Le génie québécois s'attaque à l'électrique


Édition du 20 Mai 2017

Le génie québécois s'attaque à l'électrique


Édition du 20 Mai 2017

Par Denis Lalonde

Les travaux de ­João ­Pedro ­Fernandes ­Trovão, professeur à l’Université de ­Sherbrooke, portent sur la combinaison de deux sources d’énergie – des batteries et des supercondensateurs – afin de rendre les véhicules électriques plus performants.

Quels sont les projets de recherche les plus intéressants en électricité dans le monde des universités et des start-up ? Nous avons donné un coup de sonde et trouvé cinq initiatives qui retiennent l'attention.

Des véhicules électriques plus résistants à l'hiver

Le climat québécois, froid en hiver, pose certains défis pour le transport électrique, tant dans les réseaux que pour les véhicules.

À l'Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), la Chaire de recherche du Canada sur les sources d'énergie pour les véhicules du futur concentre ses activités sur l'amélioration des propriétés des véhicules électriques par temps froid. Lancée il y a un an, la chaire oeuvre tant du côté de la durée des charges que de celui des capacités de stockage des batteries.

«Nous travaillons à toute la thématique des véhicules électriques, mais aussi à celle des véhicules à hydrogène», explique le professeur titulaire de la chaire, Loïc Boulon.

Ce dernier précise qu'en l'absence de grands fabricants au Québec, la chaire vise avant tout les véhicules de niche et produits en petites séries, citant en exemple des travaux effectués en collaboration avec Posi+, qui conçoit des camions élévateurs à nacelle utilisés notamment par Hydro-Québec pour différents travaux sur des lignes de haute tension.

«Normalement, le moteur au diesel doit rester allumé en tout temps afin que le véhicule ait assez de puissance pour bouger la nacelle. Toutefois, si on dote la nacelle d'un dispositif électrique, on peut éteindre le moteur pendant qu'elle bouge, ce qui est bon d'un point de vue écologique, mais également pour la santé des opérateurs, qui vont respirer moins d'émanations de diesel», explique M. Boulon.

Le professeur au Département de génie électrique et de génie informatique précise que la chaire, lancée il y a un an, a déjà fait une phase de travaux, au cours desquels on a comparé les performances de la nacelle à 20 degrés et à -20 degrés Celsius. «Nous avons constaté que, par temps froid, elle avait deux ou trois fois moins d'énergie disponible, que les temps de recharge étaient multipliés par deux et que la dégradation des batteries était plus importante», dit-il.

Des batteries plus efficaces

À l'Université de Sherbrooke, on mène des travaux complémentaires à ceux de l'UQTR depuis un an, à la Chaire de recherche du Canada sur l'hybridation du stockage d'énergie dans les véhicules électriques à haut rendement.

Le professeur titulaire de la chaire, João Pedro Fernandes Trovão, explique que ses travaux portent sur la combinaison de deux sources d'énergie afin de rendre les véhicules électriques plus performants. Il jumelle des batteries et des supercondensateurs.

Les travaux peuvent être divisés en trois : les sources d'énergie, l'électronique de puissance et la motorisation.

M. Trovão, aussi professeur au Département de génie électrique et de génie informatique, explique que les batteries ont, à l'inverse des supercondensateurs, une grande densité d'énergie et une petite densité de puissance. «Nous croyons donc qu'il est possible de prolonger la durée de vie utile des batteries en les jumelant aux supercondensateurs», explique-t-il.

De cette manière, les véhicules solliciteraient davantage les supercondensateurs au cours des accélérations et se reposeraient davantage sur les batteries une fois leur vitesse de croisière atteinte.

Le professeur ajoute qu'il est très difficile, à l'heure actuelle, de trouver un moteur ayant un haut rendement sur toute la plage des vitesses d'un véhicule. «On a des moteurs qui sont adaptés pour les accélérations au démarrage, mais qui perdent du rendement à vitesse élevée. Pour d'autres, c'est l'inverse. Nous essayons de trouver le meilleur des deux mondes», dit-il.

M. Trovão veut également découvrir une façon efficace de transférer l'énergie du freinage aux batteries, ce qui pourrait, selon lui, prolonger la durée des charges de 30 %. «Il y a beaucoup de pertes de ce côté, car on limite la puissance de recharge des batteries pour ne pas les user prématurément», dit-il.

La chaire concentre ses efforts sur les véhicules urbains avec l'objectif d'améliorer l'efficacité des piles de 20 % d'ici la fin de son cycle de recherche, dans quatre ans.

Le dispositif d’EcoTuned permet de convertir des véhicules à essence en véhicules électriques.

La conversion à l'électricité d'un véhicule à essence

Pendant qu'on se penche sur la durabilité et la puissance des batteries, la start-up EcoTuned, installée au Centech de l'École de technologie supérieure (ÉTS), propose de convertir des véhicules à essence en véhicules électriques.

«En 2010, j'ai regardé une vidéo d'accélération sur YouTube où on voyait un petit véhicule électrique battant facilement une voiture à essence. C'est ce qui m'a donné envie de concevoir un moteur électrique performant», raconte le président de la société, Andy Ta. Le dirigeant raconte qu'au départ son plan était d'équiper une petite voiture sport d'un moteur électrique, mais que le projet a migré vers les camionnettes à la suite d'un remue-méninges avec le ministère des Transports du Québec (MTQ).

«La particularité de ce qu'on fait est que le kit de conversion est réutilisable et universel aux camions légers. Pourquoi réutilisable ? Le moteur électrique a une durée de vie de 1 million de kilomètres. Tous les camions légers américains, d'une génération à une autre, utilisent un châssis en forme de H. On vient s'accrocher dessus avec un kit universel», dit le dirigeant.

La technologie doit permettre à certains véhicules du MTQ, qui peuvent parcourir plus de 100 000 km par année, d'avoir une seconde vie. «La garantie du groupe motopropulseur sur ces véhicules est valide jusqu'à... 100 000 km. Le ministère se retrouve donc avec des camionnettes en bon état, mais dont le groupe motopropulseur est usé prématurément. À ce moment, nous installons notre moteur électrique, et le véhicule peut avoir une seconde vie en utilisation urbaine», explique M. Ta.

Quand la camionnette arrive à la fin de sa vie utile, EcoTuned peut retirer le système et l'installer dans un autre véhicule du même type, ce qui permet d'amortir son coût, évalué entre 25 000 et 30 000 $, sur une longue période de temps.

Selon la direction, les coûts pour exploiter et entretenir le système sont de 80 % inférieurs à ce qu'ils seraient si on laissait un moteur à essence dans les véhicules.

L'entreprise mène actuellement un projet pilote sur 10 véhicules du MTQ.

Les mathématiques au service du réseau électrique québécois

Le 3 mai, Polytechnique a lancé la Chaire de recherche industrielle CRSNG-Hydro-Québec-Schneider Electric en optimisation des réseaux électriques intelligents.

«Les réseaux électriques comme celui d'Hydro-Québec sont déjà intelligents, mais tout ça peut être bonifié», dit le professeur titulaire de la chaire, Miguel Anjos.

Ce dernier précise que le réseau d'Hydro-Québec évolue et que la société d'État ne compte plus seulement sur ses grands barrages pour approvisionner le Québec et ses clients de l'extérieur de la province. Cette diversification des sources d'énergie, qui passe par l'éolien, le solaire et le géothermique, complexifie la gestion du réseau, qui devient de plus en plus décentralisé.

«On assiste aussi à l'avènement d'une meilleure capacité de stockage qui, jusqu'à tout récemment, était très limitée. Des batteries de plus grande taille sont conçues notamment par Technologies Esstalion, une coentreprise d'Hydro-Québec et de Sony», raconte le chercheur.

M. Anjos ajoute que l'électrification des transports pourrait avoir un impact significatif sur les réseaux, dans la mesure où l'on parviendra à transférer une grande partie de la consommation de carburants fossiles vers l'électrique. «Si on électrifie les transports, on augmente la pression sur le réseau, mais si on accélère la production décentralisée et si on peut faire du stockage, on la diminue. Dans ce contexte, on a besoin de nouvelles manières de gérer le réseau», dit le professeur du Département de mathématiques et de génie industriel.

Le chercheur insiste sur le fait que le consommateur sera de plus en plus appelé à devenir un acteur important dans cet écosystème. «Les gens dont les maisons sont équipées de panneaux solaires peuvent réinjecter de l'électricité dans le réseau et avoir un rabais en se faisant racheter leurs surplus», dit-il.

La chaire de Polytechnique se penchera aussi sur les pertes d'électricité dans le transit entre les barrages et les foyers de la province. «Il est difficile de dire combien on en perd. Ça varie selon les conditions climatiques et la charge. On veut considérer cet aspect pour réduire les pertes et être capable d'augmenter la quantité d'énergie qu'on peut transporter avec le même réseau», ajoute le chercheur.

D'ici cinq ans, Miguel Anjos aimerait voir une hausse de la quantité de térawattheures qui circulent sur le réseau électrique québécois. Comme il s'agit de grandes quantités, chaque fraction de pourcentage d'amélioration pourrait procurer de grands bénéfices.

La reproduction du cycle du soleil dans les serres agricoles

Un élément qui pourrait contribuer à accroître la pression sur le réseau électrique québécois est le nombre grandissant de serres agricoles, dont la mission est de fournir un approvisionnement local à l'année pour certaines variétés de plantes et de légumes.

La start-up Sollum, fondée en 2015 et installée, comme EcoTuned, au Centech de l'ÉTS, entre en phase de tests à grande échelle pour son logiciel qui permet de reproduire le cycle du soleil en contrôlant des ampoules à diode électroluminescente (DEL). «Nous avons travaillé de près avec des experts en agronomie pour nos essais à petite échelle. Là, on passe à l'étape de la validation en collaborant avec un client [dont le nom n'a pas été révélé] qui veut faire pousser des fines herbes dans un conteneur», explique le président de la société, Louis Brun.

Ce dernier soutient que la taille du marché de la serriculture au Canada et aux États-Unis est d'environ 5 000 hectares (l'équivalent de 10 000 terrains de football) et grossit de 10 % par année.

«Nous voulons améliorer les façons de faire et permettre de varier les productions. Avec notre logiciel, nous pouvons "créer" un lever de soleil au Mexique, un soleil du midi à l'île d'Orléans et un coucher de soleil en Nouvelle-Zélande à partir d'une même source lumineuse. Il deviendrait donc théoriquement possible de faire pousser des kiwis au Québec», explique M. Brun.

Le dirigeant de Sollum est d'avis que tout se jouera sur le plan de la qualité spectrale, car les plantes ont besoin d'un cycle solaire complet, en plus d'une période de dormance, pour mieux résister aux attaques des parasites et aux infections et ainsi fournir une production optimale.

M. Brun souligne que les tests préliminaires de la technologie d'éclairage DEL de Sollum ont permis d'obtenir une hausse de 35 % de la production par rapport aux lampes au sodium (HPS) utilisées dans l'industrie, avec une économie d'énergie pouvant atteindre 80 %.

L'éclairage DEL dégagerait aussi moins de chaleur que les lampes HPS, diminuant du même coup les besoins d'approvisionnement en eau pour la culture.

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