Offert par Les Affaires


Édition du 29 Septembre 2018

Par Stéphane Rolland

[Photo: 123RF]

Fidéliser un bon employé saisonnier ou à temps partiel relève parfois de l'exploit quand les travailleurs ont l'embarras du choix. Des entreprises ont trouvé une solution originale pour les garder dans leur giron : partager leurs salariés pour qu'ils reviennent lorsqu'elles auront besoin de leurs services.

François Lefort, directeur des ressources humaines de Métal Sartigan, avait un pincement au coeur lorsqu'arrivait la saison morte d'hiver. C'était le moment où l'entreprise de Saint-Georges, en Beauce, qui fabrique des bâtiments d'acier, mettait ses employés au chômage avec l'espoir qu'ils seraient disponibles lorsque viendrait le temps de les rappeler.

«Je trouvais ça épouvantable, raconte-t-il. Si vous saviez tous les efforts qu'a déployés la direction pour faire la promotion de nos bâtiments d'acier en hiver afin de tenir occupés nos employés à l'année. C'est toujours plus difficile de faire des ventes lorsque les clients ne coulent pas les fondations.»

Il y a six ans, M. Lefort a eu une idée : pourquoi ne pas placer temporairement ses employés dans une autre entreprise ? Métal Sartigan a tenté l'expérience avec Estampro, une entreprise spécialisée dans la transformation du métal. En forte croissance, Estampro était en mesure de faire travailler les employés de Métal Sartigan pendant l'hiver. «C'était une opération risquée, reconnaît-il. Il fallait avoir confiance qu'on ne nous volerait pas nos meilleurs employés.»

Le projet, qui porte le nom de Coop-RH jobs à l'année, a été un franc succès, juge le directeur des ressources humaines. Le regroupement comprend maintenant huit employeurs. Les craintes sur le maraudage ne se sont pas concrétisées. «Sur une période de cinq ans, nous avons partagé 30 employés. Un seul a émis le souhait d'aller travailler chez l'employeur d'accueil, souhait qu'on a respecté.»

Des conditions qui favorisent la rétention

L'équipe de PME MTL Est-de-l'Île a vu poindre, il y a un an, la pénurie de main-d'oeuvre et ses impacts sur les entrepreneurs qu'elle accompagne. À la recherche d'une solution, l'organisme a eu l'idée, l'hiver dernier, de mettre en relation Studio Artefact, un fabricant de décorations de Noël qui connaît une période d'accalmie après les fêtes, et USD Global, un spécialiste de la gestion des matières résiduelles dont les activités s'intensifient au printemps, afin qu'ils partagent des travailleurs.

Le premier cycle d'échange est terminé et neuf employés y ont participé. Les deux entreprises et l'organisme jugent que l'opération a été un succès. «On pense que d'autres entreprises ont les mêmes besoins, avance Annie Bourgoin, directrice générale de PME MTL Est-de-l'Île. Deux entreprises pourraient se joindre au duo initial et on a des discussions avec deux autres qui envisagent de conclure une entente.»

Dans le secteur public, les petites municipalités vivent les mêmes difficultés que les PME. La MRC de Maria-Chapdelaine, où se trouve la ville de Dolbeau-Mistassini, dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, mène une étude afin d'évaluer la meilleure manière que les municipalités de son territoire puissent partager leurs employés dans les services d'alimentation en eau potable et en traitement des eaux. Dans les plus petites municipalités du territoire, les techniciens sont embauchés à temps partiel, explique Christian Bouchard, directeur général par intérim. Or, la plupart des travailleurs veulent un jour occuper un emploi à temps plein. «Une formation peut coûter presque 5 000 $ lorsqu'on tient compte des déplacements, explique-t-il. Si vous embauchez la ressource à temps partiel pour quelques mois et que l'employé est embauché par le secteur privé ou Hydro-Québec, ça commence à coûter cher. C'est pour ça qu'on doit leur offrir des conditions qui favorisent une plus grande rétention.»

La mise en commun d'employés se pratique déjà depuis une vingtaine d'années dans le secteur agricole par des coopératives d'utilisation de main-d'oeuvre partagée (CUMO) ou d'une coopérative d'utilisation de matériel agricole (CUMA). Il s'agit de coopératives que des producteurs agricoles mettent sur pied. La coopérative embauchera des ouvriers agricoles qui travailleront pour ses membres, qui la financent, explique Chantal St-Laurent, répondante provinciale CUMA/CUMO au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec (MAPAQ). Dans l'air du temps, des coopératives ont également commencé à embaucher des travailleurs pour faciliter la conciliation travail-famille de ses membres. «On voit des coopératives qui ont embauché des aides ménagères ou des personnes pour aider à faire les devoirs.»

Des valeurs communes

Mme Bourgoin et M. Lefort établissent des conditions similaires pour favoriser le succès d'une entente de partage d'employés. Les entreprises doivent s'engager à respecter le lien d'emploi d'origine. Elles doivent partager des valeurs communes. Leurs besoins doivent être complémentaires en ce qui concerne l'expertise et les périodes où l'échange aura lieu. Les lieux de travail doivent être à proximité pour éviter un trop long déplacement aux employés.

«C'est important de prendre le temps de se connaître et de bâtir un lien de confiance», insiste Mme Bourgoin.

Avoir la combinaison gagnante pour mettre en place un programme de partage d'employés n'est pas toujours une mince affaire, constate Pascal Nataf, vice-président de la Guilde des développeurs de jeux vidéo indépendants du Québec.

Lorsque la Guilde a été mise sur pied en 2016, ses membres ont envisagé de mettre en place un programme d'échange de main-d'oeuvre. Il existait un besoin, car la production d'un studio varie selon l'avancement de la conception du jeu. L'idée a finalement été abandonnée. Certains membres concluent des échanges à la pièce en communiquant sur le groupe Google de la Guilde, mais aucun programme établi n'a été mis en place. «Quand on a fondé la Guilde, ça a été porté par des bénévoles», indique M. Nataf, qui est aussi le cofondateur d'Affordance Studio.

«On s'est rendu compte que sans employé, sans structure, ce serait impossible de gérer un programme de cette envergure. On pense toujours que c'est une bonne idée, mais on a dû prioriser des dossiers plus faciles à gérer.»

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