«La compétition pour la main-d'oeuvre s'est même transportée à l'international»

Offert par Les Affaires


Édition du 04 Mai 2019

«La compétition pour la main-d'oeuvre s'est même transportée à l'international»

Offert par Les Affaires


Édition du 04 Mai 2019

Par Pierre Théroux

« ­C’est un enjeu majeur dont on parle tous les jours chez nous », dit Éric Côté, président et chef de l’exploitation au Groupe Soucy. (Photo: Jérôme Lavallée)

FOCUS CENTRE-DU-QUÉBEC. L'économie du Centre-du- Québec continue d'aller bon train. Ce dynamisme se heurte toutefois à un obstacle majeur : la pénurie de main-d'oeuvre. Les gens d'affaires de la région ont fait part de leurs inquiétudes, mais aussi de solutions mises de l'avant pour remédier à la situation, lors d'un panel organisé par Les Affaires en février dernier, à Drummondville.

«Je ne veux pas être alarmiste, mais le manque de travailleurs commence à menacer nos projets de croissance», constate David Barrow, directeur général exécutif du fabricant de produits de ventilation Venmar, et l'un des trois panélistes ayant participé à cette rencontre qui a regroupé une trentaine de dirigeants d'entreprises et d'intervenants économiques.

Au Groupe Soucy, la pénurie de main-d'oeuvre a aussi atteint un niveau critique. «C'est un enjeu majeur dont on parle tous les jours chez nous», souligne Éric Côté, président et chef de l'exploitation de ce fabricant de divers composants pour les principaux constructeurs de véhicules récréatifs, industriels, agricoles et de défense.

L'entreprise peine d'ailleurs à trouver des employés pour occuper les postes des quarts de travail de soir et de nuit ou de la fin de semaine. «On ne peut blâmer les gens, en particulier les jeunes, de vouloir travailler le jour et la semaine dans une usine qui est située sur la même rue ou dans la même ville», commente M. Côté, en précisant que l'entreprise doit composer avec un taux de roulement très élevé.

Chez Soprema, une cinquantaine de postes vacants a forcé l'entreprise à ralentir sa production l'été dernier. «Ça nous a poussés, du jour au lendemain, à augmenter nos salaires de 20 %», indique Richard Voyer, vice-président exécutif et chef de la direction pour l'Amérique du Nord de cette entreprise qui se spécialise dans la fabrication de produits d'étanchéité. Cette hausse, consentie pour recruter et maintenir en poste des travailleurs, était aussi rendue nécessaire afin de «combler l'écart salarial avec les autres entreprises manufacturières de la région», précise M. Voyer.

Voir plus loin

Les trois dirigeants d'entreprises s'inquiètent d'ailleurs d'avoir à recruter dans le même bassin de main-d'oeuvre, voire dans les usines de leurs collègues. Ils ne sont pas les seuls. «On se les vole entre nous», constate également Daniel Habel, président de la Fédération de l'Union des producteurs agricoles du Centre-du-Québec, qui représente quelque 3 200 entreprises et 7 500 emplois.

Les entreprises doivent donc élargir leurs horizons et tenter de recruter à l'extérieur de la région pour combler leurs besoins. Elles sont en effet de plus en plus nombreuses à se tourner vers l'international. Venmar y a fait ses premiers pas cette année lors de missions en France et en Tunisie à la recherche de soudeurs et de machinistes.

Le Groupe Soucy a engagé une cinquantaine de Français, de Tunisiens et de Philippins ces dernières années. «Le recrutement à l'étranger, c'est essentiel. Mais même en élargissant le bassin de main-d'oeuvre, il va manquer de travailleurs, et les immigrants risquent aussi d'aller voir dans la cour du voisin», note M. Côté.

Encore, les entreprises se font aussi concurrence outre-Atlantique. «La compétition pour la main-d'oeuvre s'est même transportée à l'international. On se bat en France avec les mêmes entreprises et on rencontre les mêmes candidats en entrevue, comme à Drummondville», indique Sylvain Audet, président de Métalus.

Faciliter l'accueil

Le maire de Drummondville, Alexandre Cusson, déplore pour sa part la lenteur du processus gouvernemental pour accueillir des immigrants. «Il faut sortir de la bureaucratie, être plus agile et rapide», dit celui qui est aussi président de l'Union des municipalités du Québec. Il lance un autre message au gouvernement du Québec, qui doit «comprendre que l'immigration, ce n'est pas juste Montréal. Il y a 86 % des immigrants qui s'installent encore à Montréal alors que 55 % des emplois à pourvoir sont à l'extérieur».

Il souligne par ailleurs que les villes ont leur rôle à jouer, notamment en matière de logement, pour faciliter l'accueil et l'intégration des immigrants. À Drummondville, «le taux de vacance est à 1,7 %, et même à 0,4 % pour les logements de trois chambres ou plus. Et les logements sur le marché ne sont pas nécessairement les plus invitants», dit M. Cusson, en précisant que la Ville doit faire des annonces en matière de logement au cours des prochains mois.

Soprema songe pour sa part à ouvrir un bureau satellite à Montréal afin d'y «embaucher des professionnels, notamment des gens en marketing, qui ne veulent pas quitter le Plateau pour déménager à Drummondville», indique M. Voyer.

Être imaginatif

Tous les intervenants conviennent qu'il faut être plus imaginatif en matière de ressources humaines. «Il ne suffit plus d'être innovant dans le développement de produits, mais aussi dans nos stratégies en ressources humaines», note David Barrow.

Venmar a notamment quadruplé les budgets pour le recrutement de stagiaires. L'entreprise, dont le taux de roulement est d'environ 10 %, fait aussi des entrevues avec chaque personne qui quitte pour connaître leurs raisons, outre les départs à la retraite planifiés.

«C'est un défi d'essayer de recruter, mais c'en est aussi un autre de garder nos employés en poste», constate M. Barrow. Dans les réunions des équipes de gestion, chaque vice-président doit cibler de deux à trois personnes à risque de partir et tout le monde est mis à contribution pour trouver des solutions.

Il faut aussi être imaginatif en matière de fiscalité. «On travaille avec des PME qui, pour recruter et retenir des travailleurs, mettent en place des mesures incitatives comme la participation à l'actionnariat», note Marcel Bergeron, associé de la firme comptable FBL.

L'usine 4.0

Soprema mise sur deux nouvelles usines à la fine pointe de la technologie, aussi plus spacieuses et éclairées. «C'est assez facile de trouver de la main-d'oeuvre pour venir travailler dans une usine neuve. Là où ça devient compliqué, c'est dans nos vieilles usines qui ne sont pas très attrayantes», souligne M. Voyer.

L'automatisation est une autre piste de solution. D'autant que ça permet aussi d'«intéresser les jeunes à gérer une machine à partir d'un ordinateur, d'une tablette. Ils deviennent des techniciens à la production et non seulement des employés d'usine. En rendant cette tâche plus noble, le travail devient plus intéressant», fait valoir M. Voyer.

Le Groupe Soucy travaille à revoir, poste par poste, où elle peut éliminer des tâches en usine, mais aussi dans la gestion. «On parle de l'usine 4.0 depuis longtemps chez nous. Mais on ne prenait jamais le temps de le faire. On a même un robot qui n'avait jamais été déballé», raconte M. Côté.

Pour le Groupe Soucy, qui exploite une usine d'une centaine d'employés en Chine, la tentation est grande de délocaliser la production pour remédier à la pénurie de main-d'oeuvre. «On souhaite avant tout créer des emplois ici, pour contribuer au développement de la région et du Québec», précise M. Côté.

Cette pénurie de travailleurs est d'ailleurs «ce qui menace le plus le développement économique des régions du Québec, estime M. Cusson. Sans actions et solutions concrètes, on s'en va droit dans le mur.»

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