Le libre-échange, nouvel épouvantail politique aux États-Unis

Publié le 11/03/2016 à 06:42

Le libre-échange, nouvel épouvantail politique aux États-Unis

Publié le 11/03/2016 à 06:42

Par AFP

[Photo: Bloomberg]

Le président Barack Obama en a fait le coeur de sa politique économique mais les prétendants à sa succession ne veulent pas en entendre parler: le libre-échange a spectaculairement perdu la cote aux États-Unis.

Dans le pays chantre de la mondialisation, l'abolition des barrières commerciales compte ainsi de farouches détracteurs parmi les candidats à l'investiture présidentielle, chez les démocrates mais aussi, de manière plus surprenante, côté républicain.

Poussée sur sa gauche par son rival Bernie Sanders, Hillary Clinton a ainsi affirmé que les accords de libre-échange avaient « l'air souvent fantastiques sur le papier », mais que leurs résultats n'étaient pas toujours « à la hauteur ».

Après avoir tergiversé, la favorite des primaires démocrates a même formellement déclaré son opposition au traité de libre-échange récemment signé par les États-Unis et 11 pays de la région Asie-Pacifique (TPP). « Je ne crois pas qu'il remplisse les critères élevés que j'avais fixés », a-t-elle tranché.

Bernie Sanders va plus loin. Ces accords sont un « désastre pour les travailleurs américains » et contribuent à un « nivellement par le bas » favorable aux grandes entreprises, affirme le sénateur socialiste qui vient de remporter l'État du Michigan (nord), durement touché par la désindustrialisation.

De l'autre côté de l'échiquier, le ton est à peine différent. Donald Trump, qui fait la course en tête chez les républicains, martèle que les accords commerciaux actuels « n'apportent rien de bon » et promet des mesures protectionnistes contre la Chine ou le Mexique.

Son principal rival, Ted Cruz, est plus bien modéré mais il a toutefois refusé en 2015 de voter en faveur d'une procédure d'accélération des négociations commerciales.

Inquiétudes

Cette rhétorique et l'écho qu'elle rencontre commencent à « inquiéter » les milieux d'affaires, très attachés au libre-échange, reconnaît-on chez le puissant lobby patronal de l'US Chamber of Commerce. « Les remèdes proposés sont pires que la maladie », assure à l'AFP un de ses vice-présidents, John Murphy.

Ce nouveau ton tranche également avec les récentes décennies pendant lesquelles les États-Unis ont défendu l'ouverture des frontières commerciales et l'accélération des échanges, faisant fi des alternances politiques.

Le démocrate Bill Clinton a ainsi paraphé en 1994 le traité de libre-échange Nafta avec le Mexique et le Canada tandis que son successeur à la Maison Blanche George W. Bush a multiplié les accords commerciaux.

Barack Obama a prolongé cet héritage en s'engageant dans deux vastes accords régionaux: le TPP et son équivalent européen, le TTIP. « Un commerce juste et libre est porteur de millions d'emplois américains bien payés », assurait-il en 2013.

Trois ans plus tard, les électeurs américains en semblent de moins en moins persuadés.

« Nous voyons les conséquences de ces politiques commerciales qui ne sont jamais attachées à aider les Américains à s'adapter à la montée en puissance de la concurrence économique mondiale », affirme à l'AFP Edward Alden, expert au Council on Foreign Relations.

C'est dans l'industrie manufacturière américaine que le libre-échange est accusé d'avoir causé le plus de dégâts. Depuis 1994, le nombre de salariés du secteur, souvent des emplois peu qualifiés, a fondu de près de 30%.

« Il y a beaucoup de gens qui n'ont pas profité de la mondialisation et qui montrent dans cette élection à quel point ils sont en colère », poursuit M. Alden.

L'opacité des négociations commerciales contribue également à alimenter la méfiance.

« L'époque où (...) on sortait avec un accord et que les gens disaient +ok, ça me va+ » est révolue. Les gens veulent être impliqués, ils veulent de la transparence", a admis mercredi la commissaire européenne au Commerce Cecilia Malmström, de passage à Washington.

Si ce changement de cap se confirmait, les Européens, déjà confrontés au scepticisme de leur population, et les États signataires du TPP auront en principe fort à faire avec le prochain pensionnaire de la Maison Blanche.

Mais les discours de campagne ne survivent pas toujours à la realpolitik. « On est habitué », assure M. Murphy, citant l'exemple du candidat Obama de 2008 alors très critique sur le libre-échange. « Le nouvel occupant du Bureau ovale se rend souvent compte que le commerce est un outil nécessaire pour la prospérité américaine », assure-t-il.

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