Faut-il avoir peur des technologies de rupture?

Publié le 02/01/2024 à 12:00

Faut-il avoir peur des technologies de rupture?

Publié le 02/01/2024 à 12:00

Par Louis J. Duhamel

Gutenberg a aussi de mis fin au monopole de la religion catholique romaine. Pas mal comme impact pour une seule technologie! (Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. Ce qu’on appelle l’innovation de rupture est souvent proclamé comme la seule vraie innovation, celle qui crée vraiment de la richesse et qui fait avancer la civilisation. 

Quelques cas célèbres 

Il est vrai qu’au 15e siècle, l’invention de la presse à imprimer par Gutenberg a secoué de plein fouet l’ordre établi. Elle a permis entre autres de démocratiser l’accès aux livres et aux connaissances, ce qui a été transformationnel et fort louable. En revanche, que tous les copistes aient perdu leur emploi presque d’un coup sec a moins pesé dans l’équation, surtout pour nous six siècles plus tard. 

Sans le savoir, Gutenberg venait aussi de mettre fin au monopole de la religion catholique romaine. Personne n’avait prévu que l’impression de la bible en d’autres langues que le latin permettrait différentes interprétations, dont le protestantisme, le calvinisme et autres. Pas mal comme impact pour une seule technologie! 

L’industrie 1.0 a mis fin à l’économie du cheval utilitaire solidement implantée depuis des siècles et qui faisait vivre une partie importante de la population. L’industrie 3.0 a donné naissance à l’informatique qui a inauguré de profondes transformations des organisations et de nos vies. Heureusement, dans les deux cas, l’emploi n’a pas cessé de croître et s’est plutôt transformé. 

Plus récemment, l’avènement de la fabrication additive ou l’impression 3D a donné la frousse à plusieurs. On prévoyait l’apparition d’imprimantes rapides à grand volume pouvant fabriquer de larges pièces à l’échelle planétaire. On nous préparait même à l’idée que l’on imprimerait des maisons et des produits finis. On rêvait grand! 

Cette seule idée que l’industrie du transport de marchandises pouvait être quasi rayée de la carte demandait réflexion. Après tout, le transport aérien, maritime et terrestre de marchandises est une industrie qui emploie plus de 115 000 personnes au Québec et qui représente plus de 4% du PIB avec des retombées annuelles d’environ 13 milliards de dollars, selon une étude du Conseil du patronat du Québec (la plus récente disponible). 

L’affaire s’est réglée d’elle-même compte tenu des faibles avancées technologiques qui continuent de limiter les ambitions de l’impression 3D à des prototypes de pièces de petite taille fabriquées à la vitesse de l’écrevisse. En somme, une technologie sûrement utile, mais non perturbatrice comme anticipée. La technologie n’avait finalement de rupture que le nom.

 

L’intelligence artificielle générative 

Après la frousse de l’impression 3D, voici qu’advient sans crier gare l’IA générative avec son lot d’inquiétudes, provoquant même la signature d’un moratoire non respecté par la plupart de ses signataires. Le Conseil de l’innovation lançait d’ailleurs à l’été 2023 une réflexion collective sur le sujet. On constate qu’il s’agit d’un sujet pris très au sérieux par l’État québécois et le gouvernement fédéral.

Peut-on espérer un développement responsable de l’IA et jusqu’à quel point faudra-t-il l’encadrer si telle chose est encore possible? De plus, ce sont maintenant des emplois qualifiés et intellectuels qui sont menacés. Les vôtres et le mien. 

Ayant dit cela, il semble difficile d’imaginer que l’on peut encore arrêter sa progression, peu importe que vous soyez un «accélérationniste» ou un partisan d’un gel ou ralentissement du développement de l’IA. 

Finalement, comme le clame l’université californienne «Singularity University», il y aura deux types d’entreprises à la fin de la décade. Celles qui utilisent pleinement l’intelligence artificielle et celles qui auront disparu. 

On peut espérer qu’une profonde réflexion sur l’avenir du travail soit en cours à l’échelle planétaire et ici même au Québec. Le rehaussement des compétences et la requalification des ressources humaines en travailleurs et des travailleuses numériques du 21e siècle deviennent urgents. On est loin de la coupe aux lèvres. C’est un défi qui incombe à tous les acteurs de la formation initiale et continue. De dire qu’il est urgent de le faire serait un euphémisme!

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