Entreprises : un moment crucial pour revoir vos politiques


Édition du 24 Mars 2018

Entreprises : un moment crucial pour revoir vos politiques


Édition du 24 Mars 2018

Les spécialistes consultés s’entendent pour dire que la consommation de cannabis ne risque pas d’exploser le jour suivant la légalisation. Photo : Getty Images

Une étude américaine montre que le pourcentage d'employés qui consomment du cannabis est plus élevé dans les plus petites firmes. Les PME doivent donc plus que n'importe quelles autres entreprises veiller à en encadrer la consommation. Quels sont les enjeux, quels sont vos droits et obligations, et que vous recommandent les experts ?

D'emblée, les spécialistes consultés par Les Affaires s'entendent pour dire que la consommation ne risque pas d'exploser le jour suivant la légalisation. Certaines études laissent croire qu'elle pourrait augmenter à plus long terme, mais cette conclusion ne fait pas consensus. Vraisemblablement, toutefois, les gens pourraient être tentés d'expérimenter immédiatement après la légalisation. Selon Deloitte, ce serait le cas pour 17 % de la population.

France Rivard, conseillère juridique en droit du travail à la SOQUIJ, voit trois principaux défis pour les entreprises : la possible augmentation des accidents du travail ; la baisse de productivité des employés ; et le risque d'absentéisme excessif.

Pour prévenir ces problèmes, elle suggère de profiter des prochains mois pour rappeler à vos employés votre politique sur l'alcool et les drogues, qui continuera de s'appliquer. Si vous n'en avez pas, rédigez-en une. La légalisation du cannabis ne vous privera pas de votre droit de gérance.

Que devrait contenir votre politique ?

« Elle devrait interdire la possession, la consommation et le trafic de cannabis sur les lieux de travail, mais aussi d'alcool, de drogues ou d'autres substances altérant les facultés des employés », dit Mme Rivard. La politique devrait également interdire d'être sous leur effet au travail, et prévoir des mesures disciplinaires en cas de contravention aux règles.

Les tribunaux ont d'ailleurs déjà confirmé la validité de certaines règles et sanctions. Il est donc justifié pour un employeur d'interdire la consommation de cannabis dans son stationnement, aux pauses ou à l'heure du dîner. Un mécanicien dans une usine de production de pièces d'aluminium, par exemple, a récemment été renvoyé après avoir consommé une petite quantité de marijuana sur les lieux de son travail. Les tribunaux ont donné raison à l'employeur. Similairement, ils ont aussi confirmé le congédiement imposé par un restaurant à son livreur pour avoir fumé de la marijuana avant et pendant son quart de travail, entre deux livraisons.

Idem pour la consommation hors des lieux de travail. Le congédiement d'un chauffeur d'autobus sur appel, par exemple, dont la consommation hors des lieux de travail avait été détectée par test de dépistage, a été confirmé par la Cour malgré l'enjeu de vie privée. Son employeur avait une politique claire de tolérance zéro selon laquelle il était interdit de consommer en tout temps.

Les tribunaux ont même confirmé des sanctions relatives à l'alcool dans des cas où ce dernier pouvait mettre en danger la réputation de l'entreprise. Ils ont par exemple confirmé la suspension d'une téléphoniste dans un hôtel pour avoir offert à des collègues et à son superviseur de l'alcool provenant d'une bouteille donnée par un client. De même pour le cas d'une éducatrice dans un centre de la petite enfance qui avait été suspendue huit semaines parce qu'elle dégageait une forte odeur d'alcool à son arrivée au travail. Une firme pourrait donc peut-être, après la légalisation, se servir de ces précédents pour justifier des règles et des sanctions similaires dans le cas du cannabis.

Naturellement, le principe de gradation des sanctions, en droit du travail, continue de s'appliquer : la mesure disciplinaire doit aller avec le degré de la faute.

Thérapie et maladie

En raison d'une acceptabilité sociale grandissante, les médecins pourraient par ailleurs commencer à donner plus d'ordonnances de cannabis à usage thérapeutique. Les employeurs qui se retrouveront avec des employés qui consomment du cannabis médical, eux, pourraient devoir les accommoder en vertu de l'obligation d'accommodement raisonnable. Il pourrait s'agir de le muter à un autre poste, par exemple. Cela dépendra toutefois, entre autres, de la nature du poste du salarié : peut-il faire sa tâche ou non, lorsqu'il a consommé ?

La situation est similaire dans le cas des employés qui ont une dépendance. Un employeur ne pourrait pas simplement le renvoyer, puisqu'une dépendance est un handicap au sens de la Charte des droits et libertés de la personne. Le salarié pourrait contester le congédiement devant les tribunaux. Il y aurait ici aussi une obligation d'accommodement : permettre un changement d'horaire de travail, une réduction de la charge de travail ou un soutien de l'employé dans une cure de désintoxication.

Candide Beaumont, directrice clinique à l'Association des intervenants en dépendance du Québec, estime que les entreprises auraient avantage à mettre sur pied des programmes pour prévenir et faire cesser la consommation chez leurs employés, une situation gagnant-gagnant. Certaines le font déjà pour le tabac. Elle reconnaît toutefois que les PME n'ont pas toujours les moyens financiers pour le faire.

« Il existe cependant des solutions peu coûteuses, dit-elle. On peut par exemple suggérer une application comme Stop-cannabis, qui vise à aider les gens à réduire leur consommation. Il faut éviter de dramatiser la situation. Mais il faut aussi éviter de la banaliser. »

CLIQUEZ ICI POUR CONSULTER LE DOSSIER «CANNABIS: COMMENT SE STRUCTURERA L'INDUSTRIE?»

À la une

Repreneuriat: des employés au rendez-vous

REPRENEURIAT. Le taux de survie des coopératives est bien meilleur que celui des entreprises privées.

La hausse de l'impôt sur le gain en capital rapporterait 1G$, selon Girard

Mis à jour il y a 27 minutes | La Presse Canadienne

C’est ce qu’a indiqué le ministre des Finances, Eric Girard, mardi en commission parlementaire.

Gains en capital: l'AMC demande au gouvernement de reconsidérer les changements

L’augmentation du taux d’inclusion s’appliquerait aux gains en capital supérieurs à 250 000 $ pour les particuliers.