La facture de l’enneigement écoresponsable


Édition du 23 Novembre 2022

La facture de l’enneigement écoresponsable


Édition du 23 Novembre 2022

Par Claudine Hébert

L’automatisation d’une seule piste peut coûter facilement plus de 1 million de dollars. (Photo: 123RF)

INDUSTRIE DU SKI. Les changements climatiques forcent les stations de ski à se doter de canons à neige plus efficaces. Or, jusqu’à quel point ces investissements majeurs pour déjouer les frasques de l’hiver sont-ils écoresponsables? La réponse n’est pas aussi blanche que les flocons fabriqués.

Dans un monde idéal, toutes les stations qui recourent à une artillerie d’enneigement mécanique devraient bénéficier de système automatisé. C’est du moins ce qu’affirme Martin LaRichelière, directeur des ventes à HKD Snowmakers, à Boischatel. « Utilisés depuis une vingtaine d’années par les grands domaines skiables européens, ces perches et canons fixes, alimentés par des conduits souterrains et un démarrage à distance, ont l’avantage de produire de la neige quatre fois plus rapidement que la méthode manuelle », dit-il.

Il cite en exemple le nouveau système installé l’an dernier sur la piste La Petite-Rivière au Massif de Charlevoix. « Grâce à l’automatisation, cette piste peut désormais être enneigée en moins de trois jours. Un processus qui, dans le passé, pouvait nécessiter jusqu’à deux semaines de travail, note-t-il. Un gain de temps précieux alors que la main-d’œuvre se fait rare », explique cet expert qui cumule plus de 20 ans d’expérience en enneigement mécanique.

Cette technologie 4.0 a aussi l’avantage de réduire d’au moins 20 % la consommation d’eau, en plus d’en limiter les pertes. Surtout, insiste-t-il, elle permet aux stations souhaitant bénéficier des tarifs réduits d’Hydro-Québec de pouvoir être flexibles et de stopper instantanément la production de neige lors des périodes de grande consommation. « Cette économie d’énergie peut aisément faire diminuer d’au moins 25 % la facture hydroélectrique. Un facteur non négligeable sachant que la consommation liée à la production de neige représente, en moyenne, près de 10 % du coût des opérations d’une station », explique Martin LaRichelière.

 

Une techno qui coûte cher

Or, seulement une poignée de stations de la province ont entamé le virage technologique. « C’est que l’automatisation coûte cher, très cher », soulève le vice-président et directeur général de Bromont, montagne d’expériences, Claude Péloquin. L’automatisation d’une seule piste, avise-t-il, peut coûter facilement plus de 1 million de dollars (M$). Le gestionnaire parle en connaissance de cause. Afin d’automatiser le système d’enneigement des pistes Coupe du monde et Knowlton, la station bromontoise a déboursé 3 M$ pour l’achat de canons ventilateurs fixes, l’aménagement de conduits souterrains et autres équipements permettant de gérer l’enneigement à distance. Cet investissement, dit-il, s’inscrit dans les efforts de la station qui est sur le point de divulguer sa charte en développement durable.

« Nous avons accès à la technologie pour améliorer nos pratiques en développement durable. Mais procéder à l’automatisation complète, voire partielle d’un grand domaine skiable au Québec représente des sommes énormes que peu d’organisations, même la nôtre, peuvent actuellement se permettre », maintient le gestionnaire de la station bromontoise.

Propos que partage Michel Couture, président et directeur général de la station Ski Saint-Bruno. Depuis déjà 15 ans que le propriétaire de la station visible du centre-ville de Montréal évalue l’option de l’enneigement automatique. Malgré les vertus de cette technologie, cette option ne s’avère malheureusement pas rentable pour une petite station comme la sienne, dont tous les canons peuvent être activités manuellement en moins de 30 minutes. Le gestionnaire soutient que le rendement de l’investissement excéderait largement une période de 15 ans. « À mes yeux, cette technologie est comparable à une Ferrari. C’est ultraperformant, mais ça demande une maintenance beaucoup plus accrue. Et tout comme le bolide de course qui résiste mal aux nids de poule, ces canons sont fragiles. Si l’eau contient trop d’impureté, le canon bloque », admet-il.

 

Approvisionnement d’eau

En revanche, Michel Couture soutient que l’arsenal de sa station est approvisionné par un bassin de rétention contenant plus de 75 000 mètres cubes d’eau, soit l’équivalent du volume de 19 piscines olympiques. Aménagé au pied de la montagne, cet étang artificiel récupère le ruissellement de la fonte des neiges chaque printemps. « Grâce à cette ressource, nous pouvons enneiger 80 % du domaine. La station dispose également d’une entente avec la carrière voisine pour récupérer l’eau qui s’y accumule chaque année », indique le gestionnaire.

Des infrastructures dont très peu de stations ont le privilège de bénéficier dans leur cour. La majorité s’approvisionne directement à partir des affluents (ruisseaux, rivières et lacs) situés à proximité des pentes, souligne Martin LaRichelière. Des bassins, précise-t-il, qui existent déjà dans plusieurs grands domaines ailleurs sur la planète.

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