Établir les conditions pour réussir en Bourse avec un professionnel de l'investissement


Édition du 08 Décembre 2018

Établir les conditions pour réussir en Bourse avec un professionnel de l'investissement


Édition du 08 Décembre 2018

Les gens se demandent souvent pourquoi la majorité des investisseurs institutionnels ne réussissent pas à battre leur indice de référence. Bien sûr, des frais annuels de gestion élevés, souvent de 2 % à 3 % pour des fonds communs de placement, ou des frais de performance élevés pour les fonds de couverture, rendent très difficile la possibilité de battre un indice approprié sur une période significative, notamment sur un cycle boursier complet (disons 10 ans). Mais il y a plus.

Une partie de la réponse tient, à mon avis, dans la compréhension des conditions dans lesquelles se trouve l'investisseur institutionnel (que ce soit un gestionnaire de portefeuille, de fonds communs de placement, de fonds de couverture ou de fonds de pension).

Risques d'intermédiaires dans la gestion de fonds

La clé du succès en investissement est la capacité d'être patient et de ne s'élancer que lorsque les chances sont nettement en notre faveur. Vous vous installez au marbre et vous avez le loisir de laisser passer des centaines de balles difficiles à frapper. Vous attendez que le lanceur soit fatigué ou distrait et qu'il vous lance une balle molle et facile ; c'est à ce moment qu'il faut s'élancer de façon décisive pour un coup sûr (1). Les investisseurs professionnels n'ont pas toujours la chance de pouvoir être très patients, car ils ont des comptes à rendre à leurs patrons ou à leurs clients, souvent à intervalles fixes, des moments un peu artificiels qui n'ont rien à voir avec les occasions et les risques d'investissement. Ils doivent ainsi composer avec la patience et la perception propres à leurs patrons et à leurs clients. Beaucoup réussissent à bien gérer cette relation, mais elle a tout de même le potentiel de créer des distorsions parfois appelées «risque d'intermédiaire» (agency risk).

Voici quelques exemples de «biais»/désavantages des gestionnaires de fonds et des gestionnaires de portefeuilles généralement reconnus (2) :

- Risque de carrière : il y a une tendance chez certains professionnels à vouloir faire comme tous les autres gestionnaires, car, sur le plan de la carrière, mieux vaut tomber en même temps que tout le monde lorsqu'on se trompe ou lorsqu'il y a une crise, plutôt que de sortir sa tête du lot avec une idée originale ou à contre-courant et ainsi risquer d'être le seul à se tromper ; cela augmente les chances de perdre son emploi ou ses clients. Il y a un ratio «Risque de carrière/Probabilité de rendement supérieur» favorable à rester plus conservateur, à imiter les autres ou à se «coller» sur un indice, c'est-à-dire ne pas trop s'éloigner des titres qui composent son indice de référence ;

- Gestion des liquidités d'un fonds commun d'actions : souvent, lorsqu'il y a une forte correction en Bourse et que les occasions d'achats deviennent plus nombreuses, les clients paniquent et retirent leur argent, forçant le gestionnaire du fonds à vendre pour créer de la liquidité alors qu'il devrait acheter, ce qui désavantage le gestionnaire de fonds ;

- Tendance à vouloir conserver les apparences (par exemple, faire des transactions qui paraissent bien dans un rapport de fin de mois, comme acheter des titres populaires dont le prix a déjà beaucoup monté ou vendre un titre qui a fortement chuté), indépendamment des perspectives (window dressing) ;

- Optimisme excessif et excès de confiance en soi ;

- Propension naturelle à vouloir grossir la taille de l'actif sous gestion : passé un certain point, plus un fonds grossit, plus il est difficile de bien performer, car plus limitées sont ses options d'investissement à fort potentiel. Ainsi, certains des meilleurs gestionnaires ferment leur fonds aux nouveaux clients pour en limiter la taille.

S'inspirer du Buffett Partnership

Les investisseurs institutionnels rendent un service important et utile, mais il faut être conscient des risques des intermédiaires et prendre des mesures pour pallier la situation. Cela requiert du professionnel une très bonne communication avec ses clients. Dans le cas de la gestion privée de portefeuille, il est nécessaire, à mon avis, qu'il y ait une entente initiale claire avec les clients sur la philosophie de gestion et sur les conditions et les mesures du succès. Warren Buffett, dans ses jeunes années à la tête du Buffett Partnership (1956-1969), remettait à ses clients les sept «Ground Rules» ou règles fondamentales (3), qui énoncent les grandes lignes de sa philosophie de placement et comment il voulait être jugé. J'invite le lecteur à les consulter.

Chaque professionnel devrait établir ses propres règles fondamentales. Par exemple, chez Préfontaine Capital, nous nous entendons avec nos clients sur la nécessité fondamentale d'investir comme propriétaire à long terme dans des entreprises et non de jouer à la Bourse dans un effort futile d'essayer de prédire ses mouvements à court terme. Nous diminuons une certaine partialité en étant nous-mêmes investis dans les mêmes titres que nos clients. Nous nous entendons sur le fait que la quantité de transactions ne reflète pas la quantité de travail accompli pour un client et que certains titres pourront demeurer de très nombreuses années dans un portefeuille. C'est la qualité du jugement et non la quantité d'activité qui donnera un bon résultat. Les clients doivent aussi accepter qu'il y aura des périodes où notre style de gestion sera en défaveur, notamment lors des excès d'euphorie boursière, et où nous sous-performerons. Ils doivent s'attendre à ce que certains achats d'actions d'entreprises puissent sembler à première vue peu évidents ou même inconfortables. Accepter que nous ne pourrons pas et n'essayerons pas de prédire les crises ou les krachs boursiers, mais que nous nous concentrerons sur la qualité des entreprises dans lesquelles nous investissons. Nous nous entendons également sur les objectifs du client, comment les atteindre, et sur la façon d'évaluer le succès du portefeuille et le travail du gestionnaire, de façon à lui permettre d'être patient.

(1) Sur ce sujet, je recommande la lecture du livre du professeur William N. Thorndike: The Outsiders, Harvard Business Review Press, 2012, qui décrit la remarquable carrière de huit PDG et comment leur grande patience leur a permis de générer des rendements hors norme sur de longues périodes.
(2) Voir, par exemple, Financial Behavior: Players: Services, Products, and Markets, H. Kent Baker, Greg Filbeck et Victor Ricciardi, Oxford University Press, 2017.
(3)Warren Buffett’s Ground Rules, Jeremy C. Miller, Harper Collins, 2016.

EXPERT-INVITÉ
Stéphane Préfontaine, LLM, MBA, est président de Préfontaine Capital inc.

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