Dans la tête des entrepreneurs

Publié le 18/10/2011 à 10:57, mis à jour le 19/10/2011 à 15:45

Dans la tête des entrepreneurs

Publié le 18/10/2011 à 10:57, mis à jour le 19/10/2011 à 15:45

Cinq types d'entrepreneur

Si cette même pulsion anime la plupart des entrepreneurs, ils ne sont pas tous semblables pour autant. "Nous sommes allés creuser la psyché des entrepreneurs, dit Youri Rivest, de CROP. Les résultats nous ont permis de dégager cinq principaux types d'entrepreneur."

Chaque type a son étiquette, qui met en relief ses caractéristiques dominantes : "entrepreneur à succès", "cupide anxieux", "amiral", "gestionnaire tranquille" et "artisan". Les entrepreneurs ont été classifiés en fonction d'une combinaison de quatre facteurs : l'entrepreneurship (bâtir et laisser sa trace) ; le stress (conciliation travail- famille, lourdeur inévitable de la direction d'une entreprise) ; le leadership (prises de décisions, attitude face à l'environnement concurrentiel) et la réussite (le statut social conféré par le fait d'être chef d'entreprise).

Près du tiers de notre échantillon (32 %) est constitué d'entrepreneurs à succès. Comme son nom l'indique, celui-ci se distingue surtout par la réussite. "Il aime la réussite, et il veut le montrer", dit Youri Rivest. C'est aussi quelqu'un qui veut bâtir. Il aime l'autorité que lui confère son statut de dirigeant. Pour lui, l'argent est une bonne manière de mesurer la réussite.

On imagine sans peine Guy Laliberté dans cette catégorie et on y retrouve la plupart des femmes de notre échantillon. Rock Legault, qui a rempli le questionnaire, appartient lui aussi à ce groupe, enclin entre autres à s'offrir les plus récents gadgets électroniques et de belles voitures. "Quand j'ai acheté ma BMW, un employé m'a dit : "Bon, enfin ! Ça montre que l'entreprise va bien !"" raconte Rock Legault.

Le cupide anxieux, qui représente 10 % de notre échantillon, est lui aussi motivé par la réussite et l'argent. Pourtant, il se distingue du fait qu'il fait preuve d'un plus grand leadership. Au contraire de l'entrepreneur à succès, il aime prendre des risques. Mais cela a un prix : il est stressé. C'est lui qui perçoit le plus la menace dans un environnement concurrentiel. Il déteste les tâches liées à la gestion de son entreprise, qu'il vendrait si on lui faisait une offre intéressante. "Le cupide anxieux a de très grandes ambitions sociales. Il est prêt à jouer gros pour les réaliser", analyse Youri Rivest.

Marc Dutil reconnaît que l'argent est un facteur de motivation important pour beaucoup d'entrepreneurs. "À ce sujet, je dis à ceux qui étudient à l'École d'entrepreneurship que c'est facile d'améliorer son style de vie. Ce l'est beaucoup moins de revenir en arrière. Assurez-vous d'avoir un style de vie qui ne nécessite pas, dans les périodes creuses, de piger dans les ressources de votre entreprise."

Entrepreneur et fier de l'être ! Cela pourrait être la devise de l'amiral, le dirigeant qui possède le degré le plus élevé d'entrepreneurship et de leadership. Il aime prendre des risques, mais ne prend jamais de décisions seul. C'est aussi un bon chef de famille. "On pense à Jean Coutu !" dit Éric Brunelle, de HEC Montréal. "C'est dans ce segment qu'on retrouve les entreprises qui ont le chiffre d'affaires le plus important", dit Youri Rivest. Les amiraux constituent 22 % de notre échantillon.

Ils sont tout à l'opposé du gestionnaire tranquille. S'il fallait jouer à "cherchez l'erreur" parmi ces entrepreneurs, le gestionnaire tranquille serait la réponse gagnante. Il est l'antientrepreneur, celui qui a abouti à la tête d'une entreprise à son corps défendant, par une combinaison de circonstances improbable. Pour lui, il n'est pas nécessaire d'être son propre patron, et il n'a jamais caressé l'ambition de se lancer à son compte. Il n'aime pas prendre de risques, et préfère de loin les tâches de gestion. Imaginez le comptable d'une entreprise qui se verrait contraint d'en prendre la direction, faute d'un meilleur candidat. "Ou l'associé le moins entrepreneurial du groupe promu président", suggère Luc Brunet, de HEC Montréal.

"Ils représentent 16 % de l'échantillon. C'est beaucoup. Cela m'a étonné", affirme Youri Rivest.

Ils sont moins nombreux que les artisans, la cinquième catégorie. Ces entrepreneurs sont les plus discrets et les moins enclins à mesurer la réussite en fonction de l'épaisseur de leur portefeuille. "Ils se démarquent par leur frugalité et par leur conservatisme. Le travail et l'éthique sont leurs deux leitmotivs", observe Youri Rivest. Les artisans sont nombreux à dire qu'au Québec, les gouvernements travaillent contre les PME. Du coup, on pense à tous ces entrepreneurs qui oeuvrent dans l'industrie agroalimentaire, à ces petits éleveurs spécialisés et à ces fabricants de fromage qui doivent composer avec une lourde réglementation. On pense à Marie-Josée Garneau, du Canard Goulu, qui, dans une citation savoureuse, disait à l'un de nos journalistes, dans le cadre d'un article sur la bureaucratie, que "les inspecteurs du MAPAQ se prennent pour des agents du KGB".

Les artisans ne sont pas seuls à le penser. C'est un sentiment que partagent près des trois quarts de notre échantillon, qui disent avoir l'impression que les gouvernements travaillent contre les PME au Québec.

Ça nous rappelle aussi la croisade de Rock Legault, qui voudrait bien mettre un peu d'ordre sur les chantiers routiers de la province pour améliorer la sécurité de ses employés.

 

 

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