Renégociation de l'ALÉNA : avancer malgré l'incertitude

Offert par Les Affaires


Édition du 24 Mars 2018

Renégociation de l'ALÉNA : avancer malgré l'incertitude

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Édition du 24 Mars 2018

Si la prudence est de mise, les fabricants et les designers de meubles d’ici n’arrêtent pas pour autant d’avancer : l’incertitude donne l’impulsion d’innover. [Photo : 123RF]

Pour Jean-François Nolin, l'incertitude donne l'impulsion d'innover. C'est ce qui l'a poussé à réinventer les meubles Huppé quand il en a fait l'acquisition en 2010. Et c'est la raison pour laquelle il prévoit investir 750 000 $ en 2018 pour augmenter sa capacité de production, et ce, malgré les questionnements qui planent sur l'avenir de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA).

« Quand j'ai acheté l'entreprise, on était comme toutes les autres qui faisaient faillite. On se battait sur les prix et sur le volume, se rappelle l'ancien banquier aujourd'hui président et directeur du développement des affaires. On a donc décidé d'effectuer un virage à 180 degrés pour se distinguer de la concurrence. » Ainsi, Huppé a ajouté différentes collections à son catalogue, permettant d'habiller toutes les pièces de la maison. « On est unique en Amérique du Nord, puisqu'on propose toutes les gammes de meubles, pour la chambre, la cuisine, le salon, etc. »

Mais c'est surtout en repêchant des designers jusqu'en Italie que la PME, fondée en 1967, a construit sa niche : du mobilier contemporain haut de gamme qui constitue une solution de rechange à l'importation européenne. Un créneau qui fonctionne, puisque les tables, lits et autres produits signés Huppé se vendent dans quelque 250 magasins en Amérique du Nord, principalement aux États-Unis.

M. Nolin prévoit aussi agrandir une de ses trois usines, ce qui lui permettra d'augmenter sa capacité de production de 40 % en 2018. « On a décidé d'aller de l'avant malgré l'incertitude autour de l'ALÉNA parce que actuellement, les conditions économiques chez les consommateurs sont parfaites, tant au Canada qu'aux États-Unis. Toutefois, si on revenait à des barrières tarifaires de plus de 9 %, comme c'était le cas avant l'accord, on pourrait perdre un pourcentage assez élevé de nos parts de marché. »

Malgré tout, le président a décidé de prendre ce risque, puisque de nouveaux horizons se sont ouverts à l'entreprise qui compte 90 employés. « Notre niche a fini par payer et nous permettre d'entrer dans deux magasins de luxe en Chine, dont l'un qui a totalement reproduit notre salle de démonstration américaine dans une tour à Shanghaï, un espace équivalent à 3 000 pieds carrés. » En fait, Huppé profite d'un contexte où la Chine ouvre ses frontières à l'importation, ayant diminué ses barrières tarifaires et sa taxe de luxe au cours des derniers mois, analyse M. Nolin. « Ils se rendent bien compte qu'ils ne peuvent plus tout produire sur place, car ils manquent de ressources et c'est difficile du point de vue environnemental. Nous sommes donc arrivés au bon moment. »

Une occasion qui, espère le président, le mènera loin alors que les détaillants asiatiques ont investi beaucoup pour faire connaître Huppé dans leur pays. L'entrepreneur lorgne également du côté d'autres territoires, comme la Corée du Sud. « Nous aimerions développer un marché assez important pour que, si jamais il y avait une baisse de 10 % de nos revenus aux États-Unis, par exemple, on puisse compenser les pertes. »

Des exportations tournées vers les États-Unis

Toutefois, l'histoire de Huppé, constitue plutôt l'exception qui confirme la règle. Dans les faits, rares sont les meubles québécois qui voyagent aussi loin. En 2016, 96 % des exportations de l'industrie du meuble québécois étaient destinées au marché américain, soit l'équivalent de 1,1 milliard de dollars, selon les données compilées par le ministère de l'Économie, de la Science et de l'Innovation. En Chine, ce pourcentage chute à... 0,19 %, soit un montant dépassant à peine les deux millions de dollars. En effet, les normes différentes, les délais de livraison et les coûts de transport rendent plus difficile l'exportation de mobilier en dehors de l'Amérique du Nord, analyse Pierre Richard, PDG de l'Association des fabricants de meubles du Québec (AFMQ).

Ainsi, la renégociation de l'ALÉNA aura un impact certain sur les manufacturiers de meuble québécois. « En 1993, avant la signature de l'accord, les exportations de meubles canadiens vers les États-Unis représentaient 2 G$, pour atteindre 7,3 G$ en 2000 », affirme M. Richard. Entre 2000 et 2009, l'industrie a perdu beaucoup à cause de l'arrivée massive de mobilier asiatique à bas prix sur les marchés, combiné à la hausse de la valeur du huard. « On a donc assisté à une décroissance jusqu'en 2009, puis à une remontée à partir de 2012, poursuit-il. En 2016, ce nombre représentait 5,7 G$ et devrait encore grimper en 2017. »

Pas étonnant que la Business and Institutional Furniture Manufacturers Association, un organisme sans but lucratif regroupant 250 manufacturiers nord-américains de mobilier commercial et institutionnel qui expédient entre 15 G$ et 17 G$ par année, se soit prononcée pour la libre-circulation des biens, explique le président du conseil d'administration et président de Groupe Lacasse, Sylvain Garneau.

Ainsi, pas de doute, un retour à des barrières tarifaires élevées ferait mal à l'industrie et à ses 1 300 places d'affaires réparties dans les différentes régions de la province. Toutefois, M. Richard se montre confiant. « Pour le moment, on ne connaît pas quelles seraient les futures règles du jeu. Si on impose une hausse sous les 10 %, on peut continuer à être compétitif. Mais pas de 200 % comme nous avons vu dans le cas de Bombardier. » De plus, même si les négociations achoppaient, cela ne signifierait pas la mort de l'ALÉNA pour autant, ajoute-t-il. « Il y a tout un processus pour y mettre fin et le Congrès doit y participer. »

Sans compter que ce sont les consommateurs américains qui risquent d'en pâtir le plus si les prix gonflent, estime pour sa part Christian Galarneau, directeur général et coordonnateur du Comité sectoriel de main-d'oeuvre des industries des portes et fenêtres, du meuble et des armoires de cuisine. « Actuellement, le taux de chômage est très bas, si bien que les entreprises américaines auraient du mal à recruter pour augmenter la cadence de production pour remplir la demande. » Ce qui pourrait susciter une levée de boucliers au bénéfice de ce secteur.

Si la prudence est de mise, les entreprises n'arrêtent pas pour autant d'avancer, comme le montre l'exemple de Huppé. « Bien entendu, cela crée un climat d'incertitude. Mais ce que je vois chez nos membres, c'est plutôt une volonté d'aller de l'avant, de continuer à foncer », analyse M. Richard. Il faut dire que l'industrie du meuble n'en est pas à sa première tempête. « Chaque fois qu'on vit ce genre de situation, cela nous pousse à nous remettre en question », explique M. Nolin. Mais c'est ce qui permet de se réinventer, d'innover et de performer, croit-il.

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