Une histoire de confiance sur trois générations

Offert par Les Affaires


Édition du 21 Octobre 2017

Une histoire de confiance sur trois générations

Offert par Les Affaires


Édition du 21 Octobre 2017

Par Matthieu Charest

Christiane Germain et sa fille Marie Pier [Photo : Martin Flamand]

DOSSIER LES 300 PME - Avant d'être une histoire à succès, les hôtels Germain, c'est avant tout une histoire de famille. Coprésidée par Christiane et Jean-Yves, frère et soeur, l'entreprise compte désormais des dirigeants issus de la troisième génération. Les Affaires a rencontré les coprésidents ainsi que leurs enfants afin de comprendre la manière de permettre une passation sereine des pouvoirs entre les générations.

Bel empire que celui que s'est bâti la famille Germain. D'un premier établissement, une tabagie avec un comptoir-lunch ouvert en 1957 par Huguette et Victor Germain à Québec, la famille dirige aujourd'hui 14 hôtels. D'ici 2020, ce nombre pourrait passer à 20 propriétés. Forte croissance, donc, qui a été menée de front par deux des enfants du couple, la deuxième génération, Christiane et Jean-Yves. Depuis une douzaine d'années, la fille de Mme Germain, Marie Pier, directrice des opérations, ainsi que l'un des fils de M. Germain, Hugo, directeur du développement, ont commencé à travailler pour l'entreprise.

Pourtant, «ce n'était vraiment pas clair que j'allais me joindre au Groupe, affirme Marie Pier Germain de but en blanc. J'ai voulu m'éloigner de tout ça. J'ai obtenu un diplôme en génie mécanique, puis je voulais être professeur de yoga. Je ne savais pas trop ce que je voulais faire dans la vie, se souvient-elle. À un moment donné, toutefois, j'ai eu un flash, une épiphanie, j'ai eu envie de faire partie de l'entreprise. Peut-être y avait-il une place pour moi ?»

«Je n'ai jamais voulu que ma fille soit dans l'entreprise, répond Christiane Germain. Moi, je n'ai pas été forcée de le faire. Je voulais qu'elle choisisse par elle-même. Je ne voulais pas qu'elle sente de la pression. Cela dit, je suis très heureuse qu'elle ait décidé de venir, mais par elle-même, que ce soit un choix naturel.»

À l'inverse, le choix d'Hugo de travailler pour l'entreprise familiale a été une évidence d'aussi loin qu'il se souvienne. «Je me rappelle que j'ai dit un beau matin à mon père que je voulais travailler avec lui. Il m'a dit "D'accord, c'est aujourd'hui que ça commence". Il m'a emmené sur un terrain qui appartenait à la famille et j'ai commencé à tondre des pelouses (rires)».

Gravir les échelons

Oui, il y avait de la place, mais il fallait la gagner. Hugo et Marie Pier n'ont pas été nommés dirigeants du jour au lendemain.

Hugo se souvient de suivre son père dès l'âge de 5 ans. «Ils étaient très impliqués dans l'exploitation. Je me rappelle que je me promenais tout jeune avec lui dans leurs restaurants. Puis, j'ai travaillé pour l'entreprise durant l'été. J'ai été à la réception, au service à la clientèle, j'ai été valet, concierge, etc.»

En sortant de l'université, où il obtient un MBA, Hugo travaille pour Krispy Kreme, qui a tenté une incursion au Québec. Après avoir vécu leur expansion, puis leur faillite, il ferme des magasins, participe à la restructuration. En 2005, son père lui offre de se joindre à lui. Il reprend dès lors le projet de la nouvelle bannière des Germain, les hôtels Alt. Comme son cousin, Marie Pier a aussi de vifs souvenirs de suivre sa mère dans ses activités quotidiennes alors qu'elle était enfant. Elle aussi a dû faire ses classes, en travaillant notamment dans les restaurants des hôtels de sa famille.

«Le chemin n'était pas pavé pour eux, insiste Christiane Germain. Je suis très fière d'elle, mais je suis sans doute plus sévère à son égard parce qu'elle est ma fille. J'ai tellement peur que les gens pensent qu'elle a des passe-droits, que j'ai tendance à serrer la vis un peu plus.»

«C'est sûr que les gens, certains autres employés, auront d'emblée la perception que parce que je suis la fille du boss, je l'ai plus facile. Cependant, parce que j'ai fait mes classes, je pense que cette étiquette ne me colle pas trop à la peau», explique Marie Pier.

Pour son oncle, Jean-Yves Germain, «tu ne dois surtout pas faire l'erreur de dire que parce que c'est mon enfant, c'est lui le patron. Il doit prendre du galon, faire ses preuves, et avoir ce qu'il faut. Ça dépend des qualités de ton enfant. Hugo et Marie Pier, ils ont le talent nécessaire. Je suis ravi de travailler avec eux. On a beaucoup de plaisir».

Un appareillage parfait... et des conflits

Il n'y a pas de recette miracle pour des transferts d'entreprises entre diverses générations d'une même famille, croit Mme Germain. Cependant, il semble que la chance ait été au rendez-vous. Le «fit» entre les parents et leurs deux enfants est excellent, affirme M. Germain, qui se considère comme très privilégié de se retrouver dans cette situation. «Nos parents nous ont fait confiance, et on fait confiance à nos enfants à notre tour.»

Néanmoins, ce sont parfois des visions diamétralement différentes qui s'opposent entre les quatre Germain. «Si nous bénéficions de leur expérience, explique Hugo, il nous arrive de nous obstiner. Et c'est sain. Parfois, nous ne sommes vraiment pas sur la même longueur d'onde, mais on réfléchit, on discute. Ce n'est pas toujours agréable, mais on finit par s'entendre.» Les relations entre les quatre restent au beau fixe. «Ce ne sont pas des étrangers, c'est ma famille, dit Mme Germain. Nous allons quand même passer Noël ensemble», affirme-t-elle, sourire en coin.

Les liens sont tissés serrés au point où le conjoint de Marie Pier trouve qu'elle parle un peu trop souvent à sa mère. «"Tu lui parles encore !"» imite Christiane Germain en riant. Au point où, quand sa fille a fait le tour du monde en voilier, elle l'appelait parfois à trois heures du matin. «Une fois, je devais la rappeler à un numéro qu'elle m'avait donné avant que son téléphone ne perde toute sa charge. J'ai rappelé, et c'était le poste de police local. J'étais bouleversée ! Finalement, ce n'était que le cellulaire d'un agent de police.»

«Il n'y a pas de coupures parfaites entre entreprise et famille, ajoute-t-elle. Nous mélangeons tout, mais nous nous réservons des plages horaires pour le plaisir, c'est important.»

L'épineuse question de l'argent

Qui dit famille en affaires, dit aussi discuter d'argent avec les proches. Un sujet pour le moins tabou encore aujourd'hui. Pour Christiane Germain, cependant, ce n'est pas un sujet sensible. «Jean-Yves et moi sommes encore les actionnaires principaux. Notre entreprise se porte bien, mais c'est une industrie qui demande de réinvestir du capital continuellement ; nous ne sommes donc pas assis sur des montagnes d'or.»

Quant au partage des actions, elle juge qu'ils n'en sont pas encore là. «Les enfants n'ont pas les gros salaires dans l'entreprise. Encore une fois, ils ne doivent pas être perçus comme les "enfants de". Nous devons être cohérents.»

Pour sa part, son frère considère qu'il faut différencier l'actionnariat des gens qui sont hands on dans l'entreprise et qui sont donc rémunérés. «C'est clair que j'ai planifié ça pour mes enfants. Si un d'eux est actionnaire, mais ne travaille pas pour le Groupe, il sera représenté au conseil, mais ceux qui sont impliqués ont droit à des avantages. Si c'est bien fait, clair et bien expliqué, je pense que ça évite les problèmes.»

Une chose est sûre, le coprésident est rassuré de voir que dorénavant, l'entreprise est orientée vers son expansion plutôt que sur la recherche de capital. «Christiane et moi, nous étions à la cenne près, à une certaine époque. Là, ce n'est plus une préoccupation pour les enfants. Nous avons un bon bilan.»

Le conseil de famille

S'ils n'ont pas de plan de transfert établi, leurs enfants ont de la latitude, comme eux à l'époque de la première transition. Pas de plan, mais un conseil de famille toutefois. «Ça fait environ 15 ans que nous avons instauré le conseil, raconte Jean-Yves Germain. Nous venons tout juste d'y intégrer les enfants. Ça nous permet de planifier, de crever les abcès, de sortir le méchant.»

Ce sont donc quatre rencontres par année d'environ une demi-journée où les quatre Germain se réunissent. Un consultant externe est présent pour structurer et guider les rencontres, livrer ses conseils aussi.

«Il faut reconnaître que la relève n'est pas toujours présente dans les entreprises familiales, croit Mme Germain. Nous, nous sommes chanceux. Nous avons les bonnes personnes à la bonne place. Tu as beau avoir un plan, des fois, ça ne marche tout simplement pas.»

Les deux coprésidents actuels ne sont pas prêts à dire que leurs enfants prendront leur place, un jour. Peut-être que oui, peut-être que non. «On verra», finalement. Ils ont bien un plan de relève pour les postes-clés dans l'entreprise, mais sans égard aux liens familiaux.

«Certains entrepreneurs veulent tellement que leurs enfants leur succèdent, mais ils ne l'ont pas. C'est facile de penser à Marie Pier et à Hugo comme futurs coprésidents, conclut Christiane Germain, mais tout dépendra de l'avenir, de la façon dont l'entreprise évoluera.»

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