COVID-19: «Immunité décroissante»? Pas si vite, disent des experts

Publié le 20/09/2021 à 11:55

COVID-19: «Immunité décroissante»? Pas si vite, disent des experts

Publié le 20/09/2021 à 11:55

Par La Presse Canadienne

Des études récentes ont suggéré que la réponse des lymphocytes T est encore robuste plusieurs mois après une vaccination contre la COVID-19. (Photo: La Presse Canadienne)

L’idée d’une immunité décroissante a pris de l’ampleur ces dernières semaines, certains pays l’utilisant pour justifier le déploiement de doses de rappel du vaccin contre la COVID-19. Mais des immunologistes estiment que le concept a été largement mal compris.

Alors que les anticorps — des protéines créées après l’infection ou la vaccination qui aident à prévenir les invasions futures de l’agent pathogène — se stabilisent avec le temps, les experts expliquent que c’est exactement ce qui est censé se produire.

Et cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas protégés contre la COVID-19.

Jennifer Gommerman, immunologiste à l’Université de Toronto, a déclaré que le terme «immunité décroissante» a donné aux gens une fausse compréhension du fonctionnement du système immunitaire.

«La décroissance a cette connotation que quelque chose ne va pas, alors que ce n’est pas le cas», a-t-elle déclaré. «Il est tout à fait normal que le système immunitaire déclenche une réponse où une tonne d’anticorps est produite et de nombreuses cellules immunitaires se développent. Et pour le moment, c’est ce qui a le dessus.»

«Mais cette réponse doit se contracter, sinon vous n’auriez pas de place pour des réponses immunitaires ultérieures.»

Les niveaux d’anticorps augmentent dans la phase de «réponse primaire» après la vaccination ou l’infection, «lorsque votre système immunitaire est chargé et prêt à attaquer», a déclaré Steven Kerfoot, professeur agrégé d’immunologie à l’Université Western.

Ils diminuent ensuite à partir de cette «phase d’urgence», a-t-il ajouté. Mais la mémoire de l’agent pathogène et la capacité du corps à y répondre demeurent.

M. Kerfoot a expliqué que les cellules B, qui fabriquent les anticorps, et les cellules T, qui limitent la capacité du virus à causer de graves dommages, continuent de travailler ensemble pour éviter une maladie grave longtemps après l’administration d’un vaccin. Bien que les lymphocytes T ne puissent pas reconnaître directement le virus, ils déterminent quelles cellules sont infectées et les tuent rapidement.

Des études récentes ont suggéré que la réponse des lymphocytes T est encore robuste plusieurs mois après une vaccination contre la COVID-19.

«Vous pourriez contracter une infection mineure (…), (mais) toutes ces cellules sont toujours là, c’est pourquoi nous constatons toujours une efficacité très stable lorsqu’il s’agit de prévenir une maladie grave», a déclaré M. Kerfoot.

 

Prévenir les hospitalisations et les décès

Une étude prépubliée dévoilée cette semaine par Public Health England a suggéré que la protection contre l’hospitalisation et la mort restait beaucoup plus élevée que la protection contre l’infection, même chez les personnes âgées.

Ainsi, le concept de déclin de l’immunité dépend du fait que vous mesurez la protection contre les infections ou contre les maladies graves, a souligné M. Kerfoot.

Le Québec a rapporté vendredi quatre nouvelles hospitalisations chez les personnes ayant reçu deux doses de vaccins, comparativement à 31 chez les personnes non vaccinées ou n’ayant reçu qu’une seule dose moins de 14 jours plus tôt.

L’Ontario a signalé vendredi 43 cas d’hospitalisation parmi les personnes complètement vaccinées, contre 256 hospitalisations chez les non-vaccinés. Il y avait eu 795 nouveaux cas au total dans la province ce jour-là, dont 582 parmi ceux qui n’étaient pas complètement vaccinés ou dont le statut vaccinal était inconnu.

La Colombie-Britannique, quant à elle, a vu 53 patients entièrement vaccinés être hospitalisés au cours des deux dernières semaines, contre 318 chez les non-vaccinés.

«Vous entendrez des gens dire que les vaccins ne sont pas conçus pour protéger les infections, ils sont conçus pour prévenir les maladies graves», a noté M. Kerfoot. «Je ne dirais pas nécessairement que c’est le vaccin qui est conçu pour faire l’un ou l’autre (…), c’est ainsi que fonctionne le système immunitaire.»

 

Regarder que la réponse en anticorps est trompeur

Moderna a publié cette semaine des données suggérant que son vaccin était efficace à 96% pour prévenir l’hospitalisation, même au milieu de la vague du variant Delta, plus transmissible, et à 87% pour prévenir l’infection — en baisse par rapport à l’efficacité de 94% observée dans les essais cliniques de l’an dernier.

Le PDG de Moderna, Stéphane Bancel, a déclaré que la baisse «illustre l’impact de la diminution de l’immunité et soutient la nécessité d’un rappel pour maintenir des niveaux de protection élevés».

Pfizer-BioNTech a soutenu la même chose avec ses propres données, et un comité consultatif de la Food and Drug Administration, basée aux États-Unis, a voté vendredi pour approuver les troisièmes doses pour les personnes âgées de 65 ans et plus, ou à haut risque de maladie grave.

Cependant, le panel a rejeté les doses de rappel pour la population générale, affirmant que la société pharmaceutique avait fourni peu de données de sécurité sur les doses supplémentaires.

Mme Gommerman a indiqué que les données d’efficacité présentées par Moderna ne signalent pas la nécessité d’une troisième dose.

«Le fait qu’il protège à 87% contre l’infection, c’est incroyable», a-t-elle déclaré. «La plupart des vaccins ne peuvent pas atteindre cela.»

M. Bancel a indiqué que les recherches de Moderna, qui n’ont pas encore été évaluées par des pairs, suggèrent qu’une dose de rappel pourrait également prolonger la durée de la réponse immunitaire en augmentant les niveaux d’anticorps neutralisants.

Mais le Dr Sumon Chakrabarti, infectiologue à Mississauga, en Ontario, a déclaré que le fait de ne regarder que la réponse en anticorps est trompeur et pourrait être faussement utilisé pour justifier un nombre infini de rappels.

 

Est-ce que des doses de rappel seront nécessaires?

Israël, qui offre des troisièmes doses à ses citoyens, a récemment parlé d’administrer des quatrièmes doses dans un avenir proche.

«Cette idée de déclin de l’immunité est exploitée et c’est vraiment inquiétant à voir», a dit le Dr Chakrabarti. «Il y a cette idée que les anticorps signifient l’immunité, et c’est vrai (…), mais le premier niveau de l’immunité, les cellules T durables, n’a pas été suffisamment souligné.»

Alors que certains experts soutiennent que les doses de rappel pour la population générale sont prématurées, ils conviennent que certaines personnes bénéficieraient d’une troisième injection.

Le Comité consultatif national de l’immunisation a recommandé des rappels pour les immunodéprimés, qui ne développent pas une réponse immunitaire robuste à partir d’une série de deux doses.

D’autres experts ont fait valoir que les résidents des centres de soins de longue durée, qui étaient prioritaires lorsque le déploiement a commencé en décembre dernier, pourraient également bientôt avoir besoin d’une troisième dose. L’étude anglaise suggère que l’immunité pourrait diminuer dans les groupes plus âgés, mais pas beaucoup, voire pas du tout, chez les moins de 65 ans.

Le Dr Chakrabarti a déclaré qu’une diminution de la protection parmi les populations plus âgées pourrait être due davantage à des «facteurs qui se chevauchent», y compris leur système immunitaire généralement plus faible et les situations de vie collective pour les personnes en soins de longue durée.

«Ce sont les personnes les plus à risque d’hospitalisation», a-t-il déclaré. «Est-ce que (le temps qui s’est écoulé après leurs doses) pourrait jouer un rôle? Oui, peut-être.»

Bien que nous ne connaissions toujours pas la durée de la réponse immunitaire à la vaccination contre la COVID-19, Mme Gommerman note que les cellules immunitaires continuent généralement à vivre dans la moelle osseuse et produisent de petites quantités d’anticorps pendant «des décennies».

«Et ils peuvent être rapidement mobilisés s’ils rencontrent un agent pathogène», a-t-elle déclaré.

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