Une leçon de finance tirée de la Série mondiale de baseball


Édition du 14 Janvier 2017

Une leçon de finance tirée de la Série mondiale de baseball


Édition du 14 Janvier 2017

Par Michel Villa

Le gérant des Cubs de Chicago, Joe Maddon, discute avec son releveur numéro un, Aroldis Chapman, lors de la série mondiale de novembre dernier.

En novembre 2016, les Cubs de Chicago, une franchise des Ligues majeures de baseball, ont remporté la Série mondiale en battant les Indians de Cleveland en sept parties. Évidemment, avec un tel résultat, il est difficile de condamner ouvertement le travail de Joe Maddon, le gérant de l'équipe. Toutefois, ses décisions douteuses lors des deux dernières rencontres ont bien failli coûter le championnat à son organisation.

En premier lieu, malgré une avance confortable de cinq points lors du sixième match de la série, il a fait appel aux services d'Aroldis Chapman, son lanceur de relève étoile. En général, un releveur numéro un est utilisé dans des situations cruciales, c'est-à-dire lorsque le pointage est serré. Joe Maddon courait donc le risque de fatiguer inutilement le bras de son as releveur, le rendant ainsi moins efficace pour un éventuel septième match. En second lieu, lors de la neuvième manche de la partie ultime, il a opté pour un jeu inusité lorsque les deux équipes étaient à égalité. Avec un coureur installé au troisième but, Joe Maddon a commandé un amorti (l'objectif étant de rabattre la balle vers le sol pour la faire bondir de quelques mètres) au frappeur Javier Baez, malgré le fait qu'il avait un compte de deux prises contre lui, une stratégie à faible probabilité de succès. Son intention était que Baez surprenne la défensive adverse, permettant ainsi à son coéquipier de croiser le marbre pour marquer un point, ce qui ne s'est malheureusement pas produit.

Heureusement pour Joe Maddon, son équipe a finalement remporté le duel en 10e manche, lui épargnant ainsi des critiques face à la qualité de ses décisions. Le lendemain, la communauté sportive a plutôt souligné le fait que les Cubs de Chicago sont devenus champions, une première en 108 ans. Selon moi, la primauté du résultat sur le processus est un phénomène fréquent, autant dans le sport qu'à la Bourse.

«Une victoire est une victoire. C'est le résultat qui compte.»

- Suzanne Martel, journaliste et romancière québécoise

Michael M. Pompian, gestionnaire de patrimoine de renom, définit le biais de résultat comme la tendance à choisir un gestionnaire de portefeuille ou un outil financier uniquement en fonction des rendements passés, négligeant ainsi l'analyse rigoureuse des facteurs justifiant la performance antérieure. Tout comme pour Joe Maddon, c'est le résultat qui importe. En procédant ainsi, il est possible d'alléger notre processus décisionnel et de préserver notre énergie, entre autres parce qu'il existe des milliers d'occasions d'investissement. Par exemple, un investisseur achètera des parts d'un fonds commun de placement ayant procuré un rendement exceptionnel lors des cinq dernières années ; sa décision est fondée strictement sur ce fait.

Cependant, à la Bourse, le passé n'est pas garant de l'avenir. C'est pourquoi il faut miser sur d'autres critères que le rendement, sans quoi notre performance à long terme en souffrira. À titre d'exemple, plusieurs investisseurs se fient au système de cotation Morningstar (de une à cinq étoiles) lorsqu'ils choisissent un fonds commun de placement. Malheureusement, selon Spencer Jakab, chroniqueur boursier au Wall Street Journal, parmi les 248 membres du groupe cinq étoiles en 1999, seulement quatre ont conservé ce classement après une décennie. De plus, 87 d'entre eux ont disparu.

De plus, il peut être tentant d'investir dans les premiers appels publics à l'épargne (PAPE). Considérant les rendements explosifs qu'ils procurent parfois dès leurs premières séances de négociation, de nombreux investisseurs présument à tort que ces actions représentent nécessairement des placements judicieux à long terme. D'après une étude menée par deux chercheurs de la London Business School, la performance moyenne enregistrée par un PAPE pour les deux années qui suivent son entrée en Bourse a été inférieure de 27 % à celle générée par un indice de référence pertinent.

Afin de contrer les conséquences du biais de résultat, il est recommandé d'adopter une philosophie de gestion axée sur des critères de sélection éprouvés, et ce, peu importe le type d'analyse utilisée (fondamentale, technique, quantitative). Advenant votre manque d'intérêt ou de temps, il serait alors préférable de céder la gestion de votre portefeuille à un professionnel de la finance, l'objectif étant de favoriser un processus de qualité plutôt que la quête incessante de rendement.

 

EXPERT INVITÉ

Michel Villa, est un CFA, trader, formateur et conférencier sur la Bourse. Il publie sur son site Web michelvilla.com.

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