Logo - Les Affaires
Logo - Les Affaires
Contenus partenaires

Entrepreneuriat autochtone : la collaboration avant tout

ESG UQAM|Mis à jour le 12 juin 2024

À l’heure où les populations autochtones québécoises subissent toujours les effets de la colonisation et du racisme systémique, Émilie Fortin-Lefebvre – chercheure à l’ESG UQAM – développe des mécanismes pour faciliter l’entrepreneuriat chez les autochtones. Rencontre.

Les obstacles pour se lancer dans le monde des affaires sont nombreux. Mais lorsque les populations sont marginalisées, isolées et discriminées cela relève bien souvent de l’impossible. C’est dans ce contexte que la professeure-chercheure tente de comprendre la marginalité que vivent les autochtones et comment leur économie et entrepreneuriat en sont touchés.

Comment en êtes-vous arrivée à travailler sur l’entrepreneuriat autochtone ?

À la fin de ma maîtrise, j’ai travaillé pour un groupe de recherche à Bamako au Mali. Là-bas, j’ai réalisé à quel point la population subit un manque de ressources à tous les niveaux et comment les stigmates du colonialisme français sont encore présents. À mon retour au Québec, j’ai décidé de faire un doctorat sur les inégalités entre les populations et leur impact sur l’entrepreneuriat. C’est donc naturellement que je me suis tournée vers la marginalité des autochtones au Québec d’un point de vue économique et entrepreneurial.

Quels sont les obstacles auxquels sont confrontés les autochtones dans leurs démarches entrepreneuriales ?

La marginalité se décline d’un point de vue économique, institutionnel, territorial et social. Les autochtones sont confrontés aux mêmes difficultés que les entrepreneurs québécois, mais doivent en plus faire face à des barrières qui leur sont propres. Par exemple, la Loi sur les Indiens stipule qu’un autochtone résidant à l’intérieur d’une communauté (une réserve) est insaisissable. Les institutions financières sont donc frileuses à leur égard étant donné qu’elles ne peuvent obtenir de garantie sur leurs prêts. La disponibilité des locaux commerciaux dans les communautés est également un enjeu puisqu’il y a déjà un manque d’espaces pour loger les gens. De plus, leur langue maternelle est souvent différente du français et de l’anglais. Ce qui rend compliqué les démarches pour l’accès au financement. Sans compter que la majorité des communautés sont situés en régions éloignées, avec un accès limité à Internet, des frais de transport considérables et un accès limité à des plus grands marchés économiques.

Quels sont donc les pistes à développer pour faciliter l’accès à l’entrepreneuriat des autochtones ?

Je crois que cela commence par la reconnaissance de l’apport des autochtones au développement régional et national. En ce sens, j’ai créé le Centre d’études pour l’Autonomie Économique des Premiers Peuples et des Inuits (AEPPI) à l’ESG UQAM. C’est Bernard Landry, ancien Premier Ministre du Québec, qui m’a ouvert la porte du monde autochtone et qui m’a inspirée pour la mise sur pied du Centre AEPPI. Nous rêvions d’un moyen de poursuivre et de renforcer la dynamique de collaboration avec les autochtones qu’il avait entamée avec la signature de la Paix des Braves. L’objectif est de collaborer avec les organisations autochtones qui œuvrent au développement économique afin de développer des mécanismes pour surmonter les obstacles auxquels ils font face.

Quels sont les impacts de la marginalité ?

À travers les témoignages des entrepreneurs autochtones, j’ai réalisé qu’il y a un paradoxe dans la marginalité. D’un côté, elle leur est imposée et perpétue les répercussions négatives de l’histoire et de la colonisation. De l’autre, le fait d’être en marge de la société dominante québécoise leur permet de protéger leurs cultures. Dans ce contexte, une émancipation économique, dans le sens positif du terme, doit se faire selon leurs conditions et dans le respect de leurs aspirations. C’est ce que j’appelle la « marginalité émancipatrice ».

Comment s’élabore le travail de recherche collaboratif ?

Le Centre d’études AEPPI est là pour servir de laboratoire à l’élaboration de connaissances et d’outils pour répondre aux besoins que nos partenaires autochtones auront identifiés.Nous formons une plateforme de collaborations entre le milieu autochtone et le milieu académique pour renforcer leur autonomie économique et diminuer les effets néfastes de leur marginalité. C’est l’esprit du centre : travailler dans l’esprit de nation à nation.

 

Au cœur de Montréal, l’École des sciences de la gestion (ESG UQAM) cultive la pensée critique et développe des esprits uniques pour changer le cadre des affaires et l’adapter à de nouvelles réalités. Étudier à l’ESG UQAM, c’est explorer des domaines d’expertises variés en gestion.