Apprendre à s'approprier la pratique des évaluations postoccupation


Édition du 26 Octobre 2019

Apprendre à s'approprier la pratique des évaluations postoccupation


Édition du 26 Octobre 2019

Rio ­Tinto a mené une étude pour voir si ses nouveaux bureaux répondaient aux besoins des employés. (Photo: 123RF)

ARCHITECTURE. Les évaluations postoccupation (EPO) visent à mesurer la performance des nouveaux bâtiments et la satisfaction de leurs usagers une fois qu'ils y sont installés. Répandues en Grande-Bretagne, notamment, elles demeurent rares au Québec. Pourquoi ?

La raison la plus fondamentale expliquant la rareté des EPO dans la province est sans doute leur coût. «C'est très cher ; les clients ont rarement les ressources pour le faire. Les budgets alloués aux projets sont déjà souvent dépassés, alors il reste rarement de l'argent pour faire une étude qui en fera le suivi», explique Gonzalo Lizarralde, professeur à l'École d'architecture de l'Université de Montréal et titulaire de la Chaire Fayolle-Magil Construction en architecture, bâtiment et durabilité.

Cela dit, ce genre de suivi est, selon le professeur, d'une importance capitale pour confirmer l'atteinte des objectifs d'un projet architectural. Plus largement - et peut-être plus important encore -, les EPO permettent d'améliorer les pratiques de l'industrie. Sauf qu'apprendre de ses erreurs n'est pas toujours facile, puisqu'il faut d'abord les relever. Une idée à l'égard de laquelle les architectes et les clients ne se montrent pas toujours enthousiastes.

«Les gens essaient de soigner leur image, rappelle M. Lizarralde. Peu d'entreprises veulent se critiquer ou critiquer leurs projets ouvertement et en public.» C'est d'ailleurs pourquoi, quand des EPO sont réalisées, elles sont rarement rendues publiques.

L'exemple de la Maison du développement durable

En 2011, la Maison du développement durable (MDD) ouvrait ses portes rue Sainte-Catherine Ouest, à Montréal. Au moment du lancement du projet, ses initiateurs voulaient en faire un des bâtiments les plus verts du Canada. Un pari réussi ? Pour le savoir, une étude postoccupation a été commandée à la Chaire Fayolle-Magil Construction par l'organisme Équiterre, promoteur de la MDD.

Les résultats ont été surprenants : malgré l'emploi de stratégies innovantes, et même s'il a à cet égard battu l'immeuble conventionnel moyen, le bâtiment s'est révélé moins performant que ce qui avait été envisagé. «Ce qui est plus important, c'est le "pourquoi ?"«, insiste le professeur Lizarralde.

Selon lui, grâce à cette EPO «courageusement» rendue publique - chose rare au pays -, énormément de choses ont été apprises. «Dans l'industrie, on tend à penser que les performances sont cumulatives. Donc, si j'améliore une chose et une autre, et puis une autre, cela améliorera le bâtiment dans son ensemble. On pense qu'on peut construire le bâtiment idéal en optimisant.»

Et pourtant! Pour inciter les usagers à faire usage des transports actifs et collectifs, la MDD a par exemple été construite sans stationnement au sous-sol. Un avantage, à première vue. Toutefois, lorsque l'édifice nécessite des travaux, les entrepreneurs n'ont nulle part où laisser leurs machinerie et équipements encombrants.

Ainsi, optimiser veut donc souvent dire de créer un avantage, mais aussi un désavantage qui réduit en partie, sinon totalement, d'autres gains. M. Lizarralde estime donc que ces compromis et sacrifices doivent être bien compris et expliqués à l'avance, sans quoi il pourrait en résulter beaucoup de frustrations. «La grande conclusion, c'est qu'il faut avoir un dialogue transparent sur les coûts et sacrifices qui seront engendrés pour obtenir une performance supérieure à d'autres égards», résume-t-il.

Pour les projets gouvernementaux

Rio Tinto déménageait il y a trois ans dans ses nouveaux bureaux montréalais, à la Tour Deloitte, un changement qui marquait le passage de postes de travail fixes à des postes de travail en majorité non assignés, doublés d'aires collaboratives. L'entreprise a profité de l'occasion pour faire une étude, en collaboration avec Ædifica, sur l'un des six étages qu'elle occupe.

Cette étude visait notamment à voir si les employés aimaient la nouvelle configuration et ce qu'ils en appréciaient le plus. «On voulait s'assurer que les cinq autres étages qui allaient être rénovés répondraient aux attentes des gens», affirme Marc-André Labelle, principal, Group Property chez Rio Tinto.

Cette stratégie a permis de vraiment répondre aux attentes des usagers. Malgré tout, les EPO restent bien souvent vues comme superflues. «Une fois que les bâtiments sont construits, les gens sentent qu'ils doivent vivre avec. Faire une étude est donc souvent perçu comme un coût inutile», explique Jean-François St-Onge, architecte et cofondateur d'ADHOC architectes.

Selon lui, les EPO seraient très pertinentes pour les projets gouvernementaux, comme les écoles et bibliothèques, puisque ces types de projets reviennent souvent et que les apprentissages d'un projet peuvent être plus facilement mis à profit dans les suivants. En Grande-Bretagne, le gouvernement central soumet d'ailleurs ses projets de construction et de rénovation majeurs à des EPO depuis 2013, afin de s'assurer que ceux-ci satisfont leurs usagers.

Au Québec, les EPO restent rares, mais leurs avantages commencent à être reconnus. Entre autres, leur fonction de validation du succès d'un édifice du point de vue de ses utilisateurs. Inaugurée en 2013, la Bibliothèque du Boisé, dans l'arrondissement montréalais de Saint-Laurent, en est un exemple. L'arrondissement visait une fréquentation de 600 à 800 personnes par jour. Celle-ci a atteint 1 263 l'an dernier, affirme le maire Alan DeSousa. «On peut bien faire de belles choses, mais la question la plus importante, en fin de compte, c'est de savoir si la population se les est appropriées.»

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