«Pour changer les mentalités, il faut en parler»

Publié le 26/10/2022 à 13:58

«Pour changer les mentalités, il faut en parler»

Publié le 26/10/2022 à 13:58

Par Léa Villalba

«T’as ben beau être fort, ça vient te chercher toi aussi», explique Jean-François Transon, président du Groupe Nero Bianco.

300 PME: SANTÉ MENTALE DES DIRIGEANTS. Anxiété, dépression, troubles anxieux… La pandémie de COVID-19 a laissé de lourdes séquelles sur la santé mentale de la population. Selon Statistique Canada, la prévalence de troubles dépressifs majeurs était deux fois plus élevée au pays à l’automne 2020, comparativement aux années 2015 à 2019. Tous les groupes ont été touchés, même les patrons. Jean-François Transon, à la tête du Groupe Nero Bianco depuis bientôt six ans, nous raconte le cauchemar qu’il a vécu, sans langue de bois.

« T’as ben beau être fort, ça vient te chercher toi aussi », explique Jean-François Transon. Lors du premier confinement en mars 2020, l’entrepreneur s’est senti « complètement déboussolé ». « Ça a été terrible pour tous les entrepreneurs, surtout dans le commerce de détail. Du jour au lendemain, tu renvoies 225 personnes [sur 226] à la maison, ton 40 000 pieds carré est vide, tu t’y retrouves seul, en plein hiver avec rien à faire », se souvient celui qui vend des chaussures et des accessoires de mode.

« Je n’étais plus moi-même », raconte le père de famille. Les mois qui suivirent ont été « très noirs » pour Jean-François Transon, qui a « complètement changé d’attitude ».

La famille dispose d’un sous-sol qu’elle n’utilise jamais. L’entrepreneur y passe désormais ses journées. « Je n’étais pas “parlable”. Je parlais bête à ma femme avec qui je suis depuis 20 ans, et je ne jouais même plus avec ma fille. C’est vraiment très loin de mes valeurs », confie-t-il.

De plus, l’alcool vient s’ajouter au portrait. « Avant, je buvais un verre de vin le vendredi soir, mais là, il n’y avait rien à faire, alors c’était une bouteille le lundi, une le mardi… les lendemains matins étaient de plus en plus difficiles, j’étais marabout. Et j’ai pris 10 livres », se souvient M. Transon.

 

Un problème de société

C’est grâce à sa fille, alors âgée de neuf ans, que M. Transon réalise son état dépressif. « Un soir, je l’entends dire à ma femme “Oh non, faut pas que j’aille parler à papa”. Ce n’est pas le genre de père que je veux être pour mon enfant. Le lendemain, je me suis regardé dans le miroir et je me suis dit “C’est fini” », confie-t-il, les larmes aux yeux.

« Oui, le business et l’argent, c’est important. Mais j’ai une fille et c’est tout ce qui compte pour moi », poursuit l’entrepreneur.

Jean-François Transon décide alors d’aller voir un professionnel de la santé. « J’ai voulu aller voir un psy, mais l’accès est impossible ! Encore aujourd’hui, plus de deux ans après, je n’ai pas eu de réponse », déplore celui qui pense avoir vécu une profonde dépression. « C’est dans ces moments-là que tu réalises vraiment qui est là pour toi, pour te soutenir, te réconforter. »

Du côté professionnel, il a pu constater que parler de santé mentale était encore un tabou. « J’ai parlé à une dizaine de dirigeants de ce qui m’était arrivé, « a posteriori », et cinq ou six m’ont ri au nez », se désole-t-il. Selon lui, le milieu des affaires reste encore « très fermé » sur la question de la santé mentale, notamment pour les dirigeants masculins. « Le machisme est présent, on nous fait comprendre qu’il faut se bâtir une carapace, qu’aller mal est un échec, un signe de faiblesse et qu’on n’est peut-être pas à la bonne place », explique-t-il.

 

Changer les mentalités

Les réactions des dirigeants à qui il s’est confié ont poussé Jean-François Transon à raconter son expérience dans nos pages. « Pour changer les mentalités, il faut en parler, estime l’entrepreneur. Si je peux aider ne serait-ce qu’une seule personne, c’est déjà beaucoup. »

De son expérience, Jean-François Transon tire plusieurs leçons qu’il applique désormais à sa vie quotidienne. « Les problèmes de santé mentale, ça n’arrive pas du jour au lendemain, il y a toujours une cause latente, explique-t-il. Dans mon cas, la COVID-19 a été le déclencheur, mais je sais très bien qu’il y avait des facteurs plus anciens, notamment l’excès de travail. » Ainsi, depuis qu’il s’est remis sur pied et que « les affaires roulent », M. Transon s’accorde davantage de moments à lui. « Parfois, il y a trois ou quatre heures où je n’ai rien de prévu, alors je m’en vais magasiner, voir la nature ou frapper des balles de golf. Je le prends, maintenant, ce temps-là. »

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