(Photo: 123RF)
BLOGUE INVITÉ. Les raisons d’avoir peur sont évidentes. Il serait difficile de trouver un événement qui cause plus de peur qu’une pandémie. Le coronavirus se répand à travers le monde et force les pays à prendre des mesures pour l’endiguer, ce qui aura un impact majeur sur l’économie mondiale pendant une période difficile à déterminer.
Ajoutez à cela une guerre de prix entre la Russie et l’Arabie Saoudite dans le domaine pétrolier et de nombreux investisseurs paniquent.
Or, la peur a bien servi l’espèce humaine tout au long de son histoire. Si notre ancêtre de longue date voyait un buisson bouger près de lui, mieux valait détaler que prendre le temps d’analyser les probabilités qu’un lion s’y cachait, prêt à attaquer. Dans le cas du coronavirus, la peur est à mon avis une bonne chose puisqu’elle incite les gouvernements et la population de la planète entière à l’action.
Il est ainsi bien difficile de faire fi de millénaires de sélection naturelle favorisant le réflexe de la peur. Il reste que, en matière de placements, la peur est une bien mauvaise conseillère. En ce domaine, mieux vaut se fier à sa raison.
Le marché boursier américain est officiellement un marché baissier (baisse de 20 % ou plus depuis un sommet récent), mettant fin au marché haussier le plus long de l’histoire.
Il est vrai que la situation fait peur et qu’il y a énormément d’incertitude. Il est vrai aussi que les marchés pourraient fort bien continuer de baisser, surtout si le virus poursuit sa progression aux États-Unis et ailleurs dans le monde. Cela dit, l’investisseur devrait garder plusieurs éléments en tête avant de prendre une décision qu’il pourrait fort bien regretter d’ici quelques années.
En premier lieu, il faut se rappeler que les corrections et les marchés baissiers font partie intégrante de l’expérience de l’investisseur à long terme. Qu’on n’ait pas connu de marché baissier depuis 11 ans, voilà ce qui était anormal.
Bien que douloureuses, les fortes baisses sont saines. Elles éliminent les excès et ramènent tout le monde à des attentes plus réalistes. De nombreux titres étaient relativement chers et plusieurs entreprises vedettes perdaient de l’argent.
Aussi, la dette des entreprises a sensiblement augmenté au cours des dernières années à la faveur de taux d’intérêt très faibles. J’ajouterais qu’une certaine complaisance semblait s’être installée chez de nombreux investisseurs depuis quelques mois. Inutile de dire qu’avec la baisse récente, complaisance il n’y a plus!
N’oubliez pas qu’en investissant en Bourse, ce ne sont pas des bouts de papier que vous achetez, mais bien des morceaux de véritables entreprises. Si vous les avez bien choisies et suivies de près au fil des ans, ces entreprises sont probablement en bonne santé financière. Les entreprises les plus fortes s’ajusteront aux conditions difficiles qui se profilent à l’horizon. Elles pourraient aussi émerger plus fortes de cette crise.
Toutes les sociétés ne seront pas affectées également. Certaines entreprises profiteront même de la situation au cours des prochains mois. Certaines industries seront grandement affectées, par exemple celle des voyages; d’autres très peu, dont les détaillants de denrées de base.
Gardez une vision à long terme. Si, comme mon équipe d’investissement et moi-même, vous êtes un investisseur à long terme, votre horizon de placement est probablement de 10, voire 20 ans ou même plus. Je crois qu’il est probable qu’on ne parlera plus du coronavirus dans un an, encore moins dans cinq ans.
Le coronavirus ne change probablement pas grand-chose aux perspectives économiques et boursières des 10 prochaines années. S’il y a une chose, la baisse récente a probablement amélioré les perspectives de rendements de la Bourse à long terme.
Personnellement, je vois les chocs boursiers tels que celui qu’on traverse comme des occasions de rehausser la qualité de son portefeuille de sociétés. Restez à l’affût des occasions qui pourraient se présenter, ou qui sont peut-être déjà présentes, pour acheter les sociétés que vous admirez le plus à bons prix.
Les marchés baissiers sont toujours déplaisants car ils sont empreints d’une grande incertitude. La pire chose à faire est de se laisser guider par la peur. La meilleure est de dompter cette peur en réfléchissant de manière rationnelle.
Je vous laisse sur une citation du regretté Leonard Cohen: «Nous ne pouvons pas vaincre la peur, mais nous pouvons néanmoins y céder de manière telle à lui être supérieur.»
Philippe Le Blanc, CFA, MBA