Améliorer la collaboration avec les chercheurs


Édition du 29 Septembre 2018

Améliorer la collaboration avec les chercheurs


Édition du 29 Septembre 2018

« ­Les industriels viennent nous voir pour obtenir des propriétés concrètes de matériaux, et nous, on va développer les procédés pour y arriver », indique ­Mohamed ­Chaker (à gauche), directeur du ­Laboratoire de ­micro et ­nanofabrication de l’INRS.

L'industrie des matériaux avancés se caractérise par de nombreux projets de recherche collaborative entre les universités et les entreprises. Relativement récent, mais en plein essor, ce modèle, appuyé par les gouvernements, est aussi primordial pour les uns que pour les autres.

D'après un sondage de PRIMA Québec, le pôle de recherche et d'innovation en matériaux avancés, la quasi-totalité (99 %) des entreprises québécoises spécialisées dans les matériaux avancés effectue de la recherche en externe, notamment auprès des centres universitaires ou collégiaux. Il s'agit d'une grande particularité de cette industrie.

La raison ? «Il est tout simplement impossible de s'acheter les équipements de pointe nécessaires, à plusieurs milliers, voire millions de dollars, ainsi que l'expertise et le savoir-faire qui y sont liés», justifie Philippe Babin, le président d'Aeponyx, un fabricant de puces semi-conductrices optiques qui travaille avec quatre universités différentes.

«La recherche en matériaux nécessite des équipements extrêmement chers, qui sont devenus un secteur de recherche en soi», confirme Gilles L'Espérance, professeur à Polytechnique de Montréal et directeur du Centre de caractérisation microscopique des matériaux, le (CM)².

Une externalisation de la R-D

L'Institut national de la recherche scientifique (INRS) dispose par exemple de près de 100 millions de dollars d'équipement au total, la plus importante installation du Québec en nanofabrication. Sans compter le personnel hautement qualifié qui sait les utiliser, qui est tout aussi précieux, sinon plus. «Ce n'est pas parce que je vous donne un four que vous saurez cuisiner. L'important, c'est le cuistot et ses recettes», illustre Mohamed Chaker, directeur du Laboratoire de micro et nanofabrication de l'INRS. «Les industriels viennent nous voir pour obtenir des propriétés concrètes de matériaux, et nous, on va développer les procédés pour y arriver.» Le Québec compterait ainsi plus de 500 chercheurs actifs dans les centres de recherche publics et 25 chaires de recherche industrielle en matériaux avancés.

«On les prend pour acquis, mais il ne faut pas oublier que derrière chaque matériau, il y des personnes qui ont fait un cahier des charges pour concevoir un procédé», dit M. L'Espérance

Un retournement du modèle en 20 ans

Une façon pour les entreprises d'externaliser leur R-D et donc de limiter les risques. «Cela n'aurait pas de sens d'embaucher toute cette expertise spécifique située dans les universités, d'autant que tu ne sais pas jusqu'à quel point tu en auras besoin», souligne Nicolas Duplessis, directeur des partenariats stratégiques chez Kruger Biomatériaux.

«Même IBM, une des entreprises les plus innovantes au monde, travaille avec des universitaires, tellement les sujets sont spécialisés», remarque Philippe Bébin, titulaire de la chaire de recherche industrielle du CRSNG sur les matériaux avancés. Grâce à cet appui technoscientifique, les industriels ont ainsi pu résoudre un problème (73 %), mettre au point un nouveau procédé (58 %) ou un nouveau produit (71 %), selon Prima Québec.

«Pourtant, il y a une vingtaine d'années, il y avait plus d'infrastructures chez les industriels que dans les universités», dit M. Chaker. Ce profond retournement provient notamment de la création, en 1997, de la Fondation canadienne pour l'innovation (FCI), à l'origine pour inverser l'exode des cerveaux, qui a investi plus de 7,6 milliards de dollars, dont 1,8 G $ au Québec, dans des installations et des outils de recherche de pointe. Puis, en 2001, de NanoQuébec, un réseau qui visait à renforcer les capacités de recherche de l'infrastructure québécoise en nanotechnologie.

Stimuler l'investissement et la recherche

Ce modèle de collaboration public-privé apporte aujourd'hui une source de revenus non négligeable pour les universités. «La structure de financement est conçue de telle manière que si je veux de l'argent pour financer ma recherche, je n'ai pas d'autres choix que de collaborer avec les entreprises», dit Jean-François Morin, directeur du Centre de recherche sur les matériaux avancés (CERMA) de l'Université Laval. Créant ainsi une concurrence entre universités ? «Il s'agit plutôt de coopétition, nuance M. Chaker, il est rare de posséder toute l'expertise demandée par l'industriel, nos infrastructures se complètent bien souvent».

Les industries paient en effet pour ces services... et sont aidées par des subsides publics quand il s'agit de projets collaboratifs à plus long terme, par PRIMA Québec, le consortium de recherche industrielle financé en partie par le ministère de l'Économie, de la Science et de l'Innovation (MESI).

«Nous sommes le catalyseur de la recherche collaborative dans le secteur, dit Marie-Pierre Ippersiel, PDG de PRIMA Québec.

Cette formule, propre au Québec, stimule à la fois la recherche académique et l'investissement des entreprises.» Selon la maturité technologique du projet, pour un dollar investi par l'entreprise, le financement public peut aller jusqu'à quatre dollars (deux par PRIMA Québec et deux par le gouvernement fédéral par l'intermédiaire du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada [CRSNG]). Au cours des trois dernières années, 52 projets d'innovation collaborative, de 46 M $ au total, ont ainsi été financés par PRIMA Québec.

«Les laboratoires universitaires sont comme des incubateurs à très haut risque», dit Jens Kroeger, directeur de la technologie chez Raymor, un producteur de nanotubes de carbone. «Et ce sont les gouvernements qui assument ce risque, personne d'autre ne pourrait le faire sinon», ajoute Philippe Bébin, titulaire de la chaire de recherche industrielle du CRSNG sur les matériaux avancés.

Si la majorité salue le modèle québécois en la matière, certains universitaires regrettent toutefois le manque de financement accordé à la recherche plus fondamentale, dont les résultats se produisent à plus long terme. Et la plupart ont souffert des compressions de budgets servant à assurer la gestion au quotidien des infrastructures, dû à l'austérité.

«On a essayé de sauver les meubles, mais il a fallu réviser certains programmes», déplore Martin Doyon, Directeur des maillages et partenariats industriels au Ministère de l'Économie, de la Science et de l'Innovation (MÉSI)

Le dialogue de deux mondes différents

Dans la pratique, ces collaborations sont un défi en soi. «La notion temporelle des industriels n'est pas la même que celle des chercheurs. Ces derniers aiment la recherche tandis que les premiers se penchent davantage sur le développement», indique M. Babin.

«Nous sommes jugés sur notre travail académique de publication, mais financés en fonction de notre travail industriel. Il y a donc un équilibre à trouver», avance pour sa part M. Chaker. «Sachant qu'il faut aussi que je m'assure que mes étudiants sont correctement formés», complète M. Morin.

Sans oublier l'épineuse question du partage de la propriété intellectuelle. «La négociation se fait au cas par cas, rapporte M. L'Espérance, de Polytechnique. Au final, tout est une question de relation de confiance.»

29,2 M $ pour 7 universités québécoises réunies

La ­Fondation canadienne pour l’innovation a attribué, en début d’année, 29,2 M $ au ­Réseau québécois de microscopie électronique des matériaux (RQMEM), une structure qui sert à mutualiser les moyens entre ­Polytechnique ­Montréal, l’École de technologie supérieure, les ­Universités de ­Montréal, de ­Sherbrooke, ­Concordia, ­Laval et ­McGill. Cette somme servira à acquérir des instruments qui serviront à l’analyse des matériaux de pointe. « ­Il y a 20 ans, chacun aurait fait sa demande à part. C’est donc un bel et prometteur exemple de collaboration universitaire qui permettra d’être concurrentiel à l’échelle mondiale », dit ­Gilles L’Espérance, directeur du ­Centre de caractérisation microscopique des matériaux.

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