Les cerveaux québécois de l’IA

Offert par Les Affaires


Édition du 30 Septembre 2017

Les cerveaux québécois de l’IA

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Édition du 30 Septembre 2017

Par Denis Lalonde

(Photo: 123RF)

DOSSIER INTELLIGENCE ARTIFICIELLE - Le Québec compte des chercheurs universitaires de réputation internationale dans le monde de l'intelligence artificielle (IA). Qui sont-ils et à quoi travaillent-ils exactement ?

Yoshua Bengio : apprendre les relations de causes à effets aux ordinateurs

Université de Montréal, Institut des algorithmes d'apprentissage de Montréal (MILA), Element AI

Chercheur en apprentissage profond (deep learning) le plus en vue au Québec, peut-être au monde, Yoshua Bengio dirige le MILA, qui regroupe environ 200 personnes.

«Avec mes travaux, j'essaie d'aller au-delà des limites actuelles de ce qu'on est capable de faire avec la science. Quand on regarde les systèmes informatiques et le genre d'erreurs qu'ils font, on se rend compte que ça illustre une incompréhension de base de la nature ou du monde qui nous entoure», dit-il.

M. Bengio précise que son projet de recherche principal est de développer un cadre pour entraîner les ordinateurs de façon qu'ils comprennent mieux les relations entre les causes et les effets. «Ces travaux n'ont pas d'horizon précis. On travaille à des choses assez mathématiques et on ignore quand on va déboucher», dit-il.

Yoshua Bengio travaille aussi à trouver un nouveau bâtiment pour abriter le MILA, afin de regrouper en un même lieu les scientifiques en recherche fondamentale (comme les professeurs et les étudiants au doctorat), l'équipe qui fait les transferts technologiques, de même que les start-up et autres entreprises d'ici et d'ailleurs qui vont contribuer à l'écosystème. «On aura alors la possibilité de se voir plus facilement. Ce n'est pas encore approuvé, mais on espère qu'on va pouvoir finaliser les plans et signer le bail d'ici un an», dit-il.

Joëlle Pineau : apprendre aux machines à prendre des décisions

Université McGill, Reasoning and Learning Lab, FAIR

En plus de ses travaux à l'Université McGill, Joëlle Pineau a été nommée directrice du laboratoire montréalais du Facebook Artificial Intelligence Research (FAIR) le 15 septembre.

«Au niveau plus fondamental, je travaille surtout à des modèles mathématiques et à des algorithmes de prise de décision. Nous voulons apprendre aux machines à prendre des décisions en fonction de certains objectifs et contraintes. Ce sont des travaux assez généraux, alors les modèles qu'on développe doivent être utilisables pour plusieurs applications», explique-t-elle.

En complémentarité de ces modèles, Mme Pineau travaille depuis une dizaine d'années à la conception de fauteuils roulants intelligents. «Ça ressemble aux modèles utilisés pour la voiture autonome, mais ça demande évidemment beaucoup moins de ressources. Nous avons quelques prototypes à l'aide desquels nous avons effectué des tests avec des usagers», raconte-t-elle.

De plus, Mme Pineau effectue des travaux en intelligence artificielle dont l'objectif est d'aider à prévenir les crises d'épilepsie et d'offrir des traitements en santé mentale, ainsi que contre le cancer et le diabète. «Nous voulons savoir si nous pouvons améliorer notre capacité à proposer des traitements comportant une séquence de décisions, dans les cas où les interventions doivent être planifiées de façon stratégique», dit-elle. Ces travaux sont menés en collaboration avec l'Institut et hôpital neurologiques de Montréal et avec l'Institut universitaire en santé mentale Douglas, situé à Verdun.

Jonathan Gaudreault : usine 4.0 

Université Laval, De la forêt au client (FORAC), Consortium de recherche en ingénierie des systèmes industriels 4.0

Jonathan Gaudreault a été nommé, le 20 juillet, directeur du Consortium de recherche en ingénierie des systèmes industriels 4.0. «Ma carrière et mon groupe de recherche sont consacrés à l'utilisation de l'intelligence artificielle dans le secteur manufacturier, surtout avec le phénomène 4.0 dont on entend beaucoup parler en ce moment», raconte M. Gaudreault.

Le chercheur explique qu'une usine 4.0 se définit comme un établissement où tout peut être automatisé, de la commande à l'expédition.

Il précise que, dans certains cas, cette coordination peut être effectuée avec des technologies plus classiques, mais que, parfois, une telle planification demande l'usage de technologies plus poussées à base d'intelligence artificielle.

Dans le secteur des produits du bois, M. Gaudreault cite une technologie qui a récemment été transférée à l'industrie. «On a développé des algorithmes et des logiciels d'optimisation pour planifier de manière automatique l'étape du séchage du bois», dit-il.

Concrètement, cette étape prévoit l'assemblage de paquets de bois dans d'immenses séchoirs industriels pour que les matériaux puissent atteindre le taux d'humidité demandé par les clients.

Il ajoute qu'une planification sur trois semaines, qui prenait plusieurs heures ou plusieurs jours auparavant, peut aujourd'hui être effectuée en quelques minutes. M. Gaudreault soutient que la technologie est à ce jour utilisée dans une cinquantaine de séchoirs au Québec et en Ontario.

Froduald Kabanza : des jeux vidéo intelligents 

Université de Sherbrooke, Menya Solutions

Avec ses étudiants à la maîtrise et au doctorat, Froduald Kabanza mène des travaux dans le domaine des jeux vidéo. «Ces dernières années, on s'intéresse beaucoup au jeu de stratégie en temps réel StarCraft. L'idée est simplement d'avoir une IA qui pourrait battre des champions à ce jeu. On est très loin d'y parvenir, mais c'est facile à déployer et ça motive beaucoup les étudiants», dit-il.

De plus, il existe de nombreuses compétitions où les systèmes d'intelligence artificielle conçus un peu partout dans le monde peuvent s'affronter entre eux. «Je travaille à des algorithmes d'intelligence artificielle au niveau fondamental en ayant en tête des applications qui peuvent dépasser le cadre des jeux vidéo», explique M. Kabanza, un Rwandais d'origine qui a fait ses études universitaires à Liège.

Le professeur ajoute que StarCraft, au-delà de son aspect ludique, est beaucoup plus complexe qu'un jeu d'échecs ou de go. «Il y a de nombreuses unités à contrôler, de la coordination à faire et un élément tactique plus développé à utiliser, dit-il. Les algorithmes conçus pour jouer à StarCraft, ou plus récemment à StarCraft II, peuvent ensuite inspirer des travaux pour le développement d'applications militaires ou en aérospatiale. M. Kabanza, avec sa société Menya Solutions, a reçu des mandats de Recherche et développement pour la défense Canada et travaille aussi avec des sociétés comme MacDonald, Dettwiler and Associates (MDA) - l'entreprise qui a conçu le bras canadien -, Lockheed Martin Canada et CAE.

Doina Precup : des systèmes informatiques plus autonomes

Université McGill, Reasoning and Learning Lab

Doina Precup se spécialise en apprentissage automatique et en apprentissage par renforcement. «L'idée de ces méthodes est de faire des systèmes qui apprennent un peu comme le font les animaux, en recevant des récompenses ou des punitions s'ils donnent ou non de bonnes réponses», dit-elle.

La chercheuse précise que ses travaux ont pour objectif de rendre les systèmes informatiques plus autonomes, notamment dans les domaines de l'imagerie médicale et de la médecine en général.

«En plus du monde de la santé, nos travaux sont destinés aux entreprises qui veulent employer le marketing pour mieux servir leur clientèle. Nous utilisons la reconnaissance des actions grâce aux téléphones mobiles branchés aux réseaux Wi-Fi. Des applications, il y en a de toutes sortes», explique Mme Precup, qui travaille entre autres avec Samsung et Google.

L'universitaire concède que l'apprentissage par renforcement demande beaucoup d'efforts de la part des chercheurs. «Il faut traduire les problèmes en un langage que les systèmes peuvent comprendre et implanter les algorithmes. J'espère que ce sera plus facile dans cinq ans», dit-elle.

Un objectif à plus long terme de Doina Precup est de concevoir des systèmes informatiques en lesquels les professionnels qui ne sont pas spécialisés en IA peuvent avoir confiance. «Si une entreprise utilise la technologie, par exemple dans le secteur de la santé, elle doit n'avoir aucun doute sur son bon fonctionnement, et ce, même si elle ne comprend pas les algorithmes dans leurs moindres détails», affirme-t-elle.

 

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