«Il y a trop de tabous et de façades dans le monde des affaires»

Publié le 26/10/2022 à 13:55

«Il y a trop de tabous et de façades dans le monde des affaires»

Publié le 26/10/2022 à 13:55

«Il y a trop de tabous et de façades dans le monde des affaires, estime Nicolas Rabouille en entrevue avec Les Affaires. Personne n’ose montrer sa vulnérabilité, ce qui donne l’impression qu’il faut être parfait pour réussir.» (Photo: courtoisie)

300 PME : SANTÉ MENTALE DES DIRIGEANTS. Depuis ses débuts, en 2016, l’agence de marketing web Rablab ne cesse de surpasser ses objectifs. Son chiffre d’affaires annuel dépasse aujourd’hui les 3 millions de dollars et, avec ses 35 employés à ce jour, ses équipes ne cessent de s’agrandir. Pourtant, ce développement n’a rien d’un long fleuve tranquille. Le cofondateur Nicolas Rabouille, autodidacte titulaire d’un DEP en mécanique automobile, ne s’en cache pas : il souffre de problèmes d’anxiété chronique depuis sept ans.

« Il y a trop de tabous et de façades dans le monde des affaires, estime Nicolas Rabouille en entrevue avec Les Affaires. Personne n’ose montrer sa vulnérabilité, ce qui donne l’impression qu’il faut être parfait pour réussir. »

L’entrepreneur, lui, le dit ouvertement : il est médicamenté depuis ses 25 ans. « Le déclencheur a été la mort soudaine du père d’une copine, à la suite d’une embolie pulmonaire. C’était la première fois que je vivais l’épreuve de la mortalité d’aussi proche et cela m’a traumatisé », se rappelle-t-il. S’ensuivent des difficultés à s’endormir récurrentes et des crises de panique qui le conduisent à l’hôpital.

Le stress qui accompagne la création et le développement de son entreprise — Rablab est le diminutif de « laboratoire de M. Rabouille » — n’est évidemment pas de nature à améliorer la situation. « Je l’ai géré avec l’alcool, qui a été une source de récréation rapide et qui m’a permis de tenir, voire, d’une certaine façon, de me dépasser », confie-t-il.

Jusqu’à une prise conscience radicale en début d’année. « Je me suis rendu compte que je ne faisais du bien ni à mon corps ni aux gens que j’aime et que j’étais en train de laisser échapper mes rêves. Il fallait que je travaille fort pour avoir une meilleure santé mentale. » Il arrête dès lors de fumer, baisse radicalement sa consommation d’alcool et se remet au sport.

 

Une transparence sur tous les plans

Son associé et ami du secondaire, Jean-Philippe Dauphinais, tient un rôle crucial dans toute cette aventure entrepreneuriale. « Ma deuxième blonde », s’amuse Nicolas Rabouille. « On se parle 45 minutes par jour, que ce soit de la job ou de la vie en général et chaque soir on va promener nos chiens ensemble. Je lui dédie vraiment le succès de l’entreprise. »

Le partenaire joue ainsi un rôle de confident. Lors d’un voyage d’affaires, Nicolas Rabouille subit une crise de panique et sent son cœur le lâcher. « Il m’a pris dans ses bras et ça m’a aidé », se souvient l’entrepreneur trentenaire. Avant de poursuivre : « Quand je suis trop stressé, c’est tout le temps vers lui que je me tourne. On est dans le même bateau, personne ne peut mieux me comprendre que lui. »

En février dernier, lors d’un début de journée particulièrement difficile, il explose en sanglots dans les bras de sa conjointe. « Tout le monde dans l’entreprise sait que j’ai pleuré auprès de ma blonde, à commencer par une collègue en ressources humaines qui m’a accompagné pour revoir mon horaire afin que je puisse souffler. Il n’y a aucun filtre », affirme-t-il.

Cette façon de faire surprend parfois les nouveaux arrivants à Rablab, reconnaît Nicolas Rabouille, mais elle présente de grands avantages selon lui. « Cela crée de la confiance ; les équipes savent que je ne leur ferais pas de cachotterie. C’est une façon de prôner par l’exemple et d’affirmer qu’il est important de montrer ses faiblesses, car on va pouvoir les résoudre ensemble. »

Rablab se révèle très soucieuse du bien-être de ses salariés : semaine de quatre jours, prime tous les six mois, accès gratuit à une salle de sport et mise à disposition d’un chalet, le Rablodge, dans Lanaudière, où les salariés peuvent décompresser. « Quand tu es bien mentalement, tu es bien dans ta job et tu as envie de plus t’y investir », explique Nicolas Rabouille.

Lui-même a adopté quelques « trucs » qu’il recommande à ses pairs : se concentrer sur les tâches qu’il apprécie et pour lesquelles il est le plus compétent, déléguer les autres… et laisser aller. « Quand ta boîte grandit, il y a tout le temps des problèmes et des choses à réinventer, et il faut l’accepter », affirme celui qui se définit sur LinkedIn comme un « régleur de problèmes ». Sa devise : rester honnête en permanence, même auprès de ses clients. « Ce sont des humains aussi », sourit Nicolas Rabouille.

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