Lithium en territoire cri: une mine qui divise et ravive de vieilles blessures

Publié le 05/02/2023 à 10:30

Lithium en territoire cri: une mine qui divise et ravive de vieilles blessures

Publié le 05/02/2023 à 10:30

Par La Presse Canadienne

Thomas Jolly

Un projet «qui n’a pas l’appui de la population» 

Selon Thomas Jolly, la mine de Nemaska Lithium qui s’apprête à ouvrir et dont Investissement Québec est l’actionnaire à 50 % n’a jamais reçu l’approbation de la population. 

La décision du conseil de bande d’accepter le projet de Nemaska Lithium a été prise «derrière des portes closes», selon sa version des faits. 

L’entente entre le promoteur et le conseil de bande pour construire une mine sur le territoire a été ratifiée en novembre 2014, à une époque où Thomas Jolly était adjoint au chef. 

Il indique que selon les règles, les rencontres du chef et des conseillers doivent être ouvertes aux membres de la communauté, mais que le vote concernant la mine a été organisé «en dehors de la communauté», empêchant ainsi la population de participer à la réunion. 

«Nous étions trois conseillers contre le projet et quatre étaient en faveur», alors «quatre personnes ont choisi pour toute la population», raconte-t-il en ajoutant que «si un référendum avait eu lieu, le projet n’aurait pas été accepté».  

La Presse Canadienne n’a pas pu confirmer avec d’autres membres du conseil de l’époque cette version des faits et celui qui était chef en 2014, Matthew Wapachee, est aujourd’hui décédé. 

Mais un autre ancien chef de Nemaska, George Wapachee, affirme lui aussi dans un livre intitulé «Going Home», paru à l’automne, que la décision d’accepter la mine de lithium «avait été prise sans l’approbation des membres de la communauté». 

 

Le mariage forcé 

Dans les mois qui ont suivi la ratification de l’entente avec Nemaska Lithium, tous les membres du conseil de bande ont perdu leurs élections, à l’exception de Thomas Jolly. 

«Était-ce une façon de les punir?», demande La Presse Canadienne. 

«Je suppose», répond Thomas Jolly. 

Après ces élections, il est devenu chef et a hérité de la responsabilité d’aider à l’implantation d’une mine sur le territoire de ses ancêtres, alors qu’il n’appuyait pas le projet. 

«Je n’étais pas confortable avec la situation», explique Thomas Jolly en précisant qu’il a tout de même accepté de travailler avec les promoteurs pour planifier l’ouverture de la mine, car le contrat était déjà signé. 

«La courbe d’apprentissage a été compliquée. Comment préparer quelque chose qu’on n’a jamais prévu? Le projet de mine ne vient pas de la communauté, ça vient d’un développeur qui a eu une idée pour faire de l’argent.» 

Mais ce développeur, ajoute-t-il, «sera parti dans 25 ans» alors que le territoire «sera changé pour toujours». 

 

Une communauté divisée 

La ratification de l’entente avec Nemaska Lithium a créé beaucoup de division au sein de la population et fait «l’objet de nombreuses critiques de la part de membres de la communauté, qui déplorent ne pas avoir été consultés à son sujet», souligne une thèse de doctorat intitulée «Les dimensions silencieuses de l'acceptabilité sociale en contexte autochtone». 

L’auteure, la doctorante à l’Université Laval Julie Fortin, a assisté aux audiences du Comité d'examen des répercussions sur l'environnement et le milieu social (COMEX) concernant la mine Whabouchi, qui se sont déroulées pendant une journée et demie et qui ont été présidées par l’ancien politicien André Boisclair, en mars 2015 à Nemaska, donc après la ratification de l’entente. 

Le COMEX a le pouvoir de recommander, ou non, l’autorisation d’un projet. 

La thèse de Julie Fortin souligne que certains participants étaient «frustrés par le manque de temps alloué pour exprimer leurs préoccupations», et d’autres déploraient «le court laps de temps» pour analyser «une quantité importante d’information». 

Dans un mémoire déposé au comité, une citoyenne du nom de «Theresa S.» a écrit: «Ils nous bousculent avec ce projet. Pourquoi nos dirigeants placent les membres de la communauté en dernier? Ils ont déjà accepté ce projet, alors pourquoi venir nous voir si tard? J’ai une question pour nos dirigeants: pouvez-vous partager avec la communauté quel sera le prochain projet?». 

La thèse de Julie Fortin souligne que la signature de l’entente a provoqué des conflits «de nature politique, générationnelle et identitaire» et «certains individus, qui s’affichent ouvertement contre le projet, subissent des représailles tant verbales que physiques». 

Les enregistrements sonores de l’entièreté de la consultation publique qui a eu lieu en mars 2015 sont toujours hébergés sur le site du COMEX. 

Il apparait clair, en les écoutant, que la mine génère des inquiétudes chez la majorité des gens qui ont pris la parole pendant ces audiences. 

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