Bienvenue dans la fabrique du futur


Édition du 29 Septembre 2018

Bienvenue dans la fabrique du futur


Édition du 29 Septembre 2018

Les progrès dans les matériaux avancés se répandent dans différents secteurs d’application. « ­Ils sont partout, mais il y a encore du travail pour les faire connaître et dire à quel point ils sont stratégiques », concède ­Marie-Pierre ­Ippersiel, PDG de ­PRIMA ­Québec. [Photo : Empay Photographe (Marie-Pierre Ippersiel)]

Moins populaire que celle de l'intelligence artificielle ou de la chaîne de blocs, l'industrie des matériaux avancés n'en reste pas moins stratégique pour le Québec. Enquête sur un écosystème dynamique et méconnu.

L'industrie québécoise des matériaux avancés apparaît comme plurisectorielle, essentiellement exportatrice et en croissance soutenue, d'après une étude récente. Mais les défis restent de taille pour beaucoup de jeunes entreprises, notamment en ce qui concerne le financement de leurs lourds investissements.

«Ceux qui contrôlent les matériaux contrôlent la technologie...», a dit un jour un dirigeant de Panasonic. «Et ce qui permet à une civilisation technologique de progresser, ce sont les matériaux aux propriétés avancés», complète Gilles L'Espérance, professeur à Polytechnique de Montréal.

L'histoire témoigne en effet, à de multiples reprises, de l'importance des matériaux dans le développement économique, de l'âge du bronze, puis du fer en passant par celui de l'acier lors de la deuxième révolution industrielle.

En soi, les matériaux avancés, définis comme de nouveaux matériaux ou des matériaux aux performances physiques ou fonctionnelles (résistance, conductivité, imperméabilité...) considérablement améliorés par rapport à celles des matériaux conventionnels, existent depuis la préhistoire. «Mais ces dernières années, avec les nanotechnologies notamment, il y a eu un renouveau dans la manière de les développer», constate Julie Beaudoin, consultante en stratégie d'affaires chez Deloitte.

«On a désormais la capacité de manipuler la matière à l'échelle du nanomètre [N.D.L.R. : Un milliard de fois plus petites qu'un mètre], ce qui nous permet d'obtenir de nouvelles propriétés en fonction de ce qu'on a besoin», dit Mohamed Chaker, directeur du laboratoire de micro et nanofabrication de l'Institut national de la recherche scientifique (INRS).

Le renouveau de l'industrie manufacturière

En 2013, McKinsey considérait les matériaux avancés comme une des dix technologies qui engendreront le plus de transformations économiques d'ici 2025. Il y a quelques mois, ils faisaient d'ailleurs partie des dix secteurs stratégiques et émergents dans lesquels la Chine prévoit investir 300 milliards de yuans (57 milliards de dollars canadiens) à l'horizon 2025.

Plus globalement, le cabinet d'études Transparency Market Research prévoit que le marché des matériaux avancés atteindra plus de 100 G $ US d'ici 2024.

«Avec le numérique et la transition énergétique et écologique, les matériaux avancés sont un des trois facteurs émergents qui permettent un renouvellement de l'industrie manufacturière au Québec», assure Jean Matuszewski, économiste et président d'E&B DATA.

L'industrie québécoise des matériaux avancés regroupe plus de 340 sociétés, pour l'essentiel de très petites (30 %), petites (36 %) et moyennes (29 %) entreprises, selon un rapport de PRIMA Québec, le pôle de recherche et d'innovation en matériaux avancés. À elles seules, ces PME emploient plus de 33 000 personnes dans la province, dont près de 10 % dans des métiers de recherche et développement. «Et la croissance de la filière est de 6 % par année, soit trois fois plus que celle du PIB du Québec», affirme M. Matuszewski.

Toutefois, la mesure des retombées économiques concrètes de cette industrie se révèle très complexe. «Les matériaux avancés ne se retrouvent pas dans les statistiques officielles, car il ne s'agit pas d'un secteur, mais d'une technologie horizontale qui s'insère dans beaucoup d'autres secteurs différents», indique Martin Doyon, directeur des maillages et partenariats industriels au ministère de l'Économie, de la Science et de l'Innovation (MESI). «Les matériaux avancés ne sont pas une fin en soi ; ils sont un effet de levier pour aider d'autres entreprises, en aval de la chaîne de valeur, à aller plus loin», confirme M. Matuszewski.

Autrement dit, les progrès dans les matériaux avancés se répandent par capillarité dans différents secteurs d'application comme l'énergie, le transport, la construction, l'environnement ou encore la santé.

«Ils sont partout, mais il y a encore du travail pour les faire connaître et dire à quel point ils sont stratégiques», concède Marie-Pierre Ippersiel, PDG de PRIMA Québec.

Une industrie gourmande en capitaux

En plus d'être pluri-sectorielle, la filière des matériaux avancés se distingue des autres industries de par l'étendue de sa sphère d'activité. Selon PRIMA Québec, 86 % des entreprises sondées opèrent dans la production des matériaux avancés (polymères, nanomatériaux, poudres métalliques etc.), mais aussi dans leur intégration aux produits finis ou semi-finis, voire dans le développement de procédés (comme la fabrication additive par exemple). «C'est caractéristique d'une industrie jeune, indique Mme Beaudoin. Les entreprises sont à la fois productrices, intégratrices et créatrices de procédés et n'ont pas encore développé de spécialités propres. Souvent, la machine n'existe pas donc ils doivent la produire eux-mêmes par exemple.»

Bien que cette filière soit grandement tournée vers l'international (85 % d'entreprises exportatrices), elle n'en reste pas moins émergente en effet. Plus du tiers des entreprises ont été créées il y a moins de 10 ans. Ce qui soulève de nombreux défis. «L'enjeu pour plusieurs d'entre elles sera de réussir à passer du prototype à la production et la commercialisation», avertit Mme Beaudoin. Un cheminement d'autant plus périlleux que cette industrie manufacturière est très intensive en capital, donc risquée par nature.

Des industriels et des chercheurs main dans la main

Autre singularité de l'industrie des matériaux avancés : la forte coopération entre industriels et chercheurs académiques, notamment pour l'accès aux expertises et à des équipements de pointe. «Il y a un effet de grappe très fort : la quasi-totalité des entreprises est en lien avec des centres de recherche universitaires ou collégiaux», s'étonne M. Matuszewski.

Martin Doyon y voit le reflet d'une caractéristique québécoise historique : la culture de la collaboration. «Cela est d'autant plus avantageux que ces projets ont lieu dans les universités ou les collèges, donc impliquent des étudiants qui peuvent se former sur ces sujets et devenir une main-d'oeuvre précieuse à l'avenir», poursuit-il. Assurément, les matériaux avancés créent le futur de multiples façons.

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