Santé : des défis pour les épiciers


Édition du 20 Avril 2019

Santé : des défis pour les épiciers


Édition du 20 Avril 2019

Par Dominique Beauchamp

ANALYSE. – Aucune industrie n'est à l'abri de bouleversements majeurs. Les habitudes de consommation se transforment, les nouvelles technologies redéfinissent les règles du jeu, l'arrivée de concurrents chamboule l'ordre établi, si cela existe encore.

Les épiciers canadiens pourraient bien devoir composer avec un nouveau défi, celui posé par le projet du gouvernement fédéral de créer une Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé ainsi qu'un régime national d'assurance-médicaments.

Si l'accès élargi aux médicaments peut représenter une occasion pour les épiciers- pharmaciens Loblaw/Shoppers (L, 66,54 $), Metro/Jean Coutu (MRU, 50,24 $) et Empire/Sobeys/Lawton (EMP.A, 30,20 $), l'imposition de prix moins élevés par le gouvernement comporte un risque pour les marges, croit Keith Howlett, de Desjardins Marché des capitaux.

«Le nouveau régime sera d'actualité pour au moins cinq ans, à moins que les conservateurs remportent les élections de l'automne. Les libéraux recherchent des économies annuelles de 3 milliards de dollars tandis qu'un autre projet néo-démocrate estime à 4,2 G$ les économies potentielles de l'achat national de médicaments.

Cela n'a rien de fantaisiste; les études montrent que les prix des médicaments des grandes marques sont 20 % plus élevés au Canada que dans les autres pays industrialisés.

Pas la catastrophe américaine, mais...

Bien que les régimes de santé américain et canadien divergent sur plusieurs points de vue, on ne peut s'empêcher d'évoquer ce qui s'est produit aux États-Unis. Les changements dans le taux de remboursement des médicaments et des soins ont provoqué là-bas d'importantes manoeuvres sur l'échiquier de la santé.

Le pharmacien CVS Health (CVS, 52,36 $ US) a acquis le gestionnaire de soins Caremark et l'assureur Aetna afin d'offrir des services facturables élargis et d'accroître son pouvoir de négociation, rappelle l'analyste.

M. Howlett n'entrevoit pas de bouleversement de cette envergure au Canada, un régime d'assurance-médicaments étant déjà bien implanté au pays, particulièrement au Québec.

L'analyste croit tout de même que les pharmacies canadiennes devront innover, expérimenter et se transformer afin de contrebalancer de nouvelles pressions sur le taux de remboursement des médicaments. Pour cela, elles n'ont pas de levier, ou bien peu. «Obtenir le remboursement d'un nouveau service est un défi (au Canada)», soutient M. Howlett. Le financier se demande maintenant si l'incursion des épiciers dans le secteur de la pharmacie portera les fruits escomptés. La croissance à laquelle s'attendent les investisseurs en raison du vieillissement de la population sera-t-elle compromise par l'initiative du gouvernement fédéral ?

L'évaluation de CVS Health et de Walgreens Boots Alliance (WBA, 53,76 $ US) s'est effondrée depuis cinq ans. En plus de ralentir, la croissance de leurs bénéfices est devenue plus imprévisible. Le ratio cours/bénéfices de ces deux géants est passé de plus de 20 fois à moins de 9 fois depuis 2014, précise M. Howlett, graphique à l'appui.

Au deuxième trimestre, Walgreens Boots Alliance a vu ses profits bruts par prescription diminuer de 9,3 % en dépit d'une hausse de 6,4 % du nombre de prescriptions et d'une énorme part de marché de 22,3 % aux États-Unis.

Loblaw, Metro et Empire

M. Howlett estime à 40 % la part du bénéfice d'exploitation que Loblaw tire de Shoppers Drug Mart/Pharmaprix. Cette proportion est de 30 % pour Metro et de 17 % à 18 % pour Empire.

Avec le plus grand nombre de pharmacies (1 837), Loblaw considère que les «soins de santé connectés» représentent pour elle un vecteur de croissance à long terme. Le commerçant devra toutefois trouver le moyen d'intégrer des services qui sont encore éparpillés, estime M. Howlett. On pense aux cliniques de soins, aux conseils de saine alimentation, aux dossiers patients électroniques et au programme de loyauté.

Metro est mieux protégée contre les effets éventuels de l'implantation d'un régime national d'assurance-médicaments. Une telle assurance est déjà implantée dans son principal marché, le Québec. La province pourrait aussi choisir de ne pas participer au régime national. L'épicier compte 660 pharmacies, soit un peu plus du tiers seulement que son concurrent ontarien.

Le propriétaire des épiceries Sobeys/IGA, Empire, sera le moins touché des trois par l'éventuelle réforme. L'épicier exploite seulement 426 pharmacies Lawton. «Ces pharmacies font néanmoins de très bonnes affaires dans les deux marchés où Sobeys domine, soit dans les Maritimes et dans l'Ouest», souligne M. Howlett.

Les épiciers peuvent tirer leur épingle du jeu grâce aux ventes de marchandises générales de leurs pharmacies, reconnaît l'analyste. La nouvelle offensive fédérale survient néanmoins au moment où la croissance du bénéfice d'exploitation des épiciers et des pharmaciens ralentit déjà, poursuit-il.

Ces perspectives n'ont pas empêché leur évaluation en Bourse de gonfler, leurs titres servant de refuge quand la conjoncture économique inquiète. L'action de Loblaw s'échange à un multiple de 15,2 fois le bénéfice prévu en 2019, le plus élevé depuis 2015. Le multiple d'évaluation de Metro, de 16,4 fois, est aussi à un sommet depuis la mi-2016. La société de portefeuille Empire se négocie davantage en fonction du bénéfice d'exploitation. Son multiple de 8 fois ce bénéfice est aussi à son niveau le plus haut depuis 2016.

Sans sonner l'alarme, M. Howlett enjoint ses clients de faire preuve de prudence, car les cours des épiciers incorporent déjà leurs bons coups, mais reflètent encore peu les dangers potentiels auxquels pourraient être exposées leurs marges et leur croissance.

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