Haïti: les priorités de la reconstruction

Publié le 22/01/2010 à 20:29

Haïti: les priorités de la reconstruction

Publié le 22/01/2010 à 20:29

La reconstruction devra favoriser les Haïtiens. PHoto: Bloomberg.

Devant l’ampleur de la catastrophe et la spécificité conjoncturelle haïtienne, les priorités en matière de reconstruction sont évidemment multiples. Que privilégier?

Les coûts seront énormes. Réunis en rencontre de travail en République dominicaine, des représentants internationaux, dont le ministre d’État des Affaires étrangères du Canada, Peter Trent, ont estimé que le coût de la reconstruction d’Haïti pourrait s’élever à plus de 10 milliards $ sur cinq ans.

Daniel Holly, professeur spécialisé en relations internationales au département de science politique de l’UQAM estime qu'il faut plutôt parler de construction... «Ce pays n’a jamais été vraiment construit, affirme-t-il. En Haïti, tout est priorité, tout est urgence. Par où commencer? En fait, il faut commencer par tout.»

Lesaffaires.com a demandé l’avis de deux experts de la situation haïtienne, sur ce qu’ils considèrent primordial pour reconstruire Haïti à long terme.

1. Remettre l’appareil d’État sur pied

Plusieurs cadres supérieurs de la fonction publique ont probablement perdu la vie au moment du tremblement de terre. «Il y aura une faiblesse dans l’appareil de l’État en termes de cadres disponibles, affirme Daniel Holly, professeur spécialisé en relations internationales au département de science politique de l’UQAM. «L’un des objectifs devrait être un programme accéléré de mise à niveau pour les fonctionnaires qui sont en place et qui ont survécu. Également, des programmes de formation à moyen terme, pour faire en sorte que la fonction publique dispose du personnel compétent nécessaire.»

Dans la foulée, Daniel Holly, membre de la communauté haïtienne, estime que les faiblesses institutionnelles au niveau de l’administration publique devraient être prises en compte pour s’assurer qu’au bout du compte, «cette administration publique, après avoir atteint un certain niveau de compétence, soit effectivement le bras d’exécution des politiques définies à la fois par l’aide internationale et par l’État haïtien». Selon lui, il est difficile d'imaginer de faire tourner l’appareil d’État en Haïti avec le personnel en place et d'imaginer qu’une administration publique compétente et efficace puisse fonctionner à court terme ou à moyen terme.

«Il faut s’assurer qu’on donne au gouvernement une capacité démocratique et des moyens d’intervenir et que les Haïtiens soient au plus fort de la mêlée en termes de partie prenante», affirme le directeur général par intérim d’Oxfam Québec, Michel Verret.

2. Loger et nourrir la population

Après la phase «urgence de première ligne», c’est-à-dire sauver des vies, il faut donner le minimum au peuple pour le maintenir en vie et s’assurer qu’il se redresse (soins, eau, nourriture, abri, structures sanitaires minimales), note M. Verret.

D’autant plus que la saison des pluies arrive à grands pas et qu’en raison du déboisement du pays, la ville de Port-au-Prince est fréquemment inondée. Il est donc urgent de procurer des logements au 1,5 million de gens qui sont dans les rues, selon M. Holly.

Selon Michel Verret, on ne peut pas demander aux Haïtiens de vivre sous la tente pour les quatre prochaines années pendant qu’on réfléchit à un plan de reconstruction. «Il y a une transition qu’il faudra en mettre place rapidement pour que les conditions s’améliorent, que la vie redevienne plus décente et qu’elle continue.»

3. Redonner l’accès au crédit et à l’emploi

Autre priorité, organiser un système de crédit qui servira à restaurer le secteur commercial, car le peuple haïtien ne peut s’en remettre indéfiniment à l’aide humanitaire pour assurer son approvisionnement. Et que faire des commerçants qui ont tout perdu et qui sont probablement endettés?, demande Daniel Holly. «Faut-il subventionner les banques haïtiennes détentrices de ces créances pour qu’elles les annulent et leur donner les moyens d’accorder des lignes de crédit pour facilité la réouverture des maisons de commerce?», demande l’expert en relations internationales.

«En même temps, pensez aux provinces qui dépendaient de Port-au-Prince pour les directives administratives, pour les questions bancaires et de crédit. La tâche est colossale.»

Avec les paysans déstabilisés devant la saison des récoltes qui commencera bientôt et les gens de Port-au-Prince qui n’ont plus de travail puisque leur commerce s’est effondré, il y a un énorme manque à gagner en termes de création d’emploi. Michel Verret espère que les efforts de reconstruction se feront dans un esprit de création d’emploi.

4. Relancer l’agriculture

À moyen terme, la relance de l’agriculture est primordiale, notamment de la production rizicole. Pour ce faire, Daniel Holly suggère que les organisations internationales qui règlement le commerce international autorisent le gouvernement haïtien à imposer des quotas d’importation ou des barrières tarifaires à l’entrée du pays, afin de permettre pendant un certain temps de reconstituer la capacité productive en matière de production rizicole. Cela permettrait de diminuer à terme des coûts de production du riz en Haïti qui sont actuellement trop élevés pour concurrencer le riz importé.

«Haïti est incapable d’assurer l’approvisionnement alimentaire de sa population. Elle dépend de plus de 50% des importations en provenance de la République dominicaine et d’ailleurs. Alors on ne peut pas définir la relance de l’économie haïtienne de façon à ce que cette dépendance perdure», soutient M. Holly.

5. Assurer la coordination des efforts de reconstruction

L’un des principaux défis lorsqu’il est question d’aide internationale et de reconstruction qui impliquent plusieurs bailleurs de fonds et intervenants est d’assurer la coordination de la démarche de chacun afin d’éviter les redondances, les projets désarticulés et même, les aberrations.

«La coordination sera un exercice de tous les jours et de patience. Il est primordial de s’assurer que tout est coordonné, que chacun joue son rôle sans empiéter sur l’autre, mais en complémentarité», affirme Michel Verret.

En prévision de la conférence internationale du 25 janvier, celui qui a fait plusieurs missions en Haïti au fil des ans, paraphrase son confrère Robert Fox, directeur général d’Oxfam Canada : «On ne peut pas bâtir Haïti sans les Haïtiens et mettre de côté le fait qu’il y a des organisations [ONG] qui sont en Haïti depuis 25-30 ans et qui ont tissé des liens avec les Haïtiens.»

Une conférence internationale

Montréal sera l’hôte d’une importante réunion qui traitera de la reconstruction d’Haïti lors de laquelle se réuniront les représentants de 11 pays «amis d’Haïti», des Nations unies et des institutions financières telles que la Banque mondiale, le 25 janvier.

L’objectif de cette rencontre diplomatique est de préparer le terrain pour une réunion internationale sur la reconstruction d’Haïti qui aura lieu dans les prochaines semaines, probablement en République dominicaine.

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