Réussir en dehors des grands bureaux

Offert par Les Affaires


Édition du 17 Mai 2014

Réussir en dehors des grands bureaux

Offert par Les Affaires


Édition du 17 Mai 2014

Par Céline Gobert

En septembre 2013, après 12 ans en pratique privée, Emilie Germain-Villeneuve fait son entrée, à titre de conseillère juridique chez Bombardier Aéronautique. De stagiaire à associée chez Robinson Sheppard Shapiro, elle a observé le quotidien éreintant des femmes de 40 à 50 ans fait de quota d'heures à facturer et de la pression qui accompagne cette obligation. « C'était un rythme de vie que je n'étais pas capable d'assumer. J'ai mis dix ans à le comprendre ».

L’avocate a choisi de faire le saut en contentieux car elle ne voulait plus faire de litige. La responsabilité civile et le droit des assurances, domaine dans lequel elle exerçait, est une pratique de volumes, avec un horaire de procès chargé. « Je voulais me défaire de l'aspect confrontation constante que commande la pratique de litige, car cela n'était plus en accord avec mes aspirations», explique-t-elle.

Selon elle, le modèle de facturation des grands cabinets, parce qu'il exige un nombre d'heures facturées qui ne se conjugue pas avec une vie de famille équilibrée, bloque l’ascension des femmes voire les force parfois à laisser tomber leur profession : « Il faut performer, c’est à dire maintenir et développer une clientèle, réaliser un certain nombre d’heures facturables, superviser les plus jeunes recrues. »

Pourtant, pour les 12 648 femmes inscrites au Barreau du Québec, il existe des carrières à ne pas négliger en dehors des grandes firmes, que ce soit en solo ou en contentieux, indique Fanie Pelletier, conseillère à l'équité.

« N'oubliez pas que vous vous dirigez vers une profession libérale, qui devrait vous donner un contrôle sur votre vie », rappelle-t-elle aux 60% de femmes qui constituent les étudiants en droit.

Car devenir associé au sein d’un grand cabinet prend du temps. « Consacrer tant d'heures facturables à son travail est un choix de vie : il existe des carrières alternatives, ce n'est pas un but en soi », confirme Me Julie Lessard, associée chez BCF.

À 42 ans, celle qui fut citée comme « étoile montante » au Canada en 2010 parmi les avocats de moins de 40 ans par Lexpert, une publication canadienne spécialisée en droit, a développé un mode de facturation alternatif sur la base d'ententes forfaitaires et non à taux horaire. Elle estime toutefois la différence avec les taux appliqués en corporatif à environ 20%. Ce mode de facturation l'a notamment poussée à développer les technologies pour supporter une telle offre de services. « C'est un choix que j’ai fait en toute connaissance de cause, parce que j'aime ce que je fais », indique l’avocate qui se spécialise en droit de l'immigration.

Ce qui la passionne dans son travail, c'est la possibilité de travailler avec des entreprises et des personnes de tous pays et tous secteurs d'activités tels que l'industrie manufacturière, l'industrie des services, les technologies de l'information, ou encore les sports et les arts.

« C'est une chance que de pouvoir discuter d'un projet d'expansion à l'étranger avec une société d'ici ou recevoir un nouvel arrivant au Canada, riche d'une expérience et d'un savoir différents, dit-elle. Cela nous pousse aussi à voir notre propre pays autrement et à le revisiter à chaque rencontre ».

Pour Johanne Brodeur, cinquième femme bâtonnière du Québec, la question de la conciliation famille/travail est un faux problème issu d'une transformation des valeurs sociales. « Est-ce que la gratification et le bonheur d’avoir des enfants ne dépassent pas les sacrifices professionnels qu'il faut faire ? » avance-t-elle.

Les femmes avocates vont souvent choisir une meilleure qualité de vie au détriment d'un salaire plus élevé. Ce choix, il faut l'assumer pleinement, estime la bâtonnière, mère de deux enfants. « Moi-même, je trouve cela plus gratifiant de travailler auprès de jeunes que pour une corporation », ajoute celle qui a, entre autres, siégé l'année dernière comme lieutenant-gouverneur dans le cadre de la 64ème édition de l'événement Parlement Jeunesse, qui permet à des jeunes d'appréhender l'espace législatif.

Statistiquement, les femmes ont tendance à se tourner vers des secteurs moins payants, tels que le droit de la famille, de la jeunesse ou de la propriété intellectuelle. Les inégalités salariales entre avocats et avocates ne viendraient ainsi pas d'une discrimination des premiers envers les secondes, mais seraient la conséquence directe du choix des femmes.

Julie Lessard confirme : BCF applique une « rémunération sans genre ». Elle-même a engagé 17 femmes dans son équipe de 20 personnes, non pas par solidarité féminine mais parce qu'elles avaient les compétences nécessaires. Et certaines d’entre elles étaient enceintes au moment de l'embauche. «

Il est important que les femmes avocates expriment ces exigences afin que cela conduise les firmes à procéder aux ajustements nécessaires », estime l'associée de BCF qui se réjouit de l'essor des regroupements féminins qui vont dans ce sens.

 

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