Un marché plus que verdoyant


Édition du 24 Mars 2018

Un marché plus que verdoyant


Édition du 24 Mars 2018

Une entreprise qui produit du cannabis médical à Smith Falls, en Ontario. [Photo : Getty Images]

Le cannabis devrait être légal cet été. De quoi aura l'air le marché ? Comment se structurera l'industrie, et qu'adviendra-t-il du marché noir ? Les incertitudes sont encore grandes, et les données, pas toujours fiables, mais Les Affaires a creusé la question pour vous dresser un portrait de ce secteur.

Dans l'ensemble, le marché actuel - et illégal - du cannabis est un énorme iceberg qui se cache sous nos yeux.

Les ventes au pays, en 2015, se seraient ainsi élevées, selon Statistique Canada, à une valeur se situant entre 5 et 6,2 milliards de dollars. C'est entre la moitié et les deux tiers du marché de la bière, qui s'élève à 9,2 G$, ou entre 70 % et 90 % du marché du vin, qui se chiffre à 7 G$. Une autre étude de l'agence estime le montant des ventes pour l'an dernier à 5,7 G$.

De plus, la consommation serait en augmentation. De 21 tonnes en 1960, la quantité de cannabis consommée au pays serait passée à 231 tonnes en 1975, à 300 en 1990 et à 645 en 2015. Entre 2005 et 2015 seulement, le nombre de tonnes consommées a crû de 38 %, ou de 3,2 % par année. C'est que le nombre de consommateurs, entre autres, est en hausse. En 1960, 1,6 % de la population canadienne de 15 ans et plus consommait du cannabis. En 2015, c'était 16,2 %.

Cette hausse risque-t-elle de se poursuivre ? Peu de gens sont en mesure d'offrir une réponse solide. Pour l'instant, il existe peu de chiffres sur le cannabis au pays, explique Ryan Macdonald, l'auteur de l'étude de Statistique Canada intitulée « Estimations expérimentales de la consommation de cannabis au Canada, de 1960 à 2015». « Nous aimerions éventuellement tenter de projeter les tendances dans l'avenir, mais nous en sommes pour l'instant seulement au stade de recueillir des chiffres pour créer un historique de la consommation », dit-il.

L'âge d'herbe

La composition du marché est aussi en évolution. Entre 1960 et 1980, le cannabis était un marché de jeunes ; selon Statistique Canada, le marché était essentiellement composé de consommateurs de 15 à 24 ans. « Avec les années, toutefois, il semble que cette population ait vieilli tout en continuant de consommer, dit Ryan Macdonald. Dans les statistiques, on a donc vu tranquillement le nombre de consommateurs augmenter dans les groupes plus âgés. »

Aujourd'hui, les 15 à 24 ans ne représentent plus que 32,2 % de tous les consommateurs, alors que chez les 25-44 ans, c'est 44,6 % et les 45-64, 23,1 %. Au total, l'an dernier, les 4,9 millions de consommateurs canadiens âgés de 15 à 64 ans ont dépensé annuellement, en moyenne, 1 200 $ par personne en cannabis.

Structure d'industrie

La structure de l'industrie risque d'évoluer comme celle des autres marchés, estime Ken Lester, professeur en finance à l'Université McGill et gestionnaire de portefeuille chez Lester Asset Management. Le nombre de producteurs pourrait ainsi diminuer avec l'évolution du marché, les gros joueurs achetant les plus petits.

« C'est ce qui arrive dans toutes les industries, dit M. Lester. Quand les voitures sont apparues, il y avait 200 constructeurs aux États-Unis. Cinquante ans plus tard, il n'y en avait plus que trois. »

Le marché noir, lui, risque de disparaître en bonne partie, même s'il est mature et bien organisé : service à la clientèle par téléphone ou message texte, sites de cueillette en personne, et même livraison à domicile. Le défi est de fixer un prix assez bas pour faire concurrence au marché noir sans être si bas qu'il encourage la consommation.

Quant aux producteurs cotés en Bourse, M. Lester estime que les investisseurs se sont laissé emporter. « C'est comme le bitcoin, dit-il. C'est « cool » d'en avoir dans son portefeuille. Même les enfants et les ados achètent du Canopy. Je crois que le marché est surévalué et qu'on assistera éventuellement à une correction massive. »

Des perdants et des gagnants

Qui seront les perdants et qui seront les gagnants de la légalisation ? L'industrie du tabac, par exemple, pourrait perdre des consommateurs qui substitueront leurs cigarettes traditionnelles par des produits du cannabis. Même chose pour l'industrie de l'alcool. Par ailleurs, il est possible que ces produits soient réellement complémentaires plutôt que des substituts, et que certains consommateurs veuillent consommer du cannabis en même temps qu'une bière.

M. Lester reconnaît qu'il est difficile de formuler des prédictions précises.

Une chose est sûre, selon lui, le gouvernement gagnera en taxes, regagnera le temps et l'énergie qu'il perd actuellement à prendre en chasse des fumeurs de 18 ans, et gardera dans ses poches une partie de l'argent qu'il dépensait en actions judiciaires liées au cannabis.

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