Accord économique Canada-Union européenne : espoirs et patience

Offert par Les Affaires


Édition du 25 Mars 2017

Accord économique Canada-Union européenne : espoirs et patience

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Édition du 25 Mars 2017

Par Pierre Théroux

Justin Trudeau s’est rendu en Europe en février pour ratifier l’AECG.

L'entreprise québécoise Labplas est présente en Europe depuis ses débuts, il y a 30 ans. Cependant, l'entrée en vigueur de l'Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l'Union européenne lui ouvrira davantage les portes d'un marché qui génère près de 30 % de ses revenus.

L'abolition de la taxe de 6,5 % sur ses produits lui procurera «un avantage concurrentiel sur notre compétiteur américain qui fait des affaires en Europe», se réjouit Benoit Brouillette, directeur général de cette entreprise spécialisée dans la fabrication de produits d'échantillonnage stériles aux fins d'analyse pour les marchés agroalimentaire, pharmaceutique et vétérinaire.

L'AECG suscite beaucoup d'espoirs parmi les exportateurs québécois, qui profiteront d'un meilleur accès à un marché de 500 millions d'habitants répartis dans 28 pays (bientôt 27 avec le retrait du Royaume-Uni). «On sent un intérêt accru, surtout depuis l'élection de Donald Trump et le climat d'incertitude aux États-Unis», constate Carole Doussin, conseillère à l'exportation de l'organisme de promotion à l'exportation Innov & Export PME. D'autant que cette entente rend «une foule de produits encore plus concurrentiels sur le marché européen», ajoute Micheline Dessureault, avocate et directrice du service des affaires internationales du cabinet Jolicoeur Lacasse.

Le gouvernement du Québec prévoit des retombées annuelles additionnelles d'environ 2,2 milliards de dollars en ce qui a trait au PIB et la création de 16 000 emplois. En 2015, la valeur des exportations québécoises vers l'Union européenne, déjà son deuxième marché d'exportation, s'élevait à 9,1 G$. Les cinq principaux partenaires économiques du Québec sont l'Allemagne, le Royaume-Uni, la France, les Pays-Bas et l'Italie, qui représentent près de 75 % du commerce entre le Québec et l'UE.

L'AECG est d'autant plus attrayant qu'il permet aussi d'avoir accès aux marchés publics de l'UE, évalués à 3 300 G$ annuellement.

Les entreprises qui mettront les pieds en Europe pour la première fois devront toutefois être patientes. «Il ne faut pas tenir pour acquis qu'un produit qui respecte les normes québécoises aura le même sceau d'approbation en Europe», rappelle Jean Thibodeau, expert en exigences normatives à l'exportation au Centre de recherche industrielle du Québec (CRIQ).

Certaines entreprises devront obtenir le marquage CE, un passeport pour la libre circulation des produits sur l'ensemble de ce marché. De 75 % à 80 % des produits manufacturés sont soumis à cette procédure certifiant qu'un produit répond aux exigences de l'UE en matière environnementale, de sécurité et de protection de la santé avant d'être mis sur le marché.

«Le marquage CE est obligatoire pour une vingtaine de catégories de produits, notamment les articles électroniques, les dispositifs médicaux et les produits de construction», précise Jean Thibodeau.

Certaines inspections de produits québécois devaient obligatoirement se faire en Europe. Or, l'AECG permet dorénavant de faire évaluer ici, par des organismes québécois de certification, la conformité aux normes européennes de certains produits. Un avantage qui «réduira considérablement les coûts et les délais pour les entreprises du Québec», estime M. Thibodeau.

Les Européens sont aussi plus sensibles aux questions environnementales. Pour plusieurs produits de consommation, «les entreprises devront en faire la conception en tenant compte de leur démantèlement en fin de vie utile», prévient Carole Doussin.

Les entreprises devront également «s'assurer que l'étiquetage et l'emballage des produits respectent les normes de l'UE», souligne Geneviève Gagné, avocate et spécialiste en arbitrage commercial international du cabinet Jolicoeur Lacasse. Seuls les produits originaires du Canada pourront bénéficier des préférences tarifaires. «Les entreprises devront bien documenter l'origine de leurs produits pour éviter de mauvaises surprises», précise-t-elle.

Un produit sera considéré comme «originaire» s'il a été entièrement obtenu au Canada (ressources naturelles, légumes ou poissons, par exemple), produit sur le territoire canadien uniquement à partir de matières originaires ou suffisamment transformé au Canada.

Des dérogations sont prévues pour certains produits incorporant une proportion élevée d'intrants importés. Elles touchent les automobiles, les produits de la mer, les aliments transformés, les textiles et vêtements ou encore les chocolats et produits de confiserie.

Enfin, avec ses 28 pays, l'Union européenne regroupe 24 langues officielles, rappelle Carole Doussin. «Il ne s'agit pas seulement de produire des documents en français et en anglais», fait-elle valoir.

Élimination de la quasi-totalité des droits de douane

Dès l'entrée en vigueur de l'AECG, l'Union européenne supprimera les franchises de droits sur 98 % de ses lignes tarifaires sur les produits canadiens, comparativement à 25 % auparavant.

Pour certains produits, principalement ceux de l'agriculture, de la mer, des industries alimentaires et des véhicules de transport, la suppression des droits de douane s'appliquera progressivement au cours d'une période de transition allant jusqu'à sept ans. À terme, 99 % des lignes tarifaires de l'UE seront exemptes de droits.

Ainsi, 95 % des lignes tarifaires agricoles de l'UE applicables aux marchandises canadiennes seront exemptes de droits, comparativement à 18,2 % actuellement. Plusieurs produits québécois, dont le sirop d'érable (tarif actuel de 8 %), les jus de fruits (en moyenne 18 %), le jus de canneberge (14 %) et les préparations alimentaires (12 % et plus), seront avantagés. De même que les petits fruits, dont les droits tarifaires pouvaient atteindre 17,6 % pour les canneberges (séchées, sucrées), 12 % pour les bleuets congelés ou encore 24 % pour les confitures et gelées.

Le Québec, premier exportateur canadien de viande de porc, profitera d'un contingent supplémentaire de 75 000 tonnes sans droits de douane, qui sera alloué au Canada. Les tarifs douaniers sur les produits transformés du porc seront éliminés. L'UE accordera aussi un contingent tarifaire de 50 000 tonnes de boeuf et de veau.

De plus, 95,5 % des lignes tarifaires européennes liées aux produits de la mer seront en franchise de droits dès l'entrée en vigueur de l'accord. À terme, toutes les exportations de produits marins du Québec vers l'UE entreront sans droits de douane. Les droits actuels de l'UE appliqués au poisson et aux fruits de mer sont de 11 % en moyenne et peuvent atteindre 25 %.

Les crevettes congelées (12 %), le homard vivant (8 %) et la morue salée et séchée (13 %) bénéficieront d'une libéralisation tarifaire immédiate. Les droits de douane sur le homard surgelé (6 %) ou transformé (20 %) seront éliminés progressivement sur trois et cinq ans.

La suppression des droits de douane sur les véhicules motorisés légers pour le transport de marchandises (droits de douane actuels jusqu'à 22 %), les véhicules motorisés pour plus de 10 personnes (jusqu'à 16 %) et les véhicules motorisés pour le transport de passagers (jusqu'à 10 %) s'échelonnera sur une période de trois, de cinq et et de sept ans respectivement.

À terme, tous les produits industriels échangés entre le Canada et l'UE le seront sans droits de douane.

L'AECG prévoit un mécanisme de règlement des différends, inspiré de celui prévu à l'Organisation mondiale du commerce, qui permettra à des tiers indépendants de trancher en cas de désaccord sur l'interprétation ou l'application de l'accord. Les recours commerciaux et ceux portant sur la concurrence, l'environnement, le travail et les subventions sont toutefois exclus en totalité ou en partie.

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