Les ingénieurs, de bons entrepreneurs?

Offert par Les Affaires


Édition du 28 Octobre 2017

Les ingénieurs, de bons entrepreneurs?

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Édition du 28 Octobre 2017

Ce n’est pas toujours facile pour l’ingénieur, convaincu d’avoir créé un produit hors pair, d’accepter de le revoir pour l’adapter aux besoins du marché.

DOSSIER PROFESSION INGÉNIEURS - Les ingénieurs ont toujours été très présents dans le monde de l'entrepreneuriat, mais, depuis quelques années, ils ont été plus nombreux encore à se lancer en affaires. Les ingénieurs, minutieux, très portés sur le volet technique, sans formation en gestion pendant leurs études, font-ils de bons entrepreneurs ? S'ils regorgent d'atouts pour réussir, ils doivent également connaître leurs travers naturels.

L'ingénieur Éric Lachapelle est, avec son frère, à la tête de Lainco, une entreprise spécialisée dans la fabrication de charpentes en acier et dans la conception de structures complexes. Quand sa famille s'est lancée dans une entreprise de travaux de construction, tous ont rapidement vu l'avantage de la venue d'Éric Lachapelle, qui travaillait alors au sein d'une firme de génie-conseil. Outre les permis qu'il avait le droit de demander en tant qu'ingénieur auprès de la Régie du bâtiment, il a aidé Lainco à se développer dans des domaines plus complexes, qui demandaient des compétences en génie.

Éric Lachapelle a vite fait le saut. Il a dû se mettre aux autres facettes de l'entrepreneuriat : la comptabilité, le marketing, le développement des affaires, la vente, etc. Pas un problème pour l'ingénieur. « Notre formation nous rend débrouillards. On apprend à trouver des solutions à des problèmes en analysant beaucoup d'information. Finalement, c'est la même démarche dans le génie et dans l'entrepreneuriat », lance M. Lachapelle, vice-président de Lainco.

Les ingénieurs ont indubitablement des prédispositions pour l'entrepreneuriat. « Leurs compétences techniques leur donnent un avantage, notamment s'ils lancent leur entreprise dans le domaine technologique. C'est plus facile d'apprendre à un ingénieur à gérer des affaires que d'enseigner à un spécialiste du management à faire de la technologie », avance Fabiano Armellini, professeur adjoint au Département de mathématiques et de génie industriel de Polytechnique. Les ingénieurs ont un atout en or : ils peuvent avoir l'idée d'un produit novateur et ils savent le concevoir. Ils sont créatifs, une qualité importante dans l'entrepreneuriat.

En plus, leur formation repose sur la recherche de solutions. « Les ingénieurs sont formés pour être des autodidactes : ils doivent aller chercher hors des cours de l'information pour les aider à trouver des solutions. Ils doivent être autonomes et, comme les études sont très difficiles, ça les pousse à la persévérance, au dépassement de soi, à la maîtrise de problématiques complexes », fait valoir M. Armellini. Concevoir une nouveauté, chercher des solutions exigent de la patience, de la persévérance et de la confiance pour surmonter tous les défis inhérents à la création d'un projet. C'est évidemment une force dans l'entrepreneuriat.

Développer le savoir-être

Toutefois, ces atouts, s'ils sont mal gérés, peuvent se retourner contre les ingénieurs quand ils deviennent entrepreneurs. En effet, « le risque majeur, c'est le syndrome de l'inventeur, c'est-à-dire qu'ils peuvent tomber amoureux de leur produit sans se rendre compte qu'il ne correspond pas à un besoin sur le marché », met en garde Richard Chénier, directeur général du Centech, l'incubateur de l'ÉTS, et directeur de l'entrepreneuriat technologique et de l'innovation à l'ÉTS.

Dans ce cas, ce n'est pas toujours facile pour l'ingénieur, convaincu d'avoir créé un produit hors pair, d'accepter de le revoir pour l'adapter aux besoins du marché. « La rigueur, la minutie, l'analyse précise que demandent les études en génie peuvent créer de la rigidité. Le défi, c'est de développer la flexibilité chez les ingénieurs pour qu'ils soient capables de s'ajuster plutôt que de rester campés sur leurs idées », indique Yvon Chouinard, chef de pratique chez Pauzé Coaching et président de Mentorat Québec.

Les ingénieurs, quelles que soient leurs qualités pour l'entrepreneuriat, manquent parfois de connaissances dans les volets de gestion de l'entreprise, qui ne sont évidemment pas abordés durant leur parcours universitaire. Hubert Saint-Pierre, président de la firme de génie St-Pierre et associés, a passé plus de 20 ans dans des firmes de génie à divers postes à responsabilités avant de se mettre à son compte. Il avait 48 ans et avait acquis des compétences de gestion de personnel et de développement des affaires en occupant des postes de direction.

« Après plusieurs années, j'ai eu envie de voler de mes propres ailes, mais ma formation ne m'avait pas appris à être entrepreneur. C'est mon expérience dans les firmes de génie qui m'a permis de lancer mon affaire », dit M. St-Pierre, dont l'entreprise compte aujourd'hui 11 employés.

Apprendre la gestion

Pour pallier ce manque de connaissances en gestion, les universités, comme l'ÉTS et Polytechnique, mettent en place des programmes optionnels d'initiation à l'entrepreneuriat. Dès la première année du baccalauréat, les étudiants de l'ÉTS doivent également faire le test de la Banque de développement du Canada sur la fibre entrepreneuriale afin de se sensibiliser à cette carrière. L'ÉTS a aussi créé un incubateur, le Centech, qui accompagne les ingénieurs désireux de lancer leur projet. « On leur donne des méthodes pour rester en lien avec le client et les besoins du marché, mais aussi pour maîtriser les concepts de structuration d'une entreprise, de modèle d'affaires, de vente, etc. », explique Richard Chénier.

Pas toujours facile de faire saisir l'importance de tous les volets de l'entreprise à des ingénieurs tournés vers le produit. « Quand on leur dit qu'il faut dépenser 1 $ sur le développement du produit, mais 2 $ sur le marketing, ça a parfois du mal à passer », souligne M. Chénier en souriant. Il leur est aussi souvent difficile de vulgariser les concepts et de mettre en avant les avantages autres que techniques de leur produit.

« Ils sont bons pour le réseautage technique, mais ils ne savent pas toujours valoriser leur travail selon les critères des investisseurs et ils entrent trop dans les détails techniques. On leur apprend donc à dépasser l'aspect purement technique et à montrer la valeur de leur idée pour le client en utilisant des outils comme le Business Model Canvas », poursuit Fabiano Armellini.

Bien s'entourer

C'est fréquemment ce qui manque aux ingénieurs entrepreneurs, selon Yvon Chouinard : « Ils doivent développer leur savoir-être pour réussir à s'intéresser aux besoins des autres, à adapter leur idée en fonction de ça et à trouver les mots pour convaincre les autres d'adopter leur produit. »

Souvent, la solution réside dans l'équipe : un ingénieur peut combler ses faiblesses en gestion ou en communication en s'associant à des spécialistes en management. Il arrive fréquemment que l'inventeur du produit, qui a permis de créer une entreprise, n'en prenne pas la direction et la laisse à un professionnel de la gestion.

Bref, un ingénieur sera un excellent entrepreneur s'il considère à leur juste valeur tous les autres paramètres de l'entrepreneuriat, ou encore, s'il s'entoure de compétences complémentaires lui permettant de se consacrer au développement du produit, domaine dans lequel il excelle, bien entendu.

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BONNE NOUVELLE: L'EMBAUCHE D'INGÉNIEURS REPREND

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