Natura : Des produits de beauté qui préservent la forêt

Publié le 18/11/2015 à 00:01

Natura : Des produits de beauté qui préservent la forêt

Publié le 18/11/2015 à 00:01

SOMMAIRE DU DOSSIER

Par Vívian Soares, Valor Economico (Brésil)

ÉCONOMIE CIRCULAIRE – En 1992, tous les regards se tournaient vers Rio de Janeiro, qui accueillait l’Eco 92 la conférence sur le climat de l’Organisation des Nations Unies ayant attiré l’attention des sociétés et des entreprises sur la préservation environnementale et la consommation responsable. Toutefois, quelques années auparavant, une entreprise brésilienne se lançait dans la création d’une affaire durable.

Fondée en 1969 sous la forme d’un petit magasin de produits cosmétiques à São Paulo, l’enseigne Natura est aujourd’hui une industrie multinationale dans le secteur de l’hygiène personnelle, des produits de beauté et des parfums. Elle est l’un des leaders nationaux et une référence au chapitre des projets de valorisation de la biodiversité, des relations avec les communautés amazoniennes et des recherches de viabilité économique et de préservation de la flore brésilienne.

Néanmoins, le souci de l’impact environnemental des produits ne s’est fait que progressivement. Bien qu’elle utilise des matières premières végétales et biodégradables dans ses formulations, et ce depuis ses premières années d’activité, ce n’est qu’au cours des deux dernières décennies que Natura a acquis le statut d’entreprise engagée envers l’environnement. Avant cela, d’après les propos de Marcelo Alonso, directeur de la durabilité, l’entreprise était déjà pionnière dans certains concepts tels que la réutilisation d’emballages et la communication transparente.

« Contrairement aux publicités promettant la jeunesse éternelle, Natura a apporté au marché brésilien le principe de la vérité en cosmétique, sans avoir recours à des campagnes marketing visant l’impossible », dit M. Alonso.

En 1983, l’industrie a commencé à vendre des recharges pour les déodorants. L’idée était donc de consommer moins de matières premières et d’offrir des solutions plus abordables aux clients ; les recharges sont en moyenne 30 % moins chères que les emballages d’origine.

En appui aux collectivités

C’est à partir de 1990 que Natura a commencé à s’engager de plus en plus dans des domaines comme la recherche du biome brésilien, les projets de soutien à l’éducation et le développement de la région amazonienne. Aujourd’hui, 2 000 familles de riverains et de petits agriculteurs fournissent les matières premières à l’entreprise grâce à la cueillette ou la plantation durable d’ingrédients de la flore brésilienne. « Outre le fait de promouvoir l’économie locale et de payer le produit à un juste prix, nous montrons à la communauté qu’il est important de préserver la forêt afin que ses membres puissent maintenir leur source de revenus », affirme Alessandro Mendes, directeur du développement de produits de Natura.

La communauté de Cotijuba, à Pará, dans la région nord du pays, est l’une des collectivités partenaires ; c’est une île de 10 000 habitants dont les principales activités sont le commerce et l’agriculture. Les femmes sont le groupe social le plus fragile – 90 % d’entre elles reçoivent une aide sociale du gouvernement et la plupart n’arrivent pas au bout de leurs études. Un contrat conclu en 2002 avec Natura pour la plantation de priprioca – une graine aromatique de la région que l’on retrouve dans des savons, des huiles, des parfums et dans d’autres articles de l’entreprise – permet d’employer chaque année entre 10 et 17 familles de l’île, assurant ainsi l’achat de la production et la génération de revenus pour la communauté.« Outre le fait de promouvoir l’économie locale et de payer le produit à un juste prix, nous montrons à la communauté qu’il est important de préserver la forêt afin que ses membres puissent maintenir leur source de revenus. » – Alessandro Mendes, directeur du développement de produits de Natura  Sept ans plus tard, grâce à une autre proposition, visant l’extraction de la graine d’ucuuba – un arbre en voie d’extinction en raison de l’exploitation agressive des troncs – les femmes de l’île ont pu jouir d’une opportunité de cotisation durable. Les graines valaient alors plus que le bois.

« Nous avons toujours eu pour objectif d’œuvrer pour l’égalité des sexes au sein de la communauté. Ce partenariat était donc synonyme de changement pour les femmes. La plupart d’entre elles gagnent désormais leur propre argent, sont enthousiastes et changent de vie ; elles cherchent à faire des études et gagnent en autonomie », affirme Adriana Lima, leader du Mouvement des femmes des îles de Belém (MMIB), fournissant l’ucuuba (le produit de base d’un beurre à haute teneur hydratante) et la priprioca à Natura.

Natura est impliquée dans l’exploitation durable de noix dans la communauté Iratapuru. Les plantations de priprioca – une graine aromatique de la région que l’on retrouve dans des savons, des huiles, des parfums et dans d’autres articles de l’entreprise –

Assurer la durabilité de la chaîne

Néanmoins, assurer l’extraction durable requiert un investissement en recherche et une formation. Alessandro Mendes affirme qu’une équipe composée d’agronomes et d’anthropologues est tenue de planifier la biodiversité de la région, via les partenariats avec les associations locales et la formation des agriculteurs responsables de l’extraction ou de la plantation des matières premières.

« Tous les mois, nous conseillons et contrôlons le processus. À titre d’exemple, afin d’assurer leur reproduction, nous devons garantir que seules 30 % des graines d’une certaine espèce seront cueillies au sol », explique--t--il. Cela inclut les espèces menacées, qui font également l’objet de projets de reboisement.

Toutefois, en ce qui concerne la durabilité de la chaîne, l’extraction de la matière première ne représente pas le principal défi. « L’emballage demeure le grand problème de l’industrie des produits de consommation, car il ne disparaît pas », affirme Mendes. Les recharges pour les produits tels que les déodorants, les shampooings et les après--shampooings sont toujours l’une des alternatives permettant de réduire l’impact environnemental. Mais la stratégie de recyclage, de réutilisation et de recherche de matières premières renouvelables reste la priorité de l’entreprise.

L’année dernière, Natura a lancé une recharge pour parfum entièrement à base de PET issu de la post--consommation. La ligne Ekos, l’une des plus importantes de la marque, utilise déjà, en moyenne, 50 % de ce matériau dans ses emballages. Certaines lignes de parfumerie utilisent également le verre recyclé et le polyéthylène vert, un matériau renouvelable à base de canne à sucre.

« Au Brésil, l’une de nos fragilités est la chaîne de recyclage qui est peu développée. C’est pourquoi nous ne pouvons nous fier à un approvisionnement constant de matière première recyclée », explique M. Mendes.

Forte concurrence

Un autre grand défi consiste à poursuivre la stratégie de durabilité dans un contexte de concurrence directe et de ralentissement économique. L’année dernière, le chiffre d’affaires de Natura a baissé de 3,5 %, soit 1,73 milliard de réais (610 M$ CA). Sur les marchés internationaux, une croissance de 21,6 % a été constatée, soit 156,7  M$ CA.

Considéré comme le deuxième plus grand marché consommateur de cosmétiques et comme le premier en parfumerie, le Brésil est la cible des investissements des principaux concurrents de Natura, pas forcément engagés dans la cause socio-environnementale. L’année dernière, Natura a perdu 1,4 point de pourcentage en terme de participation de marché et a enregistré 13 % de bénéfices nets de moins qu’en 2013. Ces chiffres sont également touchés par la crise qui affecte le pays.

Dans ce contexte, les indices de durabilité, comme la consommation en eau et les émissions de gaz (qui ont crû de 11 % et de 2,2 %) ont souffert. « Étant donné que nous avons une dépense fixe en eau et en énergie, et ce, indépendamment de la production, lorsque notre activité baisse, la consommation moyenne augmente », précise M. Mendes.

Le directeur de durabilité, Marcelo Alonso, explique que l’entreprise s’engage à poursuivre des politiques de réduction des déchets et à définir des objectifs plus ambitieux pour les prochaines années. D’ici 2020, Natura prétend réduire de 33 % les émissions de carbone et recueillir 50 % des emballages pour le recyclage.

D’ici là, on prévoit que 10 000 familles seront impliquées dans l’activité de production dans la région amazonienne, tandis que le montant investi dans l’achat de produits provenant de ce biome doit s’élever à 1 milliard de réais (350 M$ CA). « Nous souhaitons ainsi générer un résultat positif, plutôt que de simplement atténuer notre impact environnemental. Notre objectif pour 2050 est de créditer plus que ce nous consommons », dit M. Alonso.

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