Canam et Lumenpulse: la Bourse, «qu'ossa» donne pour le Québec?

Publié le 28/04/2017 à 09:47

Canam et Lumenpulse: la Bourse, «qu'ossa» donne pour le Québec?

Publié le 28/04/2017 à 09:47

Par Stéphane Rolland

Photo:123rf

Le marché boursier perd deux entreprises québécoises. Embourbées dans des difficultés «temporaires», Canam et Lumenpulse ont annoncé jeudi qu’elles quittaient la Bourse afin de se retirer du regard des actionnaires impatients. Les deux transactions ramènent l’attention sur la présence des entreprises québécoises à la Bourse et leur impact sur l’économie.

Michel Magnan, professeur à l'École de gestion John-Molson de l'Université Concordia, comprend pourquoi les deux sociétés ont fait ce choix. Au-delà de ces cas particuliers, il y a cependant des retombées négatives lorsque des sociétés québécoises décident de bouder la Bourse, selon lui. «Le Québec est déjà peu représenté à la Bourse, commente le spécialiste de la gouvernance. C’est une mauvaise nouvelle pour Montréal en tant que plateforme financière. Être en Bourse, ça a des retombées sur les contrats accordés aux experts à Montréal. »

Les investisseurs perdent également une occasion de diversifier leur portefeuille. «La Bourse canadienne est concentrée dans les secteurs financiers et énergétiques, précise-t-il. Canam et Lumenpulse étaient des entreprises industrielles avec un profil différent. »

Michel Nadeau, directeur général de l’Institut sur la gouvernance (IGOPP), croit, pour sa part, que les deux transactions sont de bonnes nouvelles pour le Québec, car les deux sièges sociaux demeureront au Québec. Il salue la décision des deux entreprises de fuir la « dictature des résultats trimestriels ». «Les PME devraient rester privées, ou si elles sont publiques, elles devraient redevenir privées le plus longtemps possible parce que ça libère l’esprit des entrepreneurs pour se consacrer à des développements à moyen long terme. »

Il présente ainsi les mêmes arguments qu’ont donné Marc Dutil, de Canam, et François-Xavier Souvay, de Lumenpulse, lorsqu’ils ont expliqué leurs décisions à Les Affaires jeudi. M. Souvay raconte consacrer le quart de son temps à gérer les attentes du marché plutôt qu’à se concentrer sur la croissance à long terme. M. Dutil, pour sa part, déplore que les actionnaires, concentrés sur les résultats trimestriels, ne jugent pas adéquatement le modèle d’affaire d’une entreprise cyclique comme Canam.

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M. Nadeau croit que la Caisse et le Fonds de solidarité FTQ font bien d’aider Canam à quitter la Bourse. Comme les actions à droit de vote multiples, la privatisation facilite le maintien des sièges sociaux à Montréal. «Ça protège les sièges sociaux du Québec contre les vautours qui tournent autour d’une action dépréciée », explique-t-il.

L’ancien dirigeant de la Caisse de dépôt et placement du Québec raconte s’être battu à l’époque contre l’entrée en Bourse de la firme de publicité Cossette. «Malheureusement, les courtiers leur ont offert un plus gros montant, poursuit-il. Ils ont voulu conquérir la planète. Ils ont frôlé la faillite et ce sont les Chinois qui ont ramassé ça. Ils contrôlent maintenant Cossette notre fleuron de la publicité. Pourquoi, c’est arrivé ? Parce qu’ils ont été en Bourse. »

Louis Doyle, le pdg de Québec Bourse, s’inquiète du faible nombre de nouvelles entrées en Bourse. Les deux transactions d’aujourd’hui ne font toutefois pas partie du même problème, selon lui. «L’important, c’est que les entreprises utilisent les marchés publics pour financer la croissance, créer de la valeur et réaliser leur plan d’affaires. Ensuite, elles peuvent demeurer en Bourse ou elles sont achetées ou privatisées. L’idée, c’est d’avoir un cycle complet.»

La décision des deux sociétés québécoises démontre tout de même le fardeau que représente la divulgation trimestrielle sur les entreprises de plus petites tailles. D’ailleurs, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont commencé au début du mois une consultation sur le fardeau réglementaire des émetteurs assujettis qui ne sont pas des fonds d’investissement. Cette consultation offre une occasion de trouver «un encadrement plus pertinent selon la taille de l’entreprise »,dit M.Doyle.

Précisions: Une erreur s’est glissée dans une citation de Michel Nadeau. Dans une première version, nous rapportions que Michel Nadeau avait dit que Cossette avait fait faillite, ce qui n'est pas le cas.  M. Nadeau nous avait dit que Cossette avait «frôlé la faillite». Toutes nos excuses.

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