«Le FNB Bitcoin au comptant ne sert pas les intérêts du public»

Publié le 15/01/2024 à 14:41

«Le FNB Bitcoin au comptant ne sert pas les intérêts du public»

Publié le 15/01/2024 à 14:41

Par François Remy

(Illustration: Camille Charbonneau)

LES CLÉS DE LA CRYPTO. Après quinze années d’existence décriée par l’autorité des marchés financiers, le bitcoin se voit donc promu au rang officiel d’actif sous-jacent d’un fonds négocié en bourse (FNB) aux États-Unis. Un moment critique à plus d’un sens.

«Bien que nous ayons approuvé aujourd’hui la cotation et la négociation de certains FNB Bitcoin au comptant, nous n’avons ni approuvé ni soutenu le bitcoin», a objecté moralement le 10 janvier dernier Gary Gensler, le président de la Securities and Exchange Commission (SEC), l’autorité des marchés financiers américaine. Autrement dit, même si le gendarme boursier a reconnu un titre non financier, le bitcoin, comme sous-jacent d’un fonds, circulez, il n’y aurait rien à voir. L’approbation exceptionnelle ne signifie pas que la SEC veut établir des normes pour les crypo actifs ni que son point de vue légal change sur les autres monnaies numériques.

Loin de cette bureaucratie revancharde, le temps était évidemment à la fête chez les promoteurs de ces FNB. Non sans une bonne dose de rivalité, le feu vert donné par l’autorité ne marquant guère l’entame d’une saison de trêve, mais bien une course aux clients. «Nous célébrons les bâtisseurs de Bitcoin pas les touristes», a ainsi voulu se démarquer Jan van Eck, PDG du gestionnaire d’actifs homonyme (fondé par son père), appelant les investisseurs à considérer «l’implication» des vendeurs de FNB.

 

Quand il était illégal d’investir dans des lingots d’or

Une jauge permettant à la société d’investissements de remémorer qu’elle plaide depuis 2017 pour ce fameux FNB Bitcoin au comptant et a redoublé d’efforts en éducation de marché, analyses et autres. Jan van Eck estime «comprendre parfaitement» que les investisseurs aient besoin d’une couverture dans leurs portefeuilles pour quand «les gouvernements perdront le contrôle de la masse monétaire».

Le patron s’autorise d’ailleurs un comparatif historique personnel. «Lorsque les dépenses américaines étaient hors de contrôle dans les années 1960, mon père a lancé le premier fonds négocié sur l’or aux États-Unis, alors que le dollar était étalonné sur l’or depuis environ 190 ans. À l’époque, il était illégal d’investir dans des lingots d’or. Trois ans plus tard, l’arrimage s’est rompu», épingle Jan van Eck.

Et d’ajouter : «Nous n’avons pas dénigré le concept de logiciel libre décentralisé. Le bitcoin et la technologie blockchain sont des biens publics. C’est pourquoi nous reversons 5% de nos bénéfices aux développeurs de Bitcoin». Une démonstration de vertu peu subtile pour démériter une concurrence qui surferait de façon bassement opportuniste sur l’intérêt pour le bitcoin pour piéger une nouvelle clientèle avec des frais plus élevés.

 

«Bitcoin n’était-il pas supposé remédier à tout cela ?»

Les investisseurs individuels qui souhaitaient s’exposer au bitcoin n’ont pas dû attendre patiemment à l’intervention prétendument chevaleresque des BlackRock, VanEck et autres géants de la finance classique. Depuis la mise en route du réseau Bitcoin en janvier 2009, quiconque voulait en obtenir pouvait rejoindre ce système d’argent électronique en pair à pair. «Alors pourquoi dépense-t-on tant d’énergie pour la relier au système financier existant», a judicieusement fait remarquer Caroline A. Crenshaw, commissaire à la SEC.

Cette dernière a partagé ses inquiétudes légitimes sur les effets pervers de ce nouveau FNB Bitcoin. «Je crains que nos actions d’aujourd’hui ne permettent pas aux investisseurs d’accéder à de nouveaux investissements, mais plutôt aux investissements eux-mêmes d’accéder à de nouveaux investisseurs afin de soutenir leur prix. Bien que cela soit dans l’intérêt des promoteurs des produits négociés en bourse, ainsi que des cabinets d’avocats et des prestataires de services qui seront payés par eux, mon devoir est de prendre en considération les investisseurs, les marchés et le public, dont je ne pense pas que les intérêts globaux soient bien servis aujourd’hui», a-t-elle assuré.

La commissaire américaine avoue ne pouvoir qu’adhérer aux idéaux de liberté et de prospérité d’un livre blanc comme celui de Satoshi Nakamoto. Elle soutient les objectifs de l’écosystème crypto, à savoir la désintermédiation du système financier, la bancarisation des non-bancarisés. «Mais lorsque je regarde des produits comme ceux qui font l’objet de l’approbation d’aujourd’hui, je me pose une question simple : le bitcoin n’était-il pas censé résoudre ce problème? Si la technologie est si révolutionnaire, pourquoi tant de ses utilisations semblent-elles tourner autour de la recréation du système financier existant? ».

 

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