Place à la virtualisation des cérémonies funèbres


Édition du 28 Octobre 2020

Place à la virtualisation des cérémonies funèbres


Édition du 28 Octobre 2020

Seuls les proches immédiats du défunts ont désormais droit d'assister aux cérémonies. (Photo: 123RF)

INDUSTRIE FUNÉRAIRE. Au cimetière du Père-Lachaise, à Paris, des cérémonies funéraires retransmises en direct sur Internet depuis au moins 2012. En Corée du Sud, une mère endeuillée a eu l’occasion plus tôt cette année de dire un dernier adieu à sa fillette, décédée d’une maladie incurable, grâce à la réalité virtuelle. Au Québec, en revanche, ces innovations viennent tout juste de s’implanter. Et cela peut être attribué à la pandémie.

La Coopérative funéraire J.N. Donais offre depuis quelques années un service de cérémonies funéraires virtuelles aux familles endeuillées de la région de Drummondville. C’est toutefois vraiment dans les derniers mois que celui-ci a gagné en popularité. Les caméras, micros et autres outils de captation installés à grands frais en 2017 permettent à l’entourage élargi d’assister virtuellement aux funérailles. Faute de pouvoir s’y rendre, les gens visionnent la cérémonie par Internet, dans le confort de leur foyer. La célébration intimiste – seuls les parents proches du défunt peuvent y assister, dû aux interdictions de rassemblements intérieurs – peut être regardée en direct ou en différé.

« Certaines cérémonies ont été vues à plus de 2000 reprises le printemps dernier. C’est très bénéfique pour les familles ; au lieu de reporter les obsèques indéfiniment et de mettre sur pause leur deuil, elles peuvent aller de l’avant et poursuivre leur cheminement », explique Andrée Donais, directrice générale de la Coopérative funéraire J.N. Donais.

De fait, la quasi-totalité des familles éplorées opte pour la cérémonie funéraire virtuelle depuis la mise sur pause du Québec, à la mi-mars. « Des familles ont même manifesté leur volonté d’exposer le corps de l’être cher de manière virtuelle, une demande à laquelle nous avons répondu favorablement. Je ne pensais jamais voir ça de mon vivant », avoue la femme d’affaires.

COVID-19 oblige, la Coopérative funéraire J.N. Donais n’est pas la seule entreprise funéraire québécoise à s’être engagée de plain-pied dans la virtualisation de ses services. Le groupe Alfred Dallaire Memoria a ajouté aux avis de décès un hyperlien vers les funérailles captées sur webcam. Chez Urgel Bourgie, de nombreuses caméras ont été déployées dans toutes les salles des salons funéraires.

Le Québec, conservateur?
Si ces « innovations » semblent bien dérisoires, c’est qu’elles le sont. Du moins, en comparaison avec ce qui se fait ailleurs sur la planète. « Le Québec accuse un retard quant à l’utilisation des nouvelles technologies » dans le domaine funéraire, confirme Gil Labescat, chercheur en innovation sociale à l’Institut de recherche sur l’intégration professionnelle des immigrants (IRIPI), du Collège de Maisonneuve. « Cela s’explique notamment par son contexte sociohistorique ; la province a gardé un fort attachement aux formes traditionnelles de rites et cérémonies funéraires qu’il a gardés en héritage de son passé confessionnel », ajoute celui qui a réalisé une analyse comparative entre deux complexes funéraires, l’un à Strasbourg et l’autre à Montréal, dans le cadre de sa thèse sur la transformation des rituels funéraires, publiée en 2017.

Malgré la sécularisation de l’économie du sacré dans la foulée de la Révolution tranquille, l’industrie funéraire québécoise demeure un milieu d’entreprises familiales aux valeurs assez conservatrices, où l’innovation est notoirement difficile, explique Gil Labescat. Les bouleversements occasionnés par la crise sanitaire de la COVID-19 y ont donc eu un effet accélérateur.

« Les moyens techniques existaient déjà ; l’incitatif à y injecter du sens collectif, non, analyse le socioanthropologue. La pandémie force une révision en profondeur des moyens d’expression de la tristesse, qui ne sont pas rigides. » Selon lui, la virtualisation est une tendance lourde qui est là pour demeurer, « surtout sous des formes hybrides ».

Testament virtuel
Parlez-en à Marie-Ève Chamberland, présidente et directrice générale d’Un cadeau du ciel, qui offre un héritage affectif aux gens qui perdent un être cher. Les personnes qui souscrivent à ses services enregistrent de leur vivant un message qui sera transmis à leurs proches après leur mort, conformément à leurs souhaits. Un véritable testament virtuel, en somme.

« Cela ajoute une note plus humaine au processus de deuil. Il faut nous voir comme un complément à l’offre actuelle », indique celle dont la jeune pousse a reçu le prix coup de cœur du public lors de la plus récente édition du Défi Start-up Les Affaires.

Avec la COVID-19, le concept d’Un cadeau du ciel trouve une résonance inédite auprès des nombreuses familles endeuillées du Québec. Cela s’explique par la prise de conscience collective de la finitude de la vie. De même que par celle de l’importance d’un dernier au revoir significatif dans un parcours de fin de vie caractérisé par la solitude, entre autres dans les CHSLD.

« Des clients aussi bien individuels qu’institutionnels, comme la Coopérative funéraire des Deux Rives et le Groupe Garneau, sont intéressés par nos services. Ceci étant dit, notre priorité demeure de faire du bien. Les Québécois sont disposés à pleurer leur mort de manière novatrice, mais il faut que cela soit bien fait », conclut Marie-Ève Chamberland.

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