Dessine-moi un parc industriel


Édition du 15 Février 2023

Dessine-moi un parc industriel


Édition du 15 Février 2023

Par Philippe Jean Poirier

Les entreprises choisissent un parc industriel non pas pour le site en lui-même, mais plutôt pour accéder à une main-d’œuvre, à des intrants de production ou à un réseau de distribution. (Photo: 123RF)

PARCS INDUSTRIELS. Le changement est lent, mais notable. Depuis peu, le paysage des parcs industriels québécois se transforme pour tenir compte de nouveaux impératifs économiques et environnementaux. D’une part, les gouvernements veulent des parcs qui participent à renforcer une chaîne d’approvisionnement rudoyée par la pandémie. D’autre part, on veut que ces parcs soient plus beaux, plus propres et plus verts. 

« Toutes les villes parlent de faire des parcs modernes, qui réconcilient la fonction industrielle avec les autres fonctions humaines, annonce Louis Grenier, partenaire principal de Stratégies immobilières LGP. La biophilie [faire une place à la nature] et la mutualisation des services sont de beaux concepts, mais ils peinent à s’implanter en Amérique du Nord », note-t-il. 

Selon son expérience, les entreprises choisissent un parc industriel non pas pour le site en lui-même, mais plutôt pour accéder à une main-d’œuvre, à des intrants de production ou à un réseau de distribution. « Quelques parcs misent sur le développement durable, mais ce courant demeure marginal », dit-il, saluant la création d’un « premier parc vert » au Québec en 2013, avec l’Écoparc industriel Daniel-Gaudreau de Victoriaville. Depuis, se sont ajoutés l’Innoparc Albatros, à Saint-Eustache, fondé en 2014, et la Zone durable Jonquière, en 2022, tous deux basés sur le développement durable. 

Stéphane Drouin, vice-président de l’achat québécois et du développement économique à Investissement Québec, reconnaît que le développement durable n’est pas le premier critère de sélection d’un parc. Il y voit toutefois une tendance « émergente » qui ira « en s’accélérant ». « Les entreprises veulent de l’énergie verte, des fournisseurs de proximité, et ils portent une plus grande attention à l’empreinte carbone de leur chaîne d’approvisionnement », fait-il valoir.

Un autre facteur qui pèse sur le développement des parcs industriels est la volonté des gouvernements de renforcer la chaîne d’approvisionnement locale, par des investissements ponctuels ou des changements législatifs tels que la nouvelle Loi visant principalement à promouvoir l’achat québécois et responsable par les organismes publics. « Suivant cette tendance, plusieurs entreprises québécoises cherchent à se positionner dans un parc thématique pour devenir le fournisseur de proximité d’un grand donneur d’ordre, note Stéphane Drouin. Inversement, les donneurs d’ordre cherchent à se rapprocher des fournisseurs locaux. » Par exemple, l’été dernier, l’entreprise montréalaise Medicom a annoncé la construction d’une usine de médium filtrant de qualité médicale dans l’Innoparc Albatros, à Saint-Eustache, ce qui participe à renforcer l’autonomie du Canada en matière de masques N95.

 

Densification et revalorisation 

En milieu urbain, les dirigeants locaux manquent cruellement d’espace pour accueillir de nouveaux projets industriels. « Certains parcs affichent complet alors que des terrains demeurent inutilisés », note toutefois Louis Grenier, voyant un potentiel de densification de ces sites. « Il y a lieu de se demander si les entreprises qui ont des espaces inutilisés ne devraient pas être invitées à les revendre. » À d’autres endroits, des bâtiments sont laissés à l’abandon parce qu’ils n’atteignent pas la hauteur libre de 24 pieds demandée par les entreprises. « Il faut réfléchir à une manière de revaloriser ces bâtiments. » 

La réflexion ne peut se faire en silo, prévient Stéphane Drouin. « Faire rayonner un pôle industriel régional exige un travail de concertation entre les parcs industriels, les instances de développement économique local, les gouvernements, les entreprises étrangères qui viennent s’établir ici et les entreprises locales qui les soutiennent. »

 

Cinq éléments à considérer avant d’implanter son entreprise dans un parc industriel 

1. Une vision stratégique. « Avant toute chose, les entreprises doivent se projeter dans l’avenir et se doter d’une vision stratégique pour le site, dit Stéphane Drouin. Est-ce que le terrain convoité répondra toujours à leurs besoins dans cinq ans, dans dix ans ? »

 

2. Les infrastructures. Les entreprises ont le choix de s’installer dans un bâtiment existant ou de construire à neuf. « Nous avons choisi la seconde option, dit Guillaume Laverdure, président-directeur général de Medicom. Nous voulions que le bâtiment ait des surfaces de plancher spécifiques à la taille de nos machines, en plus de répondre à des critères écoénergétiques. »

 

3. La communauté. Dans son palmarès 2022 des critères de sélection d’un parc industriel, la revue américaine « Area Development » place en première position « le coût de la main-d’œuvre » et en deuxième, « la disponibilité des talents ». Ces deux critères sont intimement liés à la communauté d’accueil.

 

4. La chaîne d’approvisionnement. Il est important de connaître ses voisins de parcs. « Certaines entreprises voudront s’établir aux côtés de partenaires éventuels afin d’obtenir les intrants clés à leur production », explique Stéphane Drouin.

 

5. Le développement durable. « Les entrepreneurs ont intérêt à exiger du parc un système de gestion environnementale, dit Réal Patry, organisateur du Colloque sur le développement industriel et les écoparcs et ancien directeur général de Palme Québec. Ça les protège contre l’implantation d’un voisin industriel indésirable et, donc, ils obtiennent en retour une meilleure valeur immobilière. »

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