Une entrevue avec Jean Chrétien

Offert par Les Affaires

Publié le 06/04/2001 à 14:04

Une entrevue avec Jean Chrétien

Offert par Les Affaires

Publié le 06/04/2001 à 14:04

Par Les Affaires
Jean Chrétien

(Photo: Gopmtl1 / CC)

IL Y A 20 ANS, LE SOMMET DES AMÉRIQUES. En juin 2001, le troisième Sommet des Amériques sera une rencontre cruciale pour le continent. Qu’est-ce que le Canada entend y faire valoir, et pourquoi? Le premier ministre Jean Chrétien a accepté de répondre aux questions de François Brousseau pour «Forces».

Forces: Si vous aviez à n’en nommer qu’un, quel est votre objectif principal et prioritaire au Sommet de Québec?

Jean Chrétien: Le Sommet de Québec consacrera le rapprochement du Canada avec l’hémisphère sud amorcé il y a une décennie lorsque nous nous sommes joints à l’Organisation des États américains (OÉA). À Québec, nous voulons également favoriser le progrès humain et le partage de la prospérité. Je suis conscient que de grands défis nous séparent de ce but, mais je suis convaincu qu’avec l’ensemble de mes collègues, nous saurons nous y attaquer de front avec la détermination que nous avons démontrée à Miami et à Santiago. L’écart entre les riches et les pauvres est trop grand, et cette réalité nuit à tous. De plus, dans la nouvelle économie, nous avons un défi supplémentaire: comment prévenir le «fossé numérique», l’élargissement des écarts entre riches et pauvres pouvant découler de la révolution de l’information. C’est pour cela qu’au Sommet nous allons parler de questions qui touchent tous nos citoyens: le renforcement de la démocratie, la réalisation du potentiel humain et la création d’une plus grande prospérité. Beaucoup de gens attribuent de graves problèmes aux puissants courants de la mondialisation économique et du changement technologique. Le Canada veut démontrer que nous pouvons modifier cette réalité à notre avantage.

Forces: Qu’est-ce que le Canada a apporté de particulier à ce Sommet?

Jean Chrétien: Tout d’abord, le Canada est reconnu dans l’hémisphère sud pour sa grande ouverture et sa transparence envers les différents groupes de la société participant à la vie publique. Nous croyons fermement que les diverses organisations de la société civile peuvent contribuer positivement au Sommet des Amériques. En préparant le Sommet, nous avons établi un dialogue continu avec une grande diversité d’organisations de la société civile au Canada. Nous avons participé à la mise en place de sites Internet pour permettre un échange continu d’informations. En tant qu’hôte du premier Sommet des Amériques du nouveau millénaire, le Canada veut promouvoir l’ouverture et la transparence, tout en permettant des échanges fructueux entre les chefs d’État et de gouvernement. Le Canada est également convaincu que le renforcement des institutions démocratiques et la promotion de la prospérité dans la nouvelle économie doivent aller de pair avec les mesures favorisant l’inclusion économique et sociale. Nous croyons aussi que la richesse de notre grande famille du continent réside dans notre diversité ethnique, culturelle, linguistique et religieuse.

Forces: Comment le changement de garde à la Maison-Blanche modifie-t-il votre relation avec Washington dans le cadre des Amériques?

Jean Chrétien: J’ai été le premier dirigeant à rendre visite au président Bush depuis son accession à la Maison-Blanche. Et son premier voyage à l’étranger a été au Mexique. Je crois que cela démontre que ses voisins des Amériques, tant au Nord qu’au Sud, seront très importants dans le cadre de la politique étrangère et de la politique économique de son administration. Nous partageons bon nombre des priorités et des préoccupations des États-Unis. Le président Bush accorde une grande importance au Sommet des Amériques. Il s’agira du premier événement international auquel il participera depuis son investiture.

Forces: Que répondez-vous aux cyniques qui disent que ces sommets ne sont pas à même d’infléchir les réalités économiques et sociales à l’heure de la mondialisation, parce que les gros acteurs économiques sont indépendants des politiques?

Jean Chrétien: Quoi qu’en disent ces détracteurs, la mondialisation a fait en sorte que la qualité de vie est bien meilleure aujourd’hui grâce à l’accroissement des liens et des contacts entre les nations. Il y a des liens clairs entre le bien-être et la prospérité des citoyens, la démocratie, le progrès social et la libéralisation des échanges. Nous sommes convaincus qu’une zone de libre-échange établissant des règles du jeu plus claires pour tout le monde est le meilleur moyen d’établir des liens à l’échelle du continent autant dans les grandes nations que dans les petites. Le Sommet des Amériques est le seul endroit où je peux rencontrer, dans un seul lieu, tous les autres chefs d’État et de gouvernement démocratiquement élus de notre continent, pour prendre des décisions et adopter des mesures relatives à des questions qui sont de la plus grande importance pour les citoyens des Amériques. Cette rencontre nous permet d’établir des liens personnels et d’échanger des idées pour faire avancer la cause de la démocratie et progresser nos échanges commerciaux.

Forces: Comment jugez-vous les protestataires qui, en particulier depuis Seattle, tentent de miner la crédibilité de ces Sommets?

Jean Chrétien: Écoutez, dans une société démocratique, la vigueur du débat démontre l’engagement réciproque entre les gouvernements et les individus. Les citoyens apportent une contribution importante à la société en participant à la vie publique, notamment dans les secteurs qui visent à renforcer la cohésion sociale et à réduire les inégalités. Les gouvernements peuvent aider à créer des environnements propices à l’égalité, à la sécurité et à un mieux-être économique pour tous. En sa qualité d’hôte du prochain Sommet des Amériques, le Canada a agi à deux niveaux. En premier lieu, dans le cadre de la préparation du Sommet, mes ministres et fonctionnaires ont rencontré à plusieurs reprises une grande diversité d’organisations de la société civile dans tout le Canada, en tenant des séances d’échange d’informations et en participant à des tables rondes ou à des conférences dans les universités et les associations communautaires. Ils ont notamment tenu des rencontres régulières avec les responsables du Sommet des peuples afin d’échanger avec eux sur nos objectifs et d’engager un dialogue. Le gouvernement du Canada appuie d’ailleurs financièrement le Sommet des peuples, qui se déroulera en avril à Québec juste avant le Sommet des Amériques, ainsi que beaucoup d’autres activités de groupes qui ne partagent pas nos points de vue. Pour moi, c’est cela la démocratie. Ensuite, le Canada a pris l’initiative d’inviter divers experts et représentants d’organisations de la société civile à des rencontres de la Commission spéciale de l’OÉA sur la gestion des sommets interaméricains. Ces rencontres permettent à la société civile d’être informée de la mise en œuvre des engagements des Sommets précédents et de faire connaître ses opinions à ce sujet ainsi que sur les préparatifs du prochain Sommet. Dans notre société, les mouvements de protestation constituent un moyen légitime d’exprimer des opinions. L’important est que la protestation se fasse sans violence et laisse à tous, y compris nous, les chefs élus, la liberté de se rencontrer. Je suis conscient des nombreuses préoccupations des gens de la Zone de libre-échange des Amériques (ZLÉA). Le processus de négociation est complexe en soi et requiert une certaine confidentialité permettant aux négociateurs d’explorer l’éventail des options sans compromettre ce processus. Le Canada, quant à lui, a cru important de partager ses positions de négociation avec les Canadiens et d’encourager d’autres pays à faire de même. Nous avons été le premier pays à faire preuve d’une telle ouverture.

Forces: Quels chefs d’État ou de gouvernement connaissez-vous déjà parmi la trentaine qui seront à Québec? Qui sont vos deux ou trois principaux alliés autour de la table?

Jean Chrétien: Seulement quatre d’entre nous ont participé au premier Sommet, celui de Miami, en 1994. Vingt et un nouveaux leaders qui seront à Québec n’étaient pas au dernier Sommet, celui de Santiago. Lors de ma tournée dans les Caraïbes et en Amérique centrale, j’ai rencontré la grande majorité des chefs de la région. J’ai également rencontré le nouveau président du Mexique en août dernier. Et vous savez que j’ai été le premier chef de gouvernement à rencontrer le nouveau président américain, George W. Bush, qui représente sans aucun doute le partenaire le plus important pour le Canada. Cette réalité constitue à la fois un défi et une belle occasion de poursuivre notre coopération continentale.

 

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