Les spiritueux prennent racine


Édition du 21 Avril 2018

Les spiritueux prennent racine


Édition du 21 Avril 2018

Par Claudine Hébert

Les deux cofondateurs de la Distillerie Saint- Laurent à Rimouski, Jean- François Cloutier et Joël Pelletier, vendent leurs produits en France, en Suisse et en Allemagne.

Quels sont les ingrédients du succès du marché de la distillerie ? Des producteurs ingénieux qui s'abreuvent aux nouvelles sources de l'agrotourisme et du tourisme gourmand. Ces nouveaux filons convainquent même des directeurs de comptes, des analystes d'affaires et des journalistes de quitter leur emploi pour devenir de nouveaux producteurs agricoles.

Le Québec participe activement à l'essor de nouveaux spiritueux, alors qu'elle compte plus d'une trentaine de microdistilleries, une jeune industrie en plein développement qui souhaite maintenant contrôler sa commercialisation. L'an dernier, il s'est vendu pour plus de 32 M$ en spiritueux fabriqués ou élaborés au Québec à la SAQ. Un marché qui représentait à peine quelques milliers de dollars cinq ans auparavant.

Au moment d'écrire ces lignes, les dirigeants de deux microdistilleries étaient justement de passage en Europe pour faire la promotion de leurs produits. Jean-Philippe Bouchard, qui dirige l'entreprise saguenéenne la Distillerie du Fjord, était à Paris avec la volonté de faire une percée sur le Vieux Continent grâce à son gin boréal. Les deux cofondateurs de la Distillerie Saint-Laurent, Jean-François Cloutier et Joël Pelletier, participaient pour leur part au salon international des vins et spiritueux Prowein, en Allemagne. Près de 5 % des 68 000 bouteilles de gin aux algues produites par cette entreprise de Rimouski se vendent déjà en France, en Suisse et en Allemagne.

Un approvisionnement en plein débat

La microbrasserie distillerie et Champ Libre, à Mercier, prévoit offrir un tout nouveau gin dès l'automne 2018, entièrement composé de matières québécoises, soutient le président Alexandre Provost. « Ce luxe de pouvoir offrir un produit 100 % québécois n'est pas à la portée de tous les microdistillateurs », souligne toutefois Jean-Patrick Laflamme, vice-président des affaires publiques du Conseil de la transformation alimentaire du Québec (CTAQ).

Il en coûte actuellement entre 15 $ et 20 $ le litre à un distillateur artisanal qui veut produire de l'alcool neutre, soit la matière essentielle pour la fabrication de gin et de vodka. Pour accéder plus facilement au marché et limiter les coûts de production, la plupart des microdistilleries s'approvisionnent auprès du fabricant ontarien Greenfield Global, qui dispose d'un centre de distribution à Boucherville et vend son litre d'alcool neutre entre 2 $ et 4 $ le litre. « Si j'avais eu à fabriquer moi-même cette matière première dès le lancement de mon entreprise, jamais je n'aurais pu me lancer en affaires », confie M. Bouchard.

Cette provenance de l'alcool fait tout de même sourciller certains microdistillateurs qui ont fait le pari d'être 100 % terroir. Selon Éric Lafrance, président de l'Association des distilleries artisanales du Québec, il est injuste que la SAQ regroupe tous les spiritueux embouteillés en sol québécois sous l'appellation Origine Québec. Depuis l'automne 2013, cet affichage met en évidence des alcools fabriqués au Québec. « Il y a confusion auprès de la clientèle convaincue qu'elle achète des produits 100 % terroirs alors qu'ils sont fabriqués à l'aide d'alcool qui vient de l'Ontario, des Antilles, ou encore de la Grande-Bretagne », s'offusque M. Lafrance.

Consciente de la situation, la SAQ nous indique qu'elle souhaite apporter des correctifs à cet affichage dès ce printemps.

La distillerie et les ingrédients d'ici

Actuellement, peu importe d'où provient l'alcool, il est parfaitement légal pour les distillateurs de revendiquer une fabrication québécoise ou canadienne. « Il s'agit d'une transformation alimentaire. Grâce à leurs recettes, ces distillateurs d'ici apportent une plus-value et de nouvelles propriétés intellectuelles à une matière première », explique Sylvain Charlebois, doyen de la Faculté en management de l'Université Dalhousie, en Nouvelle-Écosse.

Même discours au CTAQ. Qu'il s'agisse d'un spiritueux dont la recette repose sur un amalgame d'ingrédients, d'une distillerie équipée d'un alambic qui s'approvisionne en alcool neutre ou d'une procédure de fabrication 100 % québécoise, les spiritueux qui sont développés au Québec se distinguent à l'international », soutient Jean-Patrick Laflamme.

« Laissons donc à ces distillateurs prendre d'abord leur envol et obtenir leur contrôle de commercialisation au Québec », soutient M. Laflamme. Le CTAQ travaille d'ailleurs depuis deux ans pour que le gouvernement adopte une loi permettant la vente des spiritueux québécois au sein même des distilleries. « C'est, à notre avis, le principal enjeu », insiste-t-il.

Pour le moment les producteurs reçoivent entre 12 $ et 15 $ pour chaque bouteille qu'ils envoient sur les tablettes de la SAQ. Des bouteilles vendues au grand public entre 40 $ et 50 $. Pour chaque vente, le producteur reçoit 4 % du montant de la vente s'il fabrique son produit à l'aide d'un alcool neutre acheté auprès d'un tiers. Cette majoration grimpe à 14 % si le spiritueux est fabriqué 100 % à la distillerie. « L'Association des microdistilleries du Québec demande que les producteurs puissent vendre leurs produits sur place et obtenir 25 % du prix de la vente (les ventes demeurent tout de même sous le contrôle de la SAQ) pour subvenir à leurs frais d'exploitation.

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