Québec: ses atouts électriques


Édition du 20 Mai 2017

Québec: ses atouts électriques


Édition du 20 Mai 2017

Par François Normand

Technologies de motorisation électrique, tissu industriel diversifié, centres de recherche de haut calibre... Le Québec a de nombreux atouts pour devenir un leader mondial dans le secteur de l'électricité, particulièrement dans le créneau de l'électrification des transports et des véhicules électriques, et ce, même si les défis sont importants.

En mars, le gouvernement libéral a mandaté Alexandre Taillefer, homme d'affaires actif sur plusieurs fronts entrepreneuriaux, dont les taxis électriques, afin de diriger un comité consultatif pour la mise en place d'une grappe industrielle de véhicules électriques et intelligents. L'objectif derrière cette nomination ? Donner de l'élan aux initiatives qui visent à électrifier le Québec et exporter son expertise.

Malgré ses forces, la province doit absolument viser des secteurs de niche pour réussir à se tailler une place dans l'industrie du véhicule électrique, insiste Alexandre Taillefer. «Ça m'apparaît utopique de vouloir lancer demain matin une Tesla au Québec, explique-t-il. Premièrement, on n'a pas les capitaux requis. Deuxièmement, je ne voudrais pas entrer dans une business où on va compétitionner avec des KIA et des Hyundai», ajoute-t-il, en soulignant que le marché de la voiture électrique individuelle «n'est pas porteur» pour le Québec.

Par contre, la province peut certainement tirer son épingle du jeu dans le segment des véhicules électriques spécialisés ou de niche, tels que les camions à ordures ou les autobus électriques.

«Développer des manufacturiers qui vont vendre de 100 à 2 000 véhicules par année de façon profitable est tout à fait envisageable», affirme M. Taillefer.

Les spécialistes en électrification des transports vont dans le même sens. L'approche de niche est la meilleure stratégie à adopter par le Québec, compte tenu de la taille de son économie et de son écosystème financier.

«Les véhicules spécialisés constituent des marchés fragmentés qui ne sont pas contrôlés par une entreprise ou un groupe d'entreprises», explique Benoit Boulet, professeur au Département d'ingénierie électrique et informatique de l'Université McGill.

Les forces du Québec dans l'électricité

Selon plusieurs spécialistes, cette grappe de véhicules électriques de niche a de bonnes chances de faire sa marque, car elle évoluera dans un écosystème - le Québec électrique - qui dispose de plusieurs atouts.

En 2015, le gouvernement a déployé une stratégie d'électrification des transports pour devenir un leader dans le domaine en 2020, grâce à une enveloppe de 420 millions de dollars.

On compte aussi des programmes gouvernementaux incitatifs, sans parler de la présence d'Hydro-Québec, l'un des plus importants producteurs d'hydroélectricité du monde.

Le Québec a aussi des atouts sur les plans industriel et académique, souligne une récente analyse de Montréal International sur la filière du véhicule électrique et intelligent.

Ainsi, la grande région de Montréal compte une quarantaine d'entreprises manufacturières et 3 000 emplois directs et indirects. Parmi ces entreprises, on compte la filiale d'Hydro-Québec TM4 (moteurs et convertisseurs de puissance), AddÉnergie (solutions de recharge) et Autobus Lion (conception d'autobus scolaires électriques).

Le Grand Montréal héberge également une trentaine de centres et de groupes de recherche de haut calibre. À lui seul, l'Institut de recherche d'Hydro-Québec détient 800 brevets et 40 licences dans le secteur.

Par ailleurs, la grande région de Montréal a une culture favorisant «une mobilité urbaine innovante et responsable», souligne Montréal international. Une filiale de la Caisse de dépôt et placement du Québec, CDPQ Infra, pilote par exemple un projet de réseau électrique métropolitain, évalué à plus de 6 milliards de dollars, qui prévoit la construction d'un réseau automatisé de 67 km comportant 27 stations. S'il se concrétise, ce projet figurera parmi les plus longs réseaux automatisés du monde et devrait servir à exporter l'expertise de la Caisse en transport dans le monde.

De son côté, la Société de transport de Montréal veut électrifier tout son réseau d'ici 2025, tandis que Téo Taxi (dont Alexandre Taillefer est actionnaire) exploite déjà une flotte de voitures électriques.

Le Québec et la région de Montréal ont aussi un bassin de main-d'oeuvre hautement qualifiée. À lui seul, le Grand Montréal abrite 11 établissements de haut savoir, tels l'École Polytechnique, l'Institut national de la recherche scientifique et l'ÉTS.

Avec PMG Technologies, le Québec a de même des forces sur le plan de l'essai des véhicules électriques. Depuis une quinzaine d'années, ce centre d'essai et de recherche automobile de Transports Canada teste des véhicules dans des conditions hivernales ou dans des situations où les écarts de température sont importants, à Blainville, sur la Rive-Nord de Montréal.

Un environnement d'affaires concurrentiel

À ces acteurs se greffe un environnement politique, économique et de main-d'oeuvre propice à l'avancement de projets électriques. Le Québec offre des tarifs d'électricité parmi les plus bas en Amérique du Nord, selon les données d'Hydro-Québec et de l'Energy Information Administration (EIA), une agence fédérale américaine.

En avril 2016, le tarif moyen de petite puissance d'Hydro-Québec s'élevait à 9,83 cents canadiens le kilowattheure. À titre de comparaison, ce tarif s'élevait à 27,29 ¢/kWh à San Francisco, en Californie, un État doté d'une grappe de véhicules électriques avec des manufacturiers comme Tesla (automobiles et camions) et Proterra (autobus). À Seattle, juste à côté de l'Oregon, qui a aussi lancé des initiatives liées aux véhicules électriques (Drive Oregon), le tarif est de 11,06 ¢/kWh.

L'économie québécoise a un autre atout : les coûts d'exploitation et les salaires sont très concurrentiels par rapport à ceux de villes comme Burlington, Détroit ou Los Angeles, selon Montréal International. Montréal détient un avantage de près de 12 % par rapport à ces trois villes en ce qui concerne le coût moyen, qui comprend par exemple la fabrication de pièces d'autos, la conception de batteries avancées et le développement de logiciels. Les professionnels sont aussi bien meilleur marché au Québec.

À titre d'exemple, en avril 2016, un ingénieur électrique de Montréal gagnait un salaire médian de 64 602 dollars américains par année, comparativement à 87 130 $ US à Burlington, 92 151 $ US à Détroit et 120 572 $ US à Los Angeles.

Désavantages et éléments à améliorer

Si le Québec a plusieurs atouts, il doit faire face à des facteurs structurels qui le désavantagent dans le secteur des véhicules électriques, selon João Pedro Fernandes Trovão, chercheur à l'Université de Sherbrooke et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l'hybridation du stockage d'énergie dans les véhicules électriques à haut rendement.

L'un de ces désavantages est qu'au Canada, l'industrie de l'automobile est concentrée dans le sud de l'Ontario. Et qu'il n'y a pas de grands constructeurs d'équipements et de pièces pour l'industrie automobile au Québec.

À cet argument, Stéphane Paquet, vice-président investissement Grand Montréal chez Montréal International, rétorque que l'industrie automobile aux États-Unis est concentrée à Détroit, mais que Tesla est établie en Californie.

Un autre élément à améliorer au Québec et dans l'ensemble du Canada est la faiblesse du capital de risque visant à favoriser l'innovation et la croissance dans le secteur des technologies propres, affirme Steven Guilbeault, cofondateur et directeur de l'organisme en environnement Équiterre. «Le gouvernement doit investir, mais l'argent ne doit pas uniquement venir de cette source. Il faut des investissements privés», dit-il, citant une récente étude publiée à ce sujet par Cycle Capital Management, un fonds d'investissement de Montréal.

Toutes proportions gardées, la taille des investissements par ronde de financement représente 56 % de celle des États-Unis. Et l'écart se creuse dans la phase de développement, où cette proportion descend à 45 %, d'après cette étude.

Le Québec comble en partie cette lacune en attirant des investisseurs étrangers. Pour ce faire, il s'appuie sur des organisations comme Montréal International ou Investissement Québec, une société d'État qui joue notamment le rôle de bras financier du gouvernement. En 2016, Investissement Québec a rencontré plus de 60 entreprises actives dans le secteur de l'électrification des transports. «Ces approches ont donné lieu à l'accueil de sociétés étrangères au Québec. Un suivi continu s'effectue auprès de ces entreprises afin de positionner favorablement le Québec», indique sa porte-parole, Chantal Corbeil.

Investissement Québec prend aussi des participations dans des projets d'électrification des transports. Ainsi, en janvier 2016, elle a investi 10 millions de dollars dans une coentreprise avec PSA Peugeot Citroën, la française Exagon Motors et IndusTech, une filiale d'Hydro-Québec, afin de développer des composants pour véhicules électriques.

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