Empire-IGA mise gros sur le concept de la ferme à la table


Édition du 06 Octobre 2018

Empire-IGA mise gros sur le concept de la ferme à la table


Édition du 06 Octobre 2018

Par Dominique Beauchamp

[Photo: 123RF]

Cinq ans après l'achat malheureux de Canada Safeway, Empire Co. (EMP.A, 23,80 $) saute à nouveau dans l'arène avec Farm Boy, une petite chaîne à forte croissance en Ontario.

Interpellé sur Twitter par une cliente qui l'a enjoint «de ne pas toucher à l'offre de produits frais et de marques privées, ou sinon...», le nouveau PDG Michael Medline a rapidement promis, lors de la téléconférence qui a suivi l'annonce : «Je peux vous assurer que nous n'allons pas bousiller celle-ci.»

Le propriétaire des épiciers Sobeys et IGA se sent à l'aise d'avaler une nouvelle proie, étant donné qu'il est rendu à mi-parcours de son plan de rationalisation Sunrise, d'une valeur de 500 millions de dollars.

«La transaction suggère que la direction est optimiste de pouvoir mener tous ses projets de front», indique Irene Nattel, de RBC Marchés des Capitaux. Elle fait référence à Sunrise, au rajeunissement des 91 épiceries au rabais FreshCo., en Ontario, au lancement de cette enseigne dans l'Ouest en 2019, ainsi qu'à l'implantation d'une plateforme d'épicerie en ligne.

De plus, l'achat de Farm Boy et de ses 26 épiceries au coût de 800 M$ est beaucoup plus digestible que celui de Safeway, pour 5,8 milliards de dollars, conclu en 2013.

Farm Boy équivaut à seulement 2 % du chiffre d'affaires d'Empire, précise Michael Van Aelst, de TD Valeurs mobilières.

Les analystes restent prudents

Si les huit analystes consultés perçoivent tous les mérites stratégiques de cet achat, ils ne relèvent pas leurs recommandations pour autant. Mark Petrie, de Marchés mondiaux CIBC, juge que le prix fort payé (un multiple record de 14,1 fois le bénéfice d'exploitation attendu en 2020) neutralise ses bénéfices à court terme. «La transaction est hautement stratégique, mais il nous est impossible de ne pas reprendre notre souffle à la vue du prix offert», dit-il.

Cette acquisition, combinée aux autres mesures de relance de l'entreprise, améliorera les chances d'Empire de récupérer les parts de marché perdues et de relever ses marges à plus long terme, espère tout de même l'analyste.

«Empire est de toute évidence fort optimiste à l'égard des possibilités de croissance de Farm Boy. La société a aussi voulu couper court à tout risque de surenchère», croit M. Van Aelst.

Keith Howlett, de Desjardins Marché des capitaux, apprécie l'audace d'Empire, mais reste sur ses gardes. «Farm Boy est certainement la formule d'épicerie la plus excitante en Ontario, mais le grand défi du concept "de la ferme à la table" est justement de maintenir la qualité et la fraîcheur des aliments lorsque le volume grossit», prévient-il.

De plus, Empire doit encore livrer la majeure partie des fruits du plan de redressement en 2019 et en 2020.

Mme Nattel est plus indulgente. Le prix payé est élevé, convient-elle, mais Farm Boy est rentable et Empire achète ainsi de la croissance. Le savoir-faire en immobilier, en approvisionnement et en logistique d'Empire assure que le plan d'expansion sera réalisé, dit-elle.

D'autant plus que les deux premiers dirigeants de Farm Boy restent en place et réinvestissent une partie de leur pactole pour détenir 12 % de celle-ci pour au moins cinq ans.

Un oeil sur Amazon

Beaucoup plus optimiste que ses collègues, Patricia Baker, de Banque Scotia, signale que Farm Boy a accru les ventes de magasins comparables à un rythme annuel de 5,4 % de 2014 à 2017, soit quatre fois la cadence de ses semblables canadiens. La chaîne prévoit aussi doubler sa taille, ses revenus et ses bénéfices d'ici cinq ans, et remédiera à la faible présence de Sobeys dans le convoité marché urbain de la région de Toronto.

Farm Boy n'avait pas l'intention de percer ce marché très concurrentiel, mais le grand succès du premier magasin de Whitby, où les ventes sont de 35 % plus élevées que celles du reste de la chaîne, l'ont convaincue d'ouvrir deux autres établissements à Toronto, explique Mme Baker.

L'influence d'Empire auprès des promoteurs immobiliers l'aidera à trouver de bons emplacements, ajoute-t-elle.

Farm Boy se distingue aussi par ses produits frais, qui constituent 86 % de son offre. Quelque 500 produits de marque privée, dont 8 de ses 10 meilleurs vendeurs, lui procurent 39 % de ses revenus. Les plats cuisinés représentent quant à eux 17 % des ventes.

Afin de bien profiter de l'avantage de différentiation et des marges de ce modèle d'affaires, Empire prévoit convertir certains magasins traditionnels Sobeys en marchés Farm Boy. Elle veut aussi intégrer à sa nouvelle plateforme de commande en ligne et de livraison d'épicerie une boutique virtuelle consacrée aux marques privées de Farm Boy. Le centre de distribution robotisé sera construit au printemps 2020 en partenariat avec la britannique Ocado.

Jim Durran, de Barclays, voit dans cette nouvelle stratégie une première riposte à l'arrivée des 14 épiceries haut de gamme Whole Foods et au futur lancement du service AmazonFresh, au Canada. «Les aliments frais et locaux, conjugués à une expérience client soignée, sont un bon rempart contre Amazon. Les prix de Farm Boy sont inférieurs de 20 % à ceux de Whole Foods», souligne-t-il.

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